Archives de catégorie : Jacques Lizène

Jacques Lizène, le Cercle d’Art Prospectif (3)

Le perçu et le non perçu, la photographie de Lizène est de profil.

carton d’invitation CAP3 galerie Vega 1973, retouché. 21 x 15 cm

Carton d’invitation CAP 3, galerie Vega, Liège. 1973

« Fort de quelques principes de base et entrainé par une volonté d’actualité, le CAP est devenu ce groupe plus ou moins homogène, qui a mis l’art relationnel en tête de ses recherches. De la relation existant entre les éléments constitutifs du réel dépend notre connaissance de celui-ci et par conséquent de notre réalité existentielle. Pour le CAP, il importe donc de mettre la relation en évidence. Chaque relation contient une référence, une information, une mise en garde. C’est elle qui, dans l’œuvre d’art, définit le signe (réunissant le signifiant et le signifié). De même que le « classement » de Roland Barthes, elle  « fait de la simple matière, la matière, la promesse d’un événement ».

Phil Mertens. Assistante Musées royaux des beaux-arts de Belgique

Le perçu et le non perçu, 1973, en remake 2011. Chaises.

1. L’auteur de ce texte, alors âgé de 26 ans s’est assis sur cette chaise pendant quelques instants. 2. Il n’est pas impossible qu’âgé de 32 ans, l’auteur de ce texte s’asseye un jour, quelques instants, sur cette chaise.
1.L’auteur de ce texte, alors âgé de 62 ans s’est assis sur le bord de cette chaise pendant quelques instants. 2. Il n’est pas impossible qu’âgé de 67 ans, l’auteur de ce texte s’asseye un jour, quelques instants, sur cette chaise. Le perçu et le non perçu, 1973, en remake 2011.
Copie numérique, photos couleurs, texte imprimé. 50 x 32 cm.

A gauche :

Jacques Lizène, 1974
144 tentatives de sourire… mais l’on sait le vécu quotidien de la plupart des individus, Accompagné de 881 tentatives de rire enregistrés sur cassette, tout d’une traite, 1974.
135 photographies NB, tirage argentique, marouflées sur carton, 9 x 73 x 61 cm

Au centre :
Art du nul en remakes, 1971 – 2003 – 2011.
Compilation de vidéos et remakes vidéos,  promenade le regard au bas des murs (1971), tentatives de sourire (1971), contraindre le corps (1971), actions de rue (1997), danse nulle, 1980. Bande son originale, et cadres penchés. Transfert sur DVD de films  8 mm et U-matic. Producteurs : Yellow Now, Videographie, RTBF, AVCAN et galerie Nadja Vilenne.

A droite :
Sculpture génétique 1971, remake 1997, 1971-1991.
Photographies plastifiées rehaussées de peinture acrylique et encre synthétique. Papier marouflé sur bois et papier plastifié. 129 x 161 cm.
Collection Communauté française Wallonie Bruxelles.

C’est dans le cadre du groupe CAP qu’est né le principe de « partage de cimaises » que Jacques Lizène a pratiqué à de nombreuses reprises.

L’idée du Morcellement de cimaise tient à la découverte, en 1970, de la salle d’exposition, à Liège, de l’Association pour le progrès intellectuel et artistique en Wallonie (Apiaw). Lizène découvre l’envers du décor : les rideaux tendus aux cimaises sur lesquelles on accroche les tableaux sont des cache- misère. Les murs sont particulièrement décrépis et lézardés. Lizène pensera un moment intégrer cette décrépitude in situà son exposition d’Art spécifique. La fissure est complémentaire aux murs de briques que Lizène peindra à la matière fécale dès 1977. Le réseau de fissures sur le mur conduira au principe du Lotissement de cimaise en 1975, soit lotir pour d’autres artistes une cimaise morcelée, basée sur l’idée d’« Exposer l’autre » (1974).

