Jacques Lizène participe à l’exposition Grand Bazar au Château d’Oiron, un choix de Jean-Hubert Martin dans la collection d’Antoine de Galbert. 26 juin – 3 octobre 2021
Le Centre des monuments nationaux présente l’exposition « Grand bazar – choix de Jean-Hubert Martin dans la collection Antoine de Galbert » au château d’Oiron, du 27 juin au 2 octobre 2021. À l’invitation du CMN, près de 170 œuvres issues de la collection Antoine de Galbert sont installées dans le château pour dialoguer avec la collection permanente d’art contemporain Curios & Mirabilia, rassemblée en 1993 par le même Jean-Hubert Martin. Dans les galeries d’expositions, la collection d’Antoine de Galbert se déploie selon des thèmes qui lui sont propres avec une place importante laissée à l’œil, au visage et ses expressions, aux blessures. La confrontation entre ces deux collections et le dialogue entre les deux hommes ouvrent à de nouveaux effets de surprises. Parmi les œuvres présentées, From here to ear de Céleste Boursier-Mougenot fera entendre sa musique entre les murs du XVI° siècle. Plusieurs artistes sont communs aux deux collections : Hubert Duprat, Markus Raetz, Wim Delvoye, Annette Messager, Christian Boltanski, Marina Abramovic, Bertrand Lavier, Nicolas Darrot…. D’autres font leur entrée à Oiron : Théo Mercier, Gilles Barbier, Stéphane Thidet, Barthélémy Toguo, Jackie Kayser, Steven Cohen …
Aujourd’hui, accueillir à Oiron une sélection d’œuvres de la collection d’Antoine de Galbert, c’est ancrer un peu plus l’idée d’un lieu destiné à accueillir des œuvres d’horizons divers, à l’instar des cabinets de curiosités. Elle réveille l’engouement pour les collections d’objets de la Renaissance qui expriment l’humanisme naissant, en particulier celui de Claude Gouffier, seigneur d’Oiron au XVIe siècle, à qui l’on doit cette devise inscrite sur les murs du château, Hic Terminus Haeret.
Cette nouvelle exposition donne également une suite au projet initial du ministère de la Culture qui ne voulant combler le vide des salles avec un mobilier en rapport à l’histoire du lieu, décida d’engager le château sur la voie de la création, en passant commande à des artistes vivants. Ainsi naissait en 1993, la collection Curios & Mirabilia conçue par Jean-Hubert Martin.
Grâce au goût d’Antoine de Galbert pour le décloisonnement, qui lui permet de faire dialoguer les cultures populaires, les artistes émergents et les tenants de l’art brut, les œuvres présentées aujourd’hui à Oiron résonnent avec le lieu, son histoire, sa collection permanente, et certainement également avec cet élan intellectuel du XVIe siècle qui a vu dans l’œuvre humaine la possibilité de dépassement de la finitude.
Jacques Lizène Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Palmier croisé olivier croisé cactus. Technique mixte, h. 220 cmJacques Lizène Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Olivier croisé ananas. Technique mixte, h. 160 cmBenjamin Monti, collage, 2021Benjamin Monti, collage, 2021Benjamin Monti, collage, 2021Jacques Lizène Sculpture nulle et danse nulle 1980, art syncrétique 1964, sculpture génétique culturelle et cultuelle, en remake 2011 plâtre peint, 56 x 12 x 14 cm et 63 x 20 x 18 cm
Vue d’exposition Vue d’expositionJacques Lizène Sculpture nulle 1980, instruments de musique modifiés en guise d’interrogation génétique, art syncrétique, croiser un violon et une raquette de tennis, en remake 2011. Technique mixte, violon, raquette, 100 20 x 10 cmBenjamin Monti Sans titre, 2019 Encre de chine (2) x 29,7 x 21 cmJacques Lizène Art syncrétique 1964, sculpture génétique culturelle 1984 en remake 2011, danseuse asiatique, croisée statuette africaine croisée Vénus de Milo, technique mixte, 40 x 10 x 10 cm – 26 x 8 x 8 cm – 40 x 11 x 11 cmvue d’expositionvue d’expositionart bJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Mathieu Nisen croisé Mathieu Nisenrussels weekJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré André Derain croisé Léonard DefranceBenjamin Monti Sans titre, 2019 Encre de chine (5) x 29,7 x 21 cm
Nadja Vilenne pop-up gallery – Art Brussels week, rue Ernest Allard, 18 – 1000 Bruxelles
A l’occasion de la production de cette sculpture pour le musée de Liège, Jacques Lizène a également croisé toute une série de portraits rencontrés dans la collection du musée. Voici Paul Gauguin croisé Gérard Douffet, Gérard Douffet croisé Auguste Donnay, Auguste Donnay croisé Edouard Agneessens, André Derain croisé Louis Jamme, Léonard Defrance croisé André Derain ou encore James Ensor croisé François Joseph Navez. Un joyeux bordel aux cimaises et dans les réserves. Lizène, lui, se croise avec un squelette de James Ensor.
Jacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré James Ensor croisé François Joseph NavezJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré André Derain croisé Louis JammeJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Englebert Fisen croisé Pieter BaltenJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Paul Gauguin croisé Gérard Douffet.Jacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Pierre Balten croisé Jean Guillaume CarlierJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Mathieu Nisen croisé Mathieu NisenJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Gérard Douffet croisé Auguste DonnayJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Marcel Caron croisé James EnsorJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Emile Delperée croisé Frans DepooterJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré André Derain croisé Léonard DefranceJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Pieter Balten croisé Emile DeckersJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Jean Guillaume Carlier croisé Pieter BaltenJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Auguste Donnay croisé Edouard AgneessensJacques Lizène Sculpture génétique 1971, en remake 2018, croiser tous les visages croisés dans les collections du musée de Liège. Collage de copies laser, 38 x 29 cm encadré Marcel Caron croisé James Ensor
Coller, déchirer, hybrider, c’est assurément le quotidien du Petit Maître. Parmi ses multiples activités, Jacques Lizène, petit maître liégeois de la seconde moitié du XXe siècle, artiste de la médiocrité et de l’art sans talent pour art d’attitude, dessine depuis 1964 de petites choses en les croisant : « Croiser toutes sortes de choses comme des animaux, des visages, des architectures, des arbres, des voitures, des chaises, des sculptures ». Ou encore : « Découper et mélanger deux styles ». Ainsi pratique-t-il un syncrétisme par collage, croisant le haut d’une sculpture hindoue adoptant la triple flexion végétale et le bas d’une statue africaine, un sapin et un palmier, un chameau et un bovidé, des avions ou des autos, des visages qui se transforment en masques. Lizène hybride le réel en des créations indisciplinées, fusionne des éléments de cultures différentes ; la pratique trouvera son naturel prolongement dans l’Interrogation génétique, la Sculpture génétique ou la Sculpture génétique culturelle. Jacques Lizène pratique ainsi sans cesse l’accouplement, lui qui a refusé de procréer, mais il féconde des bâtards, altère, outrage, transgresse, se réjouit de la disharmonie et s’enthousiasme même de rendre celle-ci non perçue ; il renoue avec le grotesque, l’anormalité, ce que l’histoire de l’art positiviste a d’ailleurs longtemps refoulé. Dans un chaos délibéré, le dérèglement est ainsi systématique. Les sapins croisés palmiers sont apparus très tôt dans le corpus lizénien, foison de petits dessins médiocres, de peintures (parfois à la matière fécale), de projets de sculptures nulles à ne pas réaliser. En 2018, il intègre enfin une monumentale sculpture, croisement d’ un palmier, d’un olivier et d’un sapin, à l’architecture du musée de Liège rénové. Le syncrétisme, terme de souche religieuse et philosophique, est une combinaison d’éléments hétérogènes ainsi que l’être ou l’objet qui en résulte, un mélange; aujourd’hui on parlerait de métissage ou de sampling et le croisement de ces végétaux mutant défie toutes les lois de la nature. Lizène croise, ici, trois arbres qui restent vivaces toute l’année et qui bien sûr sont, en termes de religions et de civilisations, hautement symboliques. Depuis, il étend le champ des possibles croisant cactus, yucca ou ananas (la banane n’est pas l’ananas, petite chanson médiocre). Le Petit Maître précise toutefois que les métissages qu’il propose n’ont rien de politiquement correct. « Je me contente de faire des petites fantaisies d’art plastique en attendant la mort, a-t-il l’habitude de préciser ». Il n’empêche que ces hybrides croisements végétaux, débridés et accrochés à l’envers, car l’artiste apprécie les retournements de situation, évoque bien des fragilités du monde actuel.
