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Jacques Lizène entrouvre le Palais de Tokyo à Paris

Jacques Lizène participe à l’entrouverture du Palais de Tokyo à Paris. 28 heures durant, il y propose une rapide rétrospective vidéo. Ces 12 et 13 avril,  il sera également en performance, un concert de musique à l’envers pour trois violons et une pédale wawa.
Jacques Lizène a virtuellement exposé dans le chantier de rénovation de l’institution, profitant des 25.000 mètres carrés du Palais. Il montrera les résultats de cette exposition sur un tas de gravas !

 

« J’aime penser que l’on fait partie d’un espace créatif et dans cet espace visuel et sonore, il faut pouvoir expérimenter une sensation : poétique, dense, éphémère… ». déclare Vittoria Matarrese, responsable des projets spéciaux et événements culturels du Palais de Tokyo.  Du jeudi 12 avril à 20h, au vendredi 13 avril à minuit, le Palais de Tokyo, désormais sous la direction de Jean de Loisy, ouvre une brèche : une intense vision accélérée et hallucinatoire de l’énergie qui va se déployer au Palais de Tokyo pendant les prochaines années.

Un foisonnement d’événements, de concerts, de performances, de conférences et de spectacles : de Christian Marclay à Olivier Saillard, de Gwenaël Morin à Hajnal Nemeth, de Matthew Herbert à Lucas Abela, le Palais de Tokyo est habité par les artistes ! La fièvre de 21h, les sursauts de minuit, l’onirisme de la nuit profonde, le charme de l’aube… Autant de moments pour découvrir le Palais de Tokyo, dans les coulisses de sa métamorphose, achevant sa mue avant d’ouvrir ses espaces d’exposition avec La Triennale « Intense proximité », alors en montage. Tous les espaces accessibles, près de la moitié du site, fenêtres, escaliers, salles de cinéma, mezzanines, Saut du loup, Little Palais, restaurant, auditoriums, agoras, déambulatoires, bureaux, salles de réunion seront investis par les oeuvres et ouverts au public.

 

Avec la complicité de trois violonistes, Adrien Boisseau, Violaine Meunier, Héloïse Schmitt et de l’ineffable Xavier Boussiron à la pédale wawa, Jacques Lizène interpréte une œuvre de musique à l’envers, nouvelles création intitulée « Edaneres » du compositeur Giwdul Navnevohteeb.
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Belle illustration de sa position de Cheyenne contraire, Jacques Lizène a l’idée de composer de la musique à l’envers dès 1979. Il la met en œuvre en 1996, avec   « Taifansie Trazom », pièce de musique à l’envers qu’interprétera le pianiste Jacques Swingedau. Avec la musique à l’envers, Jacques Lizène réinvente « n’importe quelle composition en lisant à l’envers toutes les œuvres, comme art d’attitude d’art médiocre et Music’ Minable ». Le but assigné au concept de réécriture compositionnelle n’a pas la prétention de créer de nouvelles sonorités mais bien de « lutter contre l’idée de jugement ». Jacques Lizène est donc un « compositeur non composant ».

Dans la foulée, Jacques Lizène inventera la « musique doublement à l’envers », variante plus complexe et gymnique puisqu’il s’agit de proposer à un musicien d’interpréter une partition de musique en jouant de son instrument à l’envers. Ainsi un pianiste jouera, accroupi sur la table du piano (donc clavier à l’envers), une partition existante, mais ré-écrite à l’envers. Un contrebassiste tiendra son instrument à l’envers, la touche vers le bas, la table vers le haut.  Notons que l’idée de la musique à l’envers (en effet de miroir) date de 1979 et qu’elle pourrait provenir, aux dires du Petit Maître, du souvenir du récit qu’on lui fit de l’exposition de René Magritte à Verviers, à l’invitation de temps mêlés. Magritte, son frère, André Souris (et d’autres ?) y auraient chanté la Brabançonne à l’envers.

