
Une couverture et 42 gouache, aquarelle, recto-verso sur papier ligné











Au rez de chaussée de la galerie, Suchan Kinoshita installe Volière (2024), à la fois installation et dispositif performatif. La volière est habitée par quarante sept appeaux, ces sifflets qui permettent de parler aux animaux et en particulier aux oiseaux, instruments reproduisant le chant des oiseaux, les bruits d’insectes, le cris des animaux. Une magnifique collection d’objets d’une folle inventivité et soigneusement fabriqués à la main. Bon nombre sont comme des architectures habités par des sons potentiels, abrités dans l’architecture de la volière, elle-même posée dans l’espace de la galerie. Ces appeaux, tout comme l’enceinte acoustique qui surplombe la volière matérialisent le son, comme s’il s’agissait d’accorder une présence physique aux éléments acoustiques de l’exposition. Et ces sons que diffuse l’enceinte acoustique et qui occupent l’espace, ce sont ceux des appeaux dont Suchan Kinoshita se sert, non pour imiter la nature, mais pour créer quelques chose de nouveau, un potentiel d’une variabilité sans commune mesure, changeant et spéculatif, une partition inattendue, joyeuse et ludique. L’espace lui-même devient vivant et changeant.
Dans L’Émancipation du Spectateur, Jacques Rancière écrit : Il y a partout des points de départ, des croisements et des nœuds qui nous permettent d’apprendre quelque chose de neuf si nous récusons premièrement la distance radicale, deuxièmement la distribution des rôles, troisièmement les frontières entre les territoires. C’est bien là que réside la position de Suchan Kinoshita, qui donne un rôle prééminent au spectateur, n’hésitant pas à déclarer que celui-ci fera carrière, alors qu’elle-même préfère parfois la position de l’interprète à celle de créateur, et qu’elle abolit toute frontière : de double culture, à la fois nipponne et européenne, et plus particulièrement allemande, Suchan Kinoshita inscrit sa pratique tant dans les sphères de la création sonore et des arts performatifs que des arts plastiques.
Au rez de chaussée de la galerie, Suchan Kinoshita installe Volière (2024), à la fois installation et dispositif performatif. La volière est habitée par quarante sept appeaux, ces sifflets qui permettent de parler aux animaux et en particulier aux oiseaux, instruments reproduisant le chant des oiseaux, les bruits d’insectes, le cris des animaux. Une magnifique collection d’objets d’une folle inventivité et soigneusement fabriqués à la main. Bon nombre sont comme des architectures habités par des sons potentiels, abrités dans l’architecture de la volière, elle-même posée dans l’espace de la galerie. Ces appeaux, tout comme l’enceinte acoustique qui surplombe la volière matérialisent le son, comme s’il s’agissait d’accorder une présence physique aux éléments acoustiques de l’exposition. Et ces sons que diffuse l’enceinte acoustique et qui occupent l’espace, ce sont ceux des appeaux dont Suchan Kinoshita se sert, non pour imiter la nature, mais pour créer quelques chose de nouveau, un potentiel d’une variabilité sans commune mesure, changeant et spéculatif, une partition inattendue, joyeuse et ludique. L’espace lui-même devient vivant et changeant.
A ceux-ci répondent les sons d’une autre œuvre installée à l’étage, Birdsong, une enceinte acoustique accrochée à un portant métallique, un dispositif auquel Suchan Kinoshita a donné le nom de Hanging About, ce que l’on peut tant traduire par accrocher que par flâner. Les sons, cette fois, sont des chants d’appeau qui ponctue un texte écrit et lu par l’artiste, des choses d’une singulière banalité, quitter sa maison sa maison, prendre la clé de sa voiture, utiliser le code de déverrouillage et non la clé elle-même, se rendre à la gare, se parquer à un endroit précis… Rien de bien épique, mais des choses faites ou à faire ce jour.