Jacques Lizène, petit dessin médiocre, 1964, crayon sur papier. Collection de l’artiste. Jacques Lizène Art syncrétique 1964, olivier croisé sapin croisé palmier, projet de sculpture en bronze peint, socle avec système hydraulique et roulement à billes, remake 2011. Technique mixte sur enveloppe, 24 x 23 cm. Encadré sous double plexi 30 x 30 cmJacques Lizène Art syncrétique 1964, en remake 2018, palmier croisé olivier croisé sapin. Sculptures génétiques 1971, en remake 2018, Croiser tous les visages croisés dans les collections du musée, vidéo. Intégration au musée de la Boverie, Liège. Jacques Lizène Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Palmier croisé olivier croisé cactus. Technique mixte, h. 220 cmJacques Lizène Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Olivier croisé ananas. Technique mixte, h. 160 cmJacques Lizène Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Palmier croisé olivier croisé yucca. Technique mixte, h. 145 cm
Benjamin Monti, Sans titre, 2021. Installation au musée des Beaux Arts de Tournai (détail)
A l’occasion de cette Art Brussels Week, Benjamin Monti couvre les murs de la pop-up galerie Nadja Vilenne, à Bruxelles, de nouveaux collages all over, une pratique initiée en 2019 lors d’une exposition solo que l’artiste avait, fort adéquatement, intitulée Restructuration du travail. Alors que le public s’attendait à découvrir de nouvelles séries de dessins, Benjamin Monti lui a proposé une série de collages monumentaux réalisés à même les murs, portes ou gaines de cheminée. Pour une restructuration du travail, c’en était une de taille. L’aventure s’est poursuivie à la Luxembourg Art Week quelques mois plus tard, ensuite, de façon particulièrement exemplaire, au Musée des Beaux-arts de Tournai, pour une exposition – Paradis perdu – construite autour d’un magnifique dessin de Vincent Van Gogh, Arbres à Montmajour. Voici donc qu’il récidive à Bruxelles.
Benjamin Monti, est un étonnant collecteur d’images, collectionneur de curiosités imprimées, recycleur d’un corpus iconographique qu’il hybride, recompose, revivifie entre copies et originaux, une plongée abyssale dans une lecture de la représentation sans cesse réévaluée. Certes, Benjamin Monti est un Méçant Garçon, cédille comprise. Il copie sur son voisin, découpe dans les encyclopédies, vole les cahiers d’écolier de ses petits camarades. Il compulse de façon compulsive. C’est la nécessité de dessiner et de répéter – comme une leçon, une chanson, une posture – telle figure, qui est le moteur de son imagerie poétique, écrit Denis Gielen qui précise : « Les dessins de Benjamin Monti, sages à première vue, procèdent d’un détournement du bon sens et de la bonne conduite, proche du surréalisme : on songe aux romans-collages de Max Ernst. A bien les regarder, c’est d’ailleurs ce même parfum de délicate perversité qui s’en dégage ; fruit de l’union entre innocence et criminalité, jeu et cruauté, plaisir et souffrance. D’où, naturellement, l’impression que ses propres dessins, couplés souvent à d’autres sources, à des dessins d’autrui ou d’un autre âge, fonctionnent comme ces machines désirantes que Gilles Deleuze et Félix Guattari ont imaginées pour décrire l’inconscient non plus comme un théâtre mais comme une usine, un lieu et un agent de production, et partant, le désir non plus comme manque mais comme agencement ».