En 1974, Le groupe CAP (Courtois, Lennep, Lizène et Nyst), est en effet invité à exposer à la galerie Elsa von Honolulu-Loringhoven à Gand. De sa propre initiative, sans en référer ni à Jan Vercuysse, ni aux membres du CAP, Lizène invite son ami Antonio Silvestre Terlica E. Pinto à exposer sur la cimaise qui lui est destinée. Il lui propose de plus d’uriner afin de marquer son territoire, comme le font certaines espèces animales.Terlica E.Pinto expose un autoportrait capé et urine sur le mur, de part et d’autre de la photo. Peu de temps après, à l’occasion d’une exposition collective de CAP chez Spectrum à Anvers, Lizène prête à nouveau sa cimaise : cette fois, il montre une peinture de Jean Hick, ainsi que, au bas, les pots de peinture de l’artiste. En 1975, enfin, alors que toujours avec le groupe CAP, il participe à un échange avec le groupe Pour mémoire de Bordeaux, en une double exposition (au CAPc de la ville girondine et au Palais des beaux-arts de Charleroi), le Petit Maître lotit sa cimaise, la partageant avec Anne et Patrick Poirier et un aquarelliste, Marc Guiot, trois artistes qu’il invite, encore une fois, de sa propre initiative. C’est là le premier Lotissement de cimaise, sur l’idée du lotissement immobilier. Il prête sa cimaise (le prêter), a même l’idée (non réalisée) de la monnayer. La contribution de Lizène au lotissement consiste à délimiter les lots. Il expose, dans son lotissement, sa montre en or (volée juste après l’exposition) et une chute du film Contraindre le corps (non volée, celle-la)…

 

 

 

Lizène, Lonchamps, Monti, Zolamian, les irrévérencieux à Strasbourg

Après Paris (Centre Wallonie Bruxelles) et Liège (Espace Saint Antoine), c’est Strasbourg qui accueille l’exposition « Art de l’Irrévérence » conçue par Marie Hélène Joiret et Alain Delaunois, exposition produite par La Chataigneraie.
L’exposition est accueillie par le Centre d’Art Apollonia, centre d’échanges européens.  Du 6 février au 13 mars 2012. Vernissage vendredi 3 février.

Irrévérence, insolence, impertinence, dérision… Des nuances entre les mots et les attitudes, certes, mais un même état d’esprit, qui s’illustre – sans exclusive, mais sans souci d’exhaustivité non plus – dans cette exposition, proposant un regard décalé sur le monde et ceux qui le gouvernent, sur les humains nos semblables, sur les grandes et petites représentations de la vie. Il serait faux de considérer cet état d’esprit comme une forme d’expression univoque, aux contours bien définis, au cadre délimité par le bon ou le mauvais goût, la fine ironie ou la grossièreté, le propos farfelu ou le délire agressif. Ce serait ne percevoir qu’une partie du propos, si on ne devait le tenir que pour la nécessaire soupape de secours ou une échappatoire commode aux situations trop tendues traversant une société. Diderot le disait déjà, l’éclat de rire n’est pas qu’un simple soulagement sonore. Il est l’instrument d’un bousculement de l’ordre établi, réveille les désirs de rupture à l’égard des puissants, et il convient de rappeler que sa pratique relève du désordre social, larvé ou assumé. Mais une pratique qui elle-même se trouve dévaluée, privée de ce sens premier, lorsqu’elle est aux mains du divertissement télévisuel ou du discours publicitaire.
Dominique Païni, commissaire de l’exposition A.B.C. présentée récemment au Fresnoy, et fin connaisseur de la création artistique contemporaine en terre liégeoise, rappelait à juste titre que cette Belgique toujours au bord de l’implosion, bénéficiait d’une incroyable vitalité artistique, « s’adossant à une tradition d’impertinence et de provocations ». (Alain Delaunois)

Jacques Lizène, Peinture pour cirage de pompes, 2010. Technique mixte (remake de peinture minable, 1979).  Vidéo : Peinture minable. Le petit maître crache sur une vitre, réalisant ainsi une peinture minable façon action-painting. Quelques séquences d’art sans talent 1979. Couleurs, son, U-matic transféré sur DVD.