A l’étage également, Suchan Kinoshita déploie les feuillets d’un carnet de dessins. Elle a entrepris ce carnet ligné lors d’un récent séjour au Japon, couvrant chaque double page de petites gouaches et aquarelles. A faire, ce jour n’est pas une injonction, pas même le protocole d’un devoir quotidien ; parlons plutôt de vitalité, d’action, de flânerie, de mobilité, de légèreté. Peindre, dessiner, se fait à toute heure, dès que l’occasion se présente. Sur un coin de table, dans un train, ce jour, ou le jour d’après, s’éveiller à l’observation, l’invention, la réflexion. Suchan Kinoshita renoue avec la pratique d’Hokusai Katsushika, grand maître de l’estampe qu’elle admire et qui invente en 1814 un mot pour désigner ses innombrables carnets de croquis : la manga, néologisme issu de deux idéogrammes, man et ga qui signifie dessins (ga) foisonnants, légers, dérisoires, grotesques (man). Hokusai, à des fins pédagogiques, rassemblera entre 1814 et 1848 ses carnets de croquis et études diverses en une vaste encyclopédie qu’il nommera Hokusai Manga. La spontanéité y affleure à chaque page, si bien que le terme manga revêt également la signification d’esquisse rapide ou de dessin spontané. D’autres évoqueront pour traduire l’idéogramme, le kanji, man, le dessin esquissé sur un coup de tête, libre, sans raison, l’image sans but préconçu, l’image improvisée. En fait, autant de notions qui nous permettent d’aborder la manga de Suchan Kinoshita, ce carnet A faire ce jour et qu’elle fera également demain et après-demain comme en témoigne d’autres carnets déjà mis en œuvre et exposés en vitrine.
Suchan Kinoshita a récemment utilisé le terme Da Capo pour une publication à propos de la réactivation d’une œuvre ancienne, The difference is this : you go in or you stay out. You stay in or you go out: this is the difference (1998). Da Capo est une locution musicale qui indique à l’interprète qu’il faut reprendre le morceau depuis le début. Nous en ferons de même avec A faire, ce jour. Une quarantaine de double-pages sont visibles aux murs de la galerie. Au finissage, nous reprendrons les choses depuis le début, da capo, en montrant les dessins au verso des feuillets. En quelque sorte, nous tournerons les pages, comme celles d’une partition.
A noter, enfin, que Suchan Kinoshita est lauréate du Belgian Art Prize 2025. Le jury composé de professionnels de l’art a motivé son choix en précisant que « Suchan Kinoshita est une artiste accomplie et exceptionnelle, qui a construit un corpus d’œuvres très vaste au fil des décennies. Outre son parcours artistique personnel, le jury souhaite souligner son appréciation pour son rôle de pédagogue active et dévouée. A ce titre elle est un mentor pour les prochaines générations d’artistes. Sa sensibilité au temps et à l’espace, ainsi que sa curiosité permanente pour la vie nourrissent ses œuvres qui accentuent l’importance du processus de création, permettant au spectateur de prendre conscience du moment présent. Le jury lui a accordé la plus grande considération sur base de son parcours artistique qui se singularise par un langage visuel unique associant conceptualisme et expériences vécues avec générosité et humour ». Congrats Suchan ! Suchan Kinoshita est invitée à exposer à BOZAR en avril 2025.
La galerie Nadja Vilenne a le plaisir de vous inviter au vernissage de l’exposition monographique A faire, ce jour de Suchan Kinoshita ce samedi 23 novembre.
SUCHAN KINOSHITA
à faire, ce jour
vernissage le samedi 23 novembre à 15h
exposition du 23 novembre au 11 janvier 2025
jeu.-ven.-sam.-dim.de 14 à 18h ou sur rdv
One of ltalo Calvino’s ‘Six Memos for the Next Millenium’ is concerned with the question of ‘lightness’. Quoting the De Rerum Natura of Lucretius, he muses on the idea that knowledge of the world tends to dissolve its solidity, leading to a perception of ail that is infinitely light and mobile. He talks, too (for these essays were conceived as lectures), of ‘the sudden agile leap of the poet-philosopher who raises himself above the weight of the world, showing that with all his gravity he has the secret of lightness. Lucretius, he tells us, is a poet of the physical and the concrete, who nonetheless proposes that emptiness is as dense as solid matter. Just so, as lightness is inseparable from precision and determination. ‘One should be light like a bird, and not like a feather’, said the poet Paul Valéry.
If lightness has to do with the subtraction of weight, then this body of work by John Murphy is light. Several of these canvases carry merely the delineation of an ear; the others refer to the state of being that remains when all weight has been removed. ‘Selected Works’, blank music paper bound and displayed in vitrines, push that liminal state a step further into the unknown, for they exist in a permanent state of potentiality, somewhere between birth and death.