Par ailleurs, Le Petit Maître a virtuellement exposé dans le chantier du Palais de Tokyo. Il en a fait un film qu’il présentera, penché, sur un tas de gravas.
En 1993, Jacques Lizène, Petit Maître de la seconde moitié du XXe siècle, prend position pour toute exposition virtuelle et se propose d’exposer virtuellement sur Mars (ou sur une autre planète) mais aussi dans tous les musées du monde.
C’est sur cette base qu’il concevra son documentaire fiction « Un certain Art belge, une certaine forme d’humour » en 1993. Dans ce projet dont l’idée remonte à 1983, il s’agit de « remplacer par simulation vidéo des monuments parisiens par des œuvres d’artistes belges. Position pour une exposition virtuelle ». Faire sortir de terre parisienne, afficher en incrustation ou en simulation virtuelle, c’est-à-dire en trois dimensions, des œuvres d’artistes belges dont l’irruption iconoclaste ou dérisoire donne fugacement un autre sens aux lieux. Cette fois, Jacques Lizène, sur le même principe, expose au Palais de Tokyo, mais avant sa réouverture, dans le chantier même.

 

Emilio Lopez Menchero, Homme Bulle et Claquettes

Collaboration entre les services de la Lecture Publique et des des Arts plastiques de la Province de Liège, l’Homme Bulle d’Emilio Lopez-Menchero campera plusieurs mois à Liège, non loin de la Bibliothèque des Chiroux, à l’angle de l’avenue Maurice Destenay et de la rue des Croisiers. Le lieu choisi, au pied de la principale bibliothèque publique liégeoise est bien sûr emblématique : l’Homme-bulle absorbe, révèle et fixe l’intensité sociale, sa concentration en un point où le mouvement est le moteur d’une narrative sans fin, constituée d’une multitude d’anecdotes anonymes, signées. Emilio Lopez Manchero en investissant l’espace urbain de cette façon questionne la sculpture publique traditionnelle en offrant aussi la possibilité à tout un chacun d’intervenir et donc de laisser une trace, une empreinte ou autre message.

L’inauguration de cette installation se déroulera le jeudi 1er décembre à 18h, en l’espace Rencontre de la Bibliothèque des Chiroux. En présence de l’artiste.

A propos de l’Homme Bulle, dans le cadre de Aux Arts Etc, alors que la sculpture campait à Waremme, non loin de l’Hôtel de Ville :

« Rien qu’un homme à la rue qui attend comme la cloche que quelqu’un d’autre lui dise pourquoi  il est là ». « Cultures-tu ? ». « Porte-parole ouvert à tous ». « Veux-tu m’épouser ? ». « Super le Centre culturel de Waremme, l’équipe est géniale, les spectacles de qualité. Dommage que ces gens soient mal payés ! ». « On t’aime Papa ! ». « Sacré Jacky ! ». « Surtout ne pas se dégonfler ». « Tout le monde s’appelle Roger ».

Les Waremmiens, on le voit, s’en sont donné à cœur joie. Ils ont tagué à volonté la bulle de l’« Homme Bulle » d’Emilio López Menchero. Ils l’ont même tatoué d’une grande marguerite, d’un monumental point d’interrogation, ont débordé sur son costume trois pièces, l’ont affublé de moustaches et ont redessiné ses yeux. « Bulle à savon, bulle à idées, attention ça glisse ».  Bref, ils se l’ont approprié.  Après avoir été installé à Bruxelles et avant de rallier Liège, l’ « Homme Bulle » était à Waremme, campant dos à l’hôtel de police et face à l’Hôtel de Ville.

Architecte de formation, Emilio López Menchero ne pratique pas, mais considère l’espace public et urbain comme un espace critique et y intervient régulièrement. Performances, installations, commandes publiques jalonnent son parcours. On le soupçonne de vouloir tatouer la Spanner Haus d’Adolf Loos. Très sévère par rapport à toutes les dérives que le « Crime et ornement »de l’architecte viennois a généré, il cite volontiers Hans Hollein et son Manifeste de 1968 : « Alles ist Architektur ». Tout est architecture, y compris la construction de soi. Ainsi, il habite la ville de Gand du cri de Tarzan, exporte, en guise de bancs publics, des frites géantes en Norvège, dessine une bâche de camion dont il mesure la capacité maximum à échelle humaine, constatant que deux cents individus, serrés en rangs d’oignons, pourraient y prendre place. À Ixelles, il reconfigure la friche de la place Flagey en « projet Potemkine », dressant, en quelques heures, une rue de toiles à la manière des faux villages prospères érigés par le favori de Catherine II en Ukraine. À Ath, il introduit un géant, Monsieur M, monsieur Moderne, au cœur de la procession des géants séculaires de la cité. On lui doit, bien sûr, « Pasionaria », ce porte-voix monumental installé à proximité de la gare du Midi à Bruxelles. Orientée vers la gare, ce lieu de confluence, référence à un épisode de la Guerre d’Espagne, « Pasionaria » matérialise la parole manifeste. Cette commande publique est dédiée à tous les migrants dans un lieu où se déroulent de régulières manifestations sociales et politiques.[i]

