COMME UN GRATTE - PAPIERS


Chineur dans l'âme, intarissable source de références, iconographiques et autres, Benjamin Monti poursuit son exploration d'un univers hybride, foisonnant de personnages haut-en-couleurs, tantôt burlesques, tantôt inquiétants, mais jamais vraiment méchants. Gratte-papier (...) pourrait revêtir un caractère péjoratif, si nous nous en tenons à la définition du dictionnaire : un simple et modeste employé de bureau, un scribouillard sans talent. Pourtant cette appellation prend une autre dimension au regard de la pratique de Benjamin Monti. Car 1'artiste se place dans la tradition ancestrale des moines copistes qui, armés de leurs plumes, retranscrivaient les images du monde avec une méticulosité particulière. D'apparence simple - ce qui est toutefois trompeur , le geste de copie est transcendé sous sa main. Par la lenteur qu'il requiert, engageant un rapport particulier au temps, par la contrainte physique qu'il suggère, mais aussi par la possibilité qu'il offre à l'artiste de s'approprier l'univers pour mieux matérialiser le sien. Dans ce monde bien à lui se croisent êtres humains, animaux et machines. Des éléments qu'il associe librement, grâce à une hybridation facétieuse qu'il enrichit au gré des découvertes chinées ça et là. Le limaçon se dote de pieds chaussés, le chef de gare d'ailes de papillon, les corps se disloquent et recouvrent des aspects plus mécaniques, engendrant de nouveaux êtres-machines.Dans cet univers, l'artiste cultive la perte de repères. Tant dans le dessin (comment distinguer la copie de l'original ?) que dans les sujets (comment distinguer le réel de l'imaginaire ?).Oscillant entre rêve et réalité, ces associations emmènent le lecteur-regardeur dans un espacea temporel. D'ailleurs, les êtres hybrides créés sous la plume de Benjamin Monti semblent à la fois sortis d'un autre temps tout en restant ancrés dans une actualité qui nous est proche.A travers ses œuvres, l'artiste met à l'honneur l'imagerie qui parsème et façonne son histoire, et plus généralement la nôtre. Mais il rend aussi hommage à l'édition et au rapport presque passionné que les images peuvent entretenir avec les textes. Parmi ces dessins, nombreux sont ceux nés de la rencontre - parfois surprenante, souvent réjouissante - entre les auteurs et le dessinateur. On y retrouve évidemment les collaborations initiées dans la collection « La Petite Pierre » des éditions La Pierre d'Alun, mais aussi des recherches graphiques pour d'autres projets éditoriaux. La poésie des auteurs nourrit et révèle celle des collages imaginaires de l'artiste, dans un va-et-vient libre et foisonnant. (Céline Eloy, dans Flux News)