A point of entry into this weightless world may be through ‘A Portrait of the Artist as a Deaf Man’, a recent work based on a painting by Sir Joshua Reynolds. To those who are in possession of all their senses, the condition of deafness, like that of blindness, can suggest both isolation and an acute awareness of an inner world. ln conjunction with ‘Selected Works’, are we to suppose that the artist, within himself, hears echoes of Baudelaire’s « La Musique », which was inspired by the work of the deaf composer, Beethoven? (‘l feel all the passions of a groaning ship vibrate within me, the fair wind andthe tempest’s rage cradle me on the fathomless deep- or else there is a fiat cairn, the giant mirror of my despair’). But perhaps he can hear nothing at all?
There is solitude in John Murphy’s work, as well as a little irony and a touch of the comic. (Calvino, again, remarks that ‘melancholy is sadness that has taken on lightness. Humour is comedy that has lost its bodily weight’). The space in these paintings is unidentifiable; it is neither close nor distant. So, too, is their colour, which is poised but unstable. Pink passes into blue; blue passes into pink.
Music and the metaphysical are seldom far apart. It is in and through music that many of us feel most intimately in the presence of meaning that cannot verbally be expressed. Murphy’s ‘Selected Works’ are either so full of meaning that they are inexpressible or, quite plainly, they have never existed. Like his paintings, the ‘Selected Works’ invoke the aesthetics of the sublime; they present the unpresentable to demonstrate that there is something conceivable which is not perceptible to the senses. The experience of the sublime, according to Kant, accords us simultaneous grief and pleasure, because it both opens and conceals. The sublime impedes the beautiful; it destabilizes good taste.
Francois Lyotard, who has written about a connection between the aesthetics of the sublime and postmodernism, suggests that it is the business of contemporary culture to invent allusions to the conceivable that cannot be presented – not to enjoy them but to impart a new sense of the unpresentable. Calvino makes a comparable point, more wonderfully. ‘Think what it would be like to have a work conceived from outside the self, he writes, ‘a work that would let us escape the limited perspective of the individual, not only to enter into selves like our own but to give speech to that which has no language, to the bird perching on the edge of the gutter, to the bee in spring and the tree in fall, to stone, to cement, to plastic… ‘. John Murphy conveys to us the activity of absence – its force and inner vitality.
John Hutchinson
Dublin, August 1996.
By titling her exhibition “Architectural Psychodramas,” Suchan Kinoshita effectively provides the salient keywords that lead to a possible mode of reception. Kinoshita invariably eschews fixed categories and definitions; she loves the changeable and the speculative. For her, architecture is built space, environmental space that influences us, but also some- thing that we shape. “Psychodramas,” experiences, memories and emotions stick to it, but without necessarily congealing; they remain changeable. This understanding of time and space, replete with the subject-object groupings and contexts of meaning that are constantly updated within it, also resonates recognizably in her background in music and performance art. The individual elements in the exhibition are not given one single role or meaning. Rather, it is about their “potential as objects,” as Eran Schaerf described it in the catalogue for Kinoshita’s exhibition at Museum Ludwig, Cologne (2010). As a result, there are countless connections to be discovered between the totality of the assembled elements, which coalesce and condense in a number of themes and ideas, no sooner to jump into another context once more. (…)
Suchan Kinoshita produce sounds with the help of birdcalls. She presents them via instruments, made with by hand and with incredible creativity, in a kind of aviary, thus also adhering to the principle of granting a physical presence to the acoustic components of the exhibition. These objects, too, are architectures in Kinoshita’s understanding, since they form a dwelling place for sound. And this brings us back to the never-ending topic of change- ability: when Kinoshita deploys birdcalls, it is by no means to imitate them. Instead, it is about the creation of something new. Just as it is with every memory, every object, every word.
Kristina Scepanski, introduction to the exhibition « Architektonische Psychodramen » Westfälischer Kunstverein, 2022.
L’asbl La Jeune Peinture Belge a annoncé le nom de la lauréate du BelgianArtPrize 2025. Suchan Kinoshita a été sélectionnée par le jury et invitée à créer et à présenter de nouvelles œuvres au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles / Bozar du 24 avril au 29 juin 2025. Le BelgianArtPrize est le prix d’art contemporain le plus connu en Belgique. Son objectif est de soutenir les artistes belges ou les artistes internationaux résidant en Belgique et de renforcer leur reconnaissance nationale et internationale. Suchan Kinoshita (Tokyo, 1960) vit et travaille à Bruxelles. Congrats to Suchan !