Capitaine Lonchamps, Neige, 2010, Technique mixte sur toile trouvée, 102 x 123 cm

Benjamin Monti, « Une très brève histoire de la religion catholique », 2010, encres de chine, sur papier « Perspecta », papier millimétré bicolore pour dessin en perspective. Déposé. Formulaire pour la vue isométrique, 29, 7 x 21 cm, 2010

Marie Zolamian, Irrévérence Paris 2011. Irrévérence Liège, 2011.
L’artiste proposera une nouvelle déclinaison de cette oeuvre, sous le titre de… Irrévérence Strasbourg, 2012.

 

Jacques Lizène, le Cercle d’Art Prospectif (2)

Revenons un moment à cette exclusion de Jacques Lizène suite à l’exposition « Le Jardin, lectures et relations », exclusion que nous évoquions dans notre précédente notule.

Jacques Lennep nous signale qu’en fait ce n’est pas le « jardin d’enfants » d’Antaki et du collectif du Cirque Divers qui déclencha « la crise », mais bien, un ensemble de paramètres et plus particulièrement une œuvre singulière de Lizène, intitulée « Drôle de Mycologie ». « Lizène, déclare Lennep,  m’avait envoyé pour le livre « Le jardin-lectures et relations » des photos de pénis (le sien?), sans doute par comparaison avec les satyres puants, une sorte de champignon. Cela m’a mis dans un grand embarras, car j’estimais devoir  signaler la chose à tous les participants à l’ouvrage (scientifiques, écrivains, artistes, etc.). Tous nous avaient fait confiance en nous offrant leurs contributions, et l’un ou l’autre aurait pu ne plus accepter de participer à la publication. J’avais assez de boulot comme cela, notamment comme secrétaire et animateur du CAP qui avait à gérer cette exposition très complexe au Botanique. J’ai donc fait part de la situation à Lizène, qui l’a fort bien comprise, a proposé autre chose en exigeant qu’on signale qu’il avait été censuré. Ce que j’ai fait sans sourciller. Après l’exposition, à la suite à cette affaire, j’ai averti les membres du CAP que je n’assumerais plus ma fonction au sein du groupe. Personne ne s’est présenté pour me remplacer, surtout à cause de la présence perturbante de Lizène. Comme nous souhaitions tous que le CAP continue ses activités, Lizène en a été évincé (l’Histoire démontre que ce fut temporaire), et j’ai été invité à reprendre les rênes ».

« Drôle de mycologie » n’a en effet pas été reproduite dans le livre « Le jardin. Lectures et relations », mais a bien été exposée au Botanique en décembre 1977- janvier 78. Il s’agit de quelques polaroïds du sexe du Petit Maître, tirages retouchés à l’encre, sur le thème du sexe gai et sexe triste. Lizène décline l’œuvre sur mode botanique en fonction du lieu où il les expose.  « Drôle de Mycologie » est, en fait, une variation du « Sexe – Marionnette » (1977, œuvre perdue).

C’est en 1977 que Lizène produit, en effet, son premier « Sexe marionnette », un film qui disparaîtra, tout comme sa première peinture à la matière fécale, film dont l’artiste fera un remake en 1993. Glissant son sexe dans un trou ménagé dans une planche de contreplaqué, Jacques Lizène l’agite longuement, par saccades, sexe garroté au bout d’une ficelle. En voix off, on l’entend répéter : « Il est triste le sexe marionnette, il est moins triste le sexe marionnette ». « L’œuvre, rapporte Lizène, a été « accidentellement » détruite en 1979  par une assistante de la RTBF (peut-être choquée), chargée de transférer la séquence sur support U-matic. Encore une mésaventure vidéo du petit maître ».  A propos du Sexe – Marionnette, Michel Houellebecq écrira dans son « Carnet à Spirales » en 1995, suite à une projection en Avignon lors d’un colloque sur le thème du « Ratage » organisé par Arnaud Labelle-Rojoux : « (…) Puis j’ai vu une vidéo de Jacques Lizène. La misère sexuelle le hante. Son sexe dépassait d’un trou ménagé dans une plaque de contreplaqué ; il était enserré dans un nœud coulant par une ficelle servant à l’actionner. Il l’agitait longuement, par secousses, comme une marionnette molle. J’étais très mal à l’aise. Cette ambiance de décomposition, de foirage triste qui accompagne l’art contemporain finit par vous prendre à la gorge ; on peut regretter Joseph Beuys, et ses propositions empreintes de générosité. Il n’empêche que le témoignage porté sur l’époque est d’une précision éprouvante. Toute la soirée, j’y ai pensé, sans pouvoir échapper à ce constat : l’art contemporain me déprime ; mais je me rends compte qu’il représente, et de loin, le meilleur commentaire récent sur l’état des choses. J’ai rêvé de sacs-poubelles débordant de filtres à cafés, d’épluchures, de viandes en sauce. J’ai pensé à l’art comme épluchage, aux bouts de chair qui restent collés aux épluchures ».