Benjamin Monti s’explique sur cette pratique du collage, présente dans son travail dès ses premiers travaux graphiques, des fanzines où il lui arrivait d’à la fois coller et dessiner. « Mon travail de dessinateur consiste à emprunter, citer, hybrider des sources diverses, sans colle ni ciseaux. C’est une logique de collage dans l’image. Il m’est vraiment nécessaire de chercher mes sources dans une rencontre physique. Je chine, je fréquente les bouquinistes et les poubelles. Il m’est tout aussi nécessaire de travailler manuellement, il faut que ce processus de réappropriation de l’image, des images, passe par la main, ce qui exige une certaine lenteur, ou du moins un rapport au temps très particulier. Avec ces all over, j’ai eu envie de poursuivre au travers de l’iconographie utilisée ces dix dernières années, mais dans une impulsion plus vivante, plus organique. Je reviens à la saturation, quittant l’image flottante. L’espace et l’échelle sont envisagés autrement : je propose au spectateur de se confronter au monumental sans être face à une image simple et lisible d’un coup d’œil. Être face aux collages demande de rentrer dans l’image, dans la multiplicité des images. Il n’y a pas de compréhension immédiate, l’œil se perd en processus, se confronte à une multitude de fragments. J’utilise des rythmiques, des répétitions, je compose également à l’intuition. Et l’œil du spectateur fera son chemin ».
Lorsqu’il conçoit ses collages muraux, Monti préfère la déchirure, celle qui révèle la structure du papier, au coup de ciseaux : « Quand on évoque la pratique du collage, explique-t-il, on évoque souvent la technicité, la minutie et la finesse du coup de ciseaux. J’ai voulu rompre avec cette perspective. La déchirure convoque l’interdit, ce qu’on peut ou ce que l’on ne peut pas faire d’un livre. C’est une pratique plus instinctive qui permet des mises en tension, entre légèreté, savoir-faire et destruction. Durant toutes ces années, j’ai accumulé les photocopies d’images afin d’hybrider mes compositions, d’échafauder mes dessins. Tout n’est dès lors pas du simple noir et blanc ; il y a également la richesse des niveaux de gris, les infidélités faites mécaniquement aux images d’origine. Quant à cette façon de manipuler les images au travers du collage, j’ai certainement été inspiré par les lacérations de Jacques Villeglé, les froissages de Jiri Kolar, les collages et assemblages de Bruce Conner, les collages muraux de l’appartement d’Islington de Kenneth Halliwell et Joe Orton réalisés à partir de livres liés à l’histoire de l’art et volé dans une bibliothèque, les collages pour les flyers de soirées et les fanzines punks qui sont des exemples d’œuvres ou la dextérité des ciseaux n’est pas toujours primordiale. Ou encore l’accumulation de photocopies mise en place depuis de nombreuses années par Joe G. Pinelli sur les murs de l’atelier des cours du soir section illustration et bande dessinée à l’Académie royale des beaux-arts de Liège. Ce sont là quelques-unes de mes influences ou sources de réflexion sur l’image ».
