John Murphy
Abstinence from the Image: An anatomy of …emptiness, 2006
Photographic print 186 x 231 cm
ABSTINENCE FROM THE IMAGE : AN ANATOMY OF EMPTINESS
Tout l’art de John Murphy consiste à rassembler une constellation de signes révélateurs d’une expérience poétique. John Murphy dialogue sans cesse avec des œuvres existantes provenant pour la plupart d’un corpus littéraire, pictural, cinématographique, principalement avec des auteurs, des peintres, des cinéastes qui ont (ré)inventé le symbolisme, Mallarmé, Magritte, Resnais, par exemple. Ainsi occupe-t-il l’espace mental qui se créée entre les mots et les images. L’intervalle, comme l’ont remarqué les cinéastes Dziga Vertov et Jean-Luc Godard ou encore le philosophe Gilles Deleuze, est une affirmation du présent, celui du regardeur tout autant que celui du créateur. Par delà même ses expositions, conçues comme des pléiades signifiantes, Murphy suscite le développement dans l’esprit du spectateur d’un large faisceau d’associations, enrichi par ce dialogue entre passé et présent. De l’utilisation qu’il fait de la photographie et principalement des photogrammes de films qu’il utilise (Fellini, Losey, Antonioni,…), Murphy à l’habitude de déclarer qu’elle n’est en rien différente de la peinture. Ainsi, cette image extraite de La Grande Bouffe, la grande abbuflata, de Marco Ferreri (1973), séminaire gastronomique et suicide collectif, en mangeant jusqu’à ce que mort s’ensuive, de quatre hommes fatigués de leurs vies ennuyeuses et de leurs désirs inassouvis. On y voit Ugo Tognazzi, s’apprêtant à donner la pâtée à Michel Piccoli étendu sur sa couche et flanqué, à gauche, d’un Philippe Noiret se bâfrant tout autant. Etrange triangulation des visages sous un voile au plissé baroque. La montagne de purée à l’avant plan est déjà le ventre d’un Piccoli bientôt moribond et qui mourra victime d’une indigestion. On pense à la truculence et aux débordements d’une vie faite d’excès des scènes de table peintes par Jacob Jordaens, lorsque le Roi boit, exubérant dans sa démesure, profitant de toute occasion pour ignorer les normes et les règles, tandis que le bras nu de Piccoli qui traverse le « tableau » de part en part nous fait penser à celui du Marat assassiné de Jacques Louis David. L’image précisément choisie par John Murphy est déjà une mise au tombeau. John Murphy rapproche cette image de Marco Ferrerri à d’autres dessinées par Giambattista et Giandomenico Tiepolo, des Pulchinello, masqués, ventrus, bossus, préparant, se bâfrant et digérant la polenta. « Abstinence from the Image: An anatomy of …emptiness » : Murphy évoque ici le vide de tous les excès.
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