Mais revenons-en à la contribution lizénienne à cette exposiition CAP 40 ans.

Art auto-publicitaire, 1975. « Collectionneurs avertis, il vous faut acquérir un Lizène d’art médiocre pour mettre en valeur par opposition vos tableaux de maîtres et votre mobilier de qualité » En remake.

technique mixte sur toile, 79 x 70 cm, 2011. L’oeuvre d’origine st une simple feuille de papier de format A4, reproduite, ici, au centre de la toile.

Personnage photographié écrasant le bout de son nez contre la surface de la photo & Conséquence du fait présenté ci-dessus  : saignement de nez, traces récoltées sur mouchoir de poche… On ne joue pas impunément avec le mensonge et l’artifice. Démarche académique. Art sans mérite. Sans importance, hop ! mars 1973

photographie NB 18 x 24 cm et technique 73 x 57 cm, 1973

Oeuvre montrée pour la première fois lors de la Triennale 3 à Bruges, en 1974. Le groupe CAP y est invité collectivement. Pour le catalogue, Lizène décide de reproduire « Nu contraint à s’inscrire parfaitement dans les limites du cadre d’une photo, personnage refusant de subir la contrainte arbitraire des limites du cadre d’une photo… et une tentative de sourire ». Le Nu et le personnage refusant la contrainte sont actuellement exposés dans les Hauts de Seine, à Bagneux, pour une exposition intitulée « Burlesques », organisée par Nathalie Pradel.

Contraindre le corps à s’inscrire dans le cadre de la photo, 1971, en cadre de cadres 1970 et circuit fermé, 1970

20 tirages argentiques NB marouflées sur une impression numérique, 75 x 53,4, 1971. En remake.

Meuble découpé 1964, naufrage de regard, art syncrétique 1964, sculpture génétique culturelle 1974, statue fétiche d’art africain croisé statuette de style pré-colombien, en remake 2011

commode découpée, technique mixte, 120 x 70 x 50 cm, 2011

Lu dans la publication accompagnant l’exposition, sous la plume de Pierre Jean Foulon :

Par ailleurs les nouvelles technologies, émergentes en ce début des années septante, permettent aux membres du CAP de dépasser – sans le renier d’ailleurs, ceci est important à souligner –  le monde traditionnel de la peinture, de l’estampe et de la sculpture. C’est en effet le 7 décembre1973 qu’a lieu la réalisation de la première vidéo par les artistes du « Cercle d’art prospectif » qui deviennent dès lors les pionniers de cet art en Belgique. En ce domaine, Jacques Louis Nyst joue un rôle essentiel, ainsi que quelques autres artistes liégeois qui, très vite, vont intégrer le collectif fondé par Courtois, Lennep et leurs amis. C’est au moment même où se déroule la première exposition du CAP à Bruxelles, en mars et avril 1973,  que Jacques Lennep prend en effet contact avec Jacques Louis Nyst, un artiste liégeois particulièrement intéressé par l’ouverture de l’art aux technologies nouvelles (photographie mais aussi vidéo) et par une vision de la création basée sur le thème d’une «lecture» des œuvres – tel est le terme personnel qu’il utilise alors effectué selon différents points de vue confrontant réalisme et approche conceptuelle.