Monsieur Moderne, le géant d’Ath, ressemble à ces silhouettes anonymes esquissées par l’architecte théoricien Ernst Neufert, auteur des célèbres « Eléments des projets de construction », cette base méthodologique de la mesure de toute chose, de la norme et des prescriptions, publiée pour la première fois en 1936 à Berlin. Les silhouettes qui parsèment les croquis domestiques et vernaculaires de Neufert, traversent depuis longtemps déjà, les œuvres d’Emilio López Menchero. L’ « Homme Bulle » leur ressemble aussi. Citadin en complet veston, il est, au même titre que le porte-voix bruxellois de la « Pasionaria », un espace relationnel. De sa bouche s’échappe un monumental phylactère. Bulle ronde, vide, immaculée, c’est une muette invitation. La sculpture n’est pas un objet à regarder, mais une situation à composer. L’œuvre est en quelque sorte inachevée et son achèvement plastique suppose que le spectateur y mette la dernière touche. Au stylo feutre, bien entendu, à la bombe aérosol. Rien n’est imposé, au contraire, c’est une situation ouverte, à l’état de passage, où l’intersubjectivité se révélera mécanisme de création, la nature processuelle de la réalisation faisant de l’œuvre un événement[ii]. Le graffiti, le tag, l’empreinte directe, sont autant de signes de la culture urbaine contemporaine ; ici, ils permettront de créer de l’« être ensemble ». Être ensemble, artiste et regardeur, être ensemble, grapheurs d’un jour, tagueurs d’occasion, rassemblés sur la bulle. Campé sur le trottoir, l’« Homme Bulle » est le porte-parole de la population. Il sollicite le passant, lui propose de s’évader de ce tout ce qui est conforme, prescrit, recommandé, correct ou anonyme pour un moment de libre expression.


[i] A propos d’une série de projets réalisés: « Emilio López-Menchero, « Alles ist Architektur », Jeunes Architectures/Young Architecture », CIVA / A16, Bruxelles,  2007.

[ii] Voir à ce sujet : Paul Ardenne, « Un art contextuel », Paris, Flammarion, 2002, pages 179 et suivantes.

Juste avant l’inauguration de L’Homme Bulle à Liège, Emilio Lopez Menchero participe au « Bone 14, Festival für Aktionskunst in Bern », festival de performances qui se déroule du  29 novembre au 3 décembre dans la capitale helvétique. Emilio Lopez Menchero réactivera sa performance « Claquettes », créé pour le festival Monumentum à Bruxelles en 2010. « Claquettes » est une performance qui a eu lieu le 4 juin de 22h30’ à 22h 37’, en l’ancienne brasserie Bellevue à Bruxelles.

 

Emilio Lopez Menchero : Ici à Bern, le principe est identique , mais le déroulement in-situ reste totalement imprévu. Souvent lorsqu’on me demande « que sais-tu faire de tes dix doigts ? », je réponds en claquant des doigts le plus rapidement possible, rare chose que j’arrive à faire parfois avec une certaine virtuosité… Assis, torse nu sur un tabouret, je suis isolé auditivement du public. Je porte un casque audio très isolant acoustiquement, relié à un ipod situé dans ma poche. Un projecteur de lumière ne se concentre que sur mon torse. A Momentum, le hasard porta le choix sur la chanson « Carmela » de Camarón de la Isla, mais ici cela peut-être une tout autre. Je réagis spontanément au rythme de la musique en claquant mes doigts et en tapant le sol avec mes bottes à talon (prestation que je fais avec le plus de dextérité possible). Le public n’entend évidemment rien de ce que j’écoute, et moi-même je n’entends ni les réactions du public, ni même le son que je produis.

Les artistes invités au Bone 14 : Bean (GB) -Fredie Beckmans (NL) – Marina Belobrovaja (CH) – Domenico Billari (CH) – Frieder Butzmann (DE) – Esther Ferrer (ES) – Terry Fox (US)- GX Jupitter-Larsen & Jessica King (US) – Haus am Gern (CH) – Mischa Kuball (DE) – Emilio López-Menchero (BE) – Ka Moser (CH) – Boris Nieslony (DE)- Yoshinori Niwa (JP) – Dorothea Schürch (CH) – Lara Stanic (CH) et Filippos Tsitsopoulos (ES)