Jacques Lizène, Art syncrétique 1964, sculpture génétique 1971, en remake 2018. Olivier croisé ananas, 2018 Mixed media
C’est Benjamin Monti qui a désiré associer Jacques Lizène à cette exposition. Coller, déchirer, hybrider, c’est assurément le quotidien du Petit Maître. Parmi ses multiples activités, Jacques Lizène, petit maître liégeois de la seconde moitié du XXe siècle, artiste de la médiocrité et de l’art sans talent pour art d’attitude, dessine depuis 1964 de petites choses en les croisant : « Croiser toutes sortes de choses comme des animaux, des visages, des architectures, des arbres, des voitures, des chaises, des sculptures ». Ou encore : « Découper et mélanger deux styles ». Ainsi pratique-t-il un syncrétisme par collage, croisant le haut d’une sculpture hindoue adoptant la triple flexion végétale et le bas d’une statue africaine, un sapin et un palmier, un chameau et un bovidé, des avions ou des autos, des visages qui se transforment en masques. Lizène hybride le réel en des créations indisciplinées, fusionne des éléments de cultures différentes ; la pratique trouvera son naturel prolongement dans l’Interrogation génétique, la Sculpture génétique ou la Sculpture génétique culturelle. Jacques Lizène pratique ainsi sans cesse l’accouplement, lui qui a refusé de procréer, mais il féconde des bâtards, altère, outrage, transgresse, se réjouit de la disharmonie et s’enthousiasme même de rendre celle-ci non perçue ; il renoue avec le grotesque, l’anormalité, ce que l’histoire de l’art positiviste a d’ailleurs longtemps refoulé. Dans un chaos délibéré, le dérèglement est ainsi systématique. Les sapins croisés palmiers sont apparus très tôt dans le corpus lizénien, foison de petits dessins médiocres, de peintures (parfois à la matière fécale), de projets de sculptures nulles à ne pas réaliser. En 2018, il intègre enfin une monumentale sculpture, croisement d’ un palmier, d’un olivier et d’un sapin, à l’architecture du musée de Liège rénové. Le syncrétisme, terme de souche religieuse et philosophique, est une combinaison d’éléments hétérogènes ainsi que l’être ou l’objet qui en résulte, un mélange; aujourd’hui on parlerait de métissage ou de sampling et le croisement de ces végétaux mutant défie toutes les lois de la nature. Lizène croise, ici, trois arbres qui restent vivaces toute l’année et qui bien sûr sont, en termes de religions et de civilisations, hautement symboliques. Depuis, il étend le champ des possibles croisant cactus, yucca ou ananas (la banane n’est pas l’ananas, petite chanson médiocre). Le Petit Maître précise toutefois que les métissages qu’il propose n’ont rien de politiquement correct. « Je me contente de faire des petites fantaisies d’art plastique en attendant la mort, a-t-il l’habitude de préciser ». Il n’empêche que ces hybrides croisements végétaux, débridés et accrochés à l’envers, car l’artiste apprécie les retournements de situation, évoque bien des fragilités du monde actuel.
A l’occasion de la production de cette sculpture pour le musée de Liège, Jacques Lizène a également croisé toute une série de portraits rencontrés dans la collection du musée. Voici Paul Gauguin croisé Gérard Douffet, Gérard Douffet croisé Auguste Donnay, Auguste Donnay croisé Edouard Agneessens, André Derain croisé Louis Jamme, Léonard Defrance croisé André Derain ou encore James Ensor croisé François Joseph Navez. Un joyeux bordel aux cimaises et dans les réserves. Lizène, lui, se croise avec un squelette de James Ensor.
Nadja Vilenne pop-up gallery – Art Brussels week rue Ernest Allard, 18 – 1000 Bruxelles
Jacques Lizène, art syncrétique, chaises croisées, collection Province de Liège
Depuis plusieurs années, la Province de Liège cherche à valoriser les œuvres de sa collection artistique par le biais d’expositions aux thèmes singuliers et originaux. Pour celle-ci, le point de départ fut le travail photographique de Jacques Donjean qui a suscité l’envie d’une collaboration. Photographe et réalisateur, il a rencontré de nombreux artistes de la Province de Liège dans leurs ateliers respectifs et a capturé chacun d’eux sous la forme d’un portrait intimiste en noir et blanc. Cela donne un panel éclectique qui permet d’approcher au plus près les singularités de chacun. Une démarche originale qui a conduit à l’objet de cette exposition : faire correspondre les portraits d’artistes de Jacques Donjean avec leurs œuvres figurant dans la collection. Un parallèle qui invite le public à un jeu de miroirs : Qui est l’artiste ? Où est son œuvre ? Cela renvoie à un tête-à tête privilégié créant un lien avec une œuvre d’art et un artiste. «Enchanté de vous connaître» dépasse de loin la simple formule de politesse mais invite à faire naître un sentiment fort, voire bouleversant auprès du public.