Le milieu de l’avant-garde liégeoise est à ce moment très actif. Au sein de celle-ci, Jacques Lizène occupe une place toute particulière. Lui aussi va rejoindre CAP. Se présentant comme un « petit maître liégeois de la seconde moitié du vingtième siècle», il pratique un art qui se veut «médiocre» ou «nul» et qui, en réalité, ironique, provocateur et désabusé, est basé sur la performance, le happening, l’installation, mais aussi sur le dessin et sur divers types de peintures aux matières parfois très singulières. L’œuvre de Lizène, c’est en quelque sorte une expérience existentielle volontairement escamotée, décrite en ces termes par Jean-Yves Jouannais: une «aventure en creux, patientes collections de non-réalisations, de sabordages et de dépits choisis » Au sein de cette œuvre dissimulant le pathétique sous le goguenard, l’aspect relationnel surgit souvent d’assemblages singuliers d’images et d’objets, comme par exemple ses « sculptures génétiques», étranges portraits imbriquant les traits de personnes différentes.

En citant la date du 7 décembre 1973, Pierre Jean Foulon fait référence  à la première séance d’enregistrement vidéo faite collectivement. Lizène utilise la vidéo depuis 1971. Son premier film, « Mur », est un hommage à la non-procréation.

 

 

Jacques Lizène, le Cercle d’Art Prospectif (1)

A La Louvière, au Centre de la Gravure et de l’Image Imprimée, CAP, 40 ans d’images réelles et virtuelles.

Le 26 octobre 1977, Jacques Lizène écrit à Ben Vautier qui, à Nice, prévoit de l’exposer :

« D’abord le titre, écrit Jacques Lizène. Peinture d’un artiste “analiste” (sans Y), être son propre tube de couleur (mars 1977). Ce n’est pas mon tout dernier projet, mais j’ai décidé de le réaliser car je le trouve de plus en plus drôle. Je sais que Manzoni a mis de la merde en boîte avec le nom de différents artistes mais a-t-il peint avec ? Je sais que Spoerri a fait de l’eat-art mais a-t-il déjà fait le rapport entre la nourriture et la matière fécale (c’est-à-dire composer une gamme de couleurs en faisant le rapprochement entre les aliments et la couleur obtenue) ? Je sais que dans le Psychart, il y a eu des cas de peintures réalisées en partie avec de la matière fécale mais pas de manière raisonnée. Cette forme de peinture entraînera un type de réflexion bien connu dans le monde de l’art : “Ce que fait untel, c’est de la merde.” C’est de cette façon que le fait humoristique sous-jacent à cette démarche se révélera. Il y aura dans la peinture analiste différentes variantes : sociologique, humoristique, provocatrice, analytique, politique, coloriste, dont le tout sera “sans importance”. »

Cette exposition ne se fera finalement pas. Jacques Lizène montre sa première toile à la matière fécale quelques semaines plus tard, à Bruxelles, au Jardin Botanique ou Jacques Lennep, animateur du groupe CAP, organise une exposition : Le Jardin, Lectures et Relations. Le grand aplat de merde que Jacques Lizène y montre disparaitra à la fin de l’exposition, vraisemblablement jeté à la poubelle par une femme d’ouvrage.
Au vernissage, qui se déroulera en présence du Régent, Jacques Lizène fait engager un musicien, un joueur de bombardon et le charge de s’asseoir dans un coin de l’exposition, sur un pot de WC. Durant la soirée, le musicien jouera de son instrument « sur tempo lent, de telle sorte que les sons émis ressemblent à d’énormes pets ».
En 1979 -80, Jacques Lizène reprendra cette idée afin d’en faire un projet de sculpture nulle pour gros tuba, pot de WC et fumée. Il s’agit de déposer un gros tuba, ou un bombardon, sur un pot de WC, de mastiquer les bords du pavillon de l’instrument sur la cuvette et de glisser dans celle-ci un tuyau relié à un générateur de fumée, peut-être un système de music hall, précise le Petit Maître afin de faire fumer le dispositif par l’embouchure de l’instrument de musique. Le tout doit être éclairé par un spot de lumière rouge.  Ce projet de sculpture nulle, Jacques Lizène vient de le réaliser en 2011, avec un hélicon et non un bombardon, posé sur un WC anglais. Œuvre élégante, Jacques Lizène n’hésite pas à la poser sur sa tête.

Sculpture nulle 1980, sur une idée de 1977, pour hélicon, pot de WC et fumée (la fumée comme élément sculpural), remake 2011. Suite à la pièce sonore de 1977 : pièce sonore pour bombardon et pot de WC.  ( helicon, cuvette de WC anglais, céramique, fumigène. 90 x 120 x 40 cm, 2011)

Performance pour bombardon et pot de WC. « Jouer sur tempo lent, de telle sorte que les sons émis ressemblent à d’énormes pets ». Le Jardin, Lectures et Relations, Jardin Botanique, Bruxelles, 1977.

C’est à la suite de cette exposition que Jacques Lizène est exclu du groupe CAP. La notice biographique du calalogue de l’exposition précise que c’est en raison « du caractère provocateur de sa participation ». Dans l’entretien que Jacques Lizène accorda à Denis Gielen en 2003 (Conversation avec le 25e Bouddha, Edition Le Facteur Humain), l’artiste s’explique sur l’épisode de cette exclusion :

Vous avez ensuite participer à la formation du groupe CAP qui défendait un « art relationnel »…

C’est Lennep et van Lennep qui ont crée CAP. Le premier contact fut pris avec Jacques-Louis Nyst qui faisait des œuvres dans lesquelles le dessin était mis en relation avec la photographie. Ensuite, j’ai été contacté parce que j’utilisais moi aussi, depuis quelques années, ce type de relation hybride, notamment dans mes travaux sur le « perçu / non perçu ». J’ai accepté l’invitation parce que je pensais que cela me créerait des occasions d’exposer. Mais il faut dire que je n’étais pas vraiment un artiste « relationnel »…

Vous avez d’ailleurs été exclu du groupe…

En 1978, nous avons eu une réunion suite à l’exposition – Le Jardin – qui eut lieu au Botanique et pour laquelle chaque membre du groupe avait eut la liberté d’inviter un autre artiste ou une personnalité d’une autre discipline ; un scientifique, un sociologue, un philosophe etc. Moi, j’avais invité le collectif du Cirque Divers en leur donnant bien entendu carte blanche. Ce qui m’a valu des problèmes, car ils ont débarqué en recréant un jardin d’enfants. Ils s’étaient déguisés en gamins et se sont amusés à reconstituer l’ambiance d’une coure de récréation.(ah! ah! ah!). Lennep a toujours cru que c’était moi qui les avait poussé à faire ça ; mais pas du tout, c’était Michel Antaki et Brigitte Kaquet. (…) Dans un groupe, il faut de toute façon toujours un exclu. Regardez les surréalistes ou les pré-situationnismes. Et qui pouvait mieux que le Petit Maître jouer ce rôle au sein du groupe CAP ? Moi ! C’était le meilleure choix !

Votre passage par le groupe CAP fut donc bref…

Pas vraiment, car l’aventure CAP s’est terminée en 1979 et mon exclusion date de 1978. En réalité, mise à part la publication du livre Relation et Relation, j’ai participé à presque toutes les manifestations du groupe.

 

Le perçu et le non perçu, 4 photographies NB, 1973. « Entre la première et la quatrième prise de vue, le photographe a absorbé trois bières blondes et fumé une cigarette de tabac noir… Entre la deuxième et la troisième prise de vue, le personnage photographié a, lui, absorbé deux bières blondes avec grenadine et fumé une cigarette de tabac brun… Entre la première et la deuxième prise de vue, le personnage photographié a retiré de sa poche une pochette d’allumettes que le photographe a emportée après la quatrième et dernière prise de vue ».