Avec, entre autres, des oeuvres de Jacques Lizène, Pol Pierart, Marie Zolamian, Sophie Langohr.
Centre Culturel Les Chiroux, du 19 mai au 3 juin. Accès gratuit du me. au di. de 14:00 à 18:00
Jacques Lizène participe à l’exposition Danser sur un volcan, au Frac Franche-Comté à Besançon. Ouverture ce 19 mai 2021
Jacques Lizène Contraindre le corps à s’inscrire dans le cadre de la photo, 1971. Suite de 30 photos NB, tirages argentiques, 76 x 89 cm
S’il évoque le danger, la prise de risque, l’éventuelle chute, le titre de l’exposition fait également allusion à la complexité des relations humaines et sociales. En effet la locution « Danser sur un volcan », avant de suggérer la mise en danger physique et avant de devenir une expression, aurait été prononcée pour la première fois en 1830 – peu avant la Révolution de Juillet – par Narcisse-Achille de Salvandy lors d’une réception en l’honneur du roi de Naples. Salvandy aurait ainsi averti le Duc d’Orléans du danger qui se tramait en coulisse en comparant la révolte à un volcan.
Dans la continuité de Dancing Machines dont la thématique portait sur les contraintes internes du corps, Danser sur un volcan traite des contraintes externes, celles liées à la gravité et celles liées à l’Autre, celui qui porte, touche, et dont le regard transforme le corps.
Après avoir simulé l’absence de pesanteur par l’invention des pointes dans la danse romantique et classique, la danse se libère progressivement de ces oripeaux : Martha Graham (1894-1991) ou Doris Humphrey (1895-1958) utilisent la chute et ouvrent paradoxalement un chemin nouveau, déjà pressenti dans les performances d’Isadora Duncan, Loïe Fuller ou Rudolf Laban. L’art contemporain s’en empare également, mettant en scène chute et apesanteur, depuis leur considération purement physique et corporelle, jusque dans des connotations politiques liées à l’effondrement et à la liberté.
Le deuxième volet de l’exposition interroge également la question de la relation à l’autre, laquelle est indissociable de la relation au corps. En danse, elle a débuté par les danses de couples, le Pas de Deux – simples reflets de l’agencement des codes de la société – et les danses de groupe mettant en avant des effets spectaculaires d’une masse dont il ne fallait se distinguer. La danse, en quête de liberté, s’est alors affranchie de ces conventions pour véritablement composer avec et par l’Autre. Avec Steve Paxton, et ses « contact improvisation », « le point de concentration fondamental pour les danseurs est de rester en contact physique ; s’offrant mutuellement des appuis, innovant, ils méditent sur les lois physiques liées à leurs masses : la gravité, l’impulsion, l’inertie et la friction. Ils ne s’efforcent pas d’atteindre des résultats mais bien plutôt cherchent à accueillir une réalité physique constamment changeante par une manière appropriée de se placer et de diriger leur énergie. »
Avec Paxton, l’Autre devient socle également, et même si le corps est une matière informe, mouvante, à remodeler, il se « fait » alors sculpture. Interagir avec l’Autre entraîne une réaction du corps récepteur, notamment par le regard. Des réactions plus ou moins directes : soutenir ce regard, se cacher de l’Autre, de la société, s’habiller de tissus, se parer d’objets de consommation, se mettre à nu, se débarrasser de ce qui embarrasse les regards.
Comme Dancing Machines, Danser sur un volcanréunit des oeuvres d’artistes visuels et de chorégraphes.
Avec les oeuvres de Ewa Axelrad, Pascal Baes, Andrés Baron, Matthew Barney, Yoann Bourgeois, René Clair et Francis Picabia, Denis Darzacq, Thierry De Mey, Daniel Firman, William Forsythe, Simone Forti, Maïder Fortuné, Agnès Geoffray, Dhewadi Hadjab, Anna Halprin, Ann Veronica Janssens, Paul Harrison et John Wood, Micha Laury, Édouard Levé, Jacques Lizène, Shahar Marcus, Maguy Marin, Gordon Matta-Clark, Robert Morris, Ciprian Muresan, Eadweard Muybridge, Masaki Nakayama, Steven Parrino, Steve Paxton, Klaus Rinke, Pipilotti Rist, Hans Schabus, Melati Suryodarmo, Franck & Olivier Turpin, Bill Viola, Franz Erhard Walther…
Frac Franche-Comté, Cité des arts, 2 passage des arts, 25000 Besançon 03 81 87 87 40
Esther Ferrer, Jean-Yves Jouannais, Jacques Lizene, Gauthier Tassart, Arnaud Labelle Rojoux, Qing Mei Yao 16 octobre – 05 décembre 2020
En parallèle de l’exposition Eric Duyckaerts, Funambule élémentaire, Espace A VENDRE présentera dans la Galerie et le Showroom des œuvres de six artistes liés à l’artiste liégeois pour Un point complet sur la situation.
L’absurde sera convoqué par Esther Ferrer et sa performance Questions avec réponses dans laquelle l’artiste espagnole tente de répondre spontanément à des questions qu’elle se pose à elle-même mais pour lesquelles elle n’a pas préparé de réponses.
Jean-Yves Jouannais et Qingmei Yao exploreront comme à leur habitude le lien entre conférences et performance, savoir scientifique et renversement artistique – exercice cher à Eric Duyckaerts. L’autoproclamé « petit maitre liégeois de la seconde moitié du XXè siècle » Jacques Lizène se mettra en scène pour réaffirmer le lien inextricable entre sa « danse nulle » et les chorégraphies fantaisistes de RDFD. Enfin, l’incontournable artiste Arnaud Labelle Rojoux s’attaquera aux idées reçues et retrouvera Gauthier Tassart – qui a lui-même créé un Sudoku sur mesure pour Eric Duyckaerts – pour une performance.
A découvrir ou redécouvrir dans l’exposition Unbuilt Brussels #3 au CIVA à Bruxelles : Les photographies de vernissage, volet Je/Nous, Salto Arte, de Jacques Charlier Foncièrement la petite maison unifamiliale, une oeuvre interactive du Cirque Divers, création à laquelle participa Jacques Lizène
Collectif du Cirque Divers, Foncièrement la petite maison unifamiliale, 1977. Photographie Caroline Coste
Jacques Charlier Salto/Arte,Je/Nous, Ixelles 1975, photographies de performances, 1975, 102 photographies NB de Nicole Forsbach et certificat tapuscrit, (12) x 50 x 60 cm Collection Musée communal d’Ixelles et courtesy galerie Nadja Vilenne
Pour la troisième édition de la série UNBUILT BRUSSELS, le CIVA a décidé de confier la mission curatoriale à de futurs architectes, actuellement aux études. Sous la houlette de Patrice Neirinck qui dirige l’option Art de la Faculté d’Architecture de la Cambre Horta – ULB, 31 cocurateurs étudiants chercheurs de Master 1 et deux assistants ont entrepris avec une certaine inconscience l’exploration souterraine des archives situées en sous-sol du n° 55 de la rue de l’Ermitage à Ixelles, confrontant ainsi leur propre existence aux vertiges de l’histoire et aux troublantes questions que celle-ci ne manque pas de poser. L’exposition proposée au CIVA est le fruit de cette expérience in-situ, associée à une démarche pédagogique manipulant des idées de « re-création et/ou de re-traduction ». Par une appropriation Oulipienne* joyeusement anthropophagée en Ou A Po – Ouvroir d’Architecture Potentielle, les commissaires ont choisi de paraphraser Raymond Queneau « il s’agit peut-être moins d’architecture proprement dite que de fournir des formes au bon usage qu’on peut faire de l’architecture. Nous appelons architecture potentielle la recherche de formes, de structures nouvelles et qui pourront être utilisées par les architectes de la façon qui leur plaira. », traduisant dès lors en exposition ce glissement sémantique vers le champs de l’architecture et de l’art.
CIVA Rue de l’Ermitage, 55 – 1050 Bruxelles Jusqu’au 18 Août