4 photographies NB, tirage argentique, texte imprimé, 30 x 50 cm

Il y a… Il y a un trou… un trou dans le milieu de la photo. Il y avait là, à la place de ce trou, l’image d’un passant, un homme de dos qui marchait, l’on ne sait vers où. Il vous est inconnu… et le restera. (ainsi !) (artiste de la médiocrité et de la sans importance. Le chic de la démarche de déception.

photographie trouée, texte, déchirure. 27,5 x 12 cm

Le deuxième portrait photographique est celui d’un postier…
Le troisième portrait photographique est peut-être aussi celui d’un postier…
La quatrième photographie est le portrait d’un policier…
La cinquième photographie est peut-être aussi le portrait d’un policier…
Peut-être le troisième photographique est-il  aussi le portrait d’un  policier…
Peut-être la quatrième photographie n’est-elle que le portrait d’un postier…
La deuxième photographie n’est finalement peut-être pas  le portrait d’un postier ; pas plus que les sixième, septième, huitième qui sont peut-être toutes des portraits de policiers (aie aie aie !).
Sans aucun doute, la première photographie n’est ni le portrait d’un postier, ni celui d’un policier.
Le perçu et le non perçu, 1973

tirages argentiques NB et texte imprimé, 65 x 50 cm, 1973.

Jacques Lizène réutilise une série de portraits tirés des planches contacts de « AGCT, filmer et photographier le plus grand nombre de visage humains, 1971 – 1972 »

Jacques Lizène présente : L’agrandissement photographique d’une peinture (de 9 cm de haut et 12 cm de large) découverte à l’intérieur de la Civilisation Banlieue. Peinture réalisée avec précision, aplication et grand mérite (valeur / mérite / travail). (Haut les Coeurs )

Tirage argentique sur papier baryté, texte imprimé, 1975

Cette oeuvre est montrée pour la première fois à la Neue Galerie à Aachen en 1975, dans l’exposition « Belgien, Junge Künstler I », organisée par le professeur Wolfgang Becker. Jacques Lizène fait référence à l’hyper-réalisme américain auquel s’intéresse de près le collectioneur Ludwig, dont une part de la collection est déposée à Aachen.

Lizène, Lonchamps, Monti, des escargots

En ouverture de La Louvière Métropole culturelle  2012, le Centre Daily-Bul & Co met sur pied une exposition intitulée Escargots à gogo

« Un escargot replié sur lui-même de façon à imposer à première vue l’image d’un éclair. » (Marcel Havrenne)

« L’indifférence engagée ? Une manière pour l’escargot de se mordre la queue. » (réponse d’André Balthazar à Jean-Pierre Verheggen)

« A force d’inhaler de la mine de plomb je vis d’étranges vagabondages. Ces derniers temps, alors que mes semblables s’adonnent au bruit, je descends du plafond (où j’ai mes habitudes) pour traînasser sur la feuille en secrétant des baves de crayonnage. Suis-je encore analogue, ou déjà mon prochain ? Ce sont d’innocentes interrogations, somme toute assez confortables » (Roland Breucker, « Petits-Gris », Le Daily-Bul).

L’exposition mettra l’accent sur la présence de l’escargot dans l’histoire du Daily-Bul, depuis l’adoption de l’emblème des éditions (redessiné par Pierre Alechinsky pour la création du Centre Daily-Bul & Co en 2009) jusqu’aux « traces » les plus diverses du gastéropode dans les écrits et les oeuvres plastiques provenant de collaborateurs ou d’artistes proches du Daily-Bul. Aux côtés d’un Roland Topor ou d’un Roland Breucker, grands pourvoyeurs en escargots, des contemporains exposeront une création réalisée spécifiquement pour cette exposition.Parmi les très nombreuses contributions, celles du Capitaine Lonchamps, de Jacques Lizène et de Benjamin Monti.  Des textes d’écrivains (André Balthazar, Jean Dypréau, Jean-Baptiste Baronian, etc.), de nombreux documents issus des archives du Daily-Bul mais aussi des objets prêtés ou issus de la collection personnelle de Jacqueline Balthazar accompagneront ces gasteropodes en tous genres. Un livre, hommage dispersé à Ronald Searle, accompagnera l’exposition.

Vernissage au Daily-Bul ce vendredi 27 janvier. Exposition jusqu’au 29 avril.

Jacques Lizène, CAP 40 ans, images réelles et virtuelles à La Louvière

Vernissage ce vendredi 27 janvier au Centre de la gravure et de l’Image Imprimée à La Louvière, dès 18h.

 

Il y a quarante ans donc que débutait l’aventure de CAP. C’était au mois de juin 1972 et c’était à Bruxelles. Jacques Lennep, l’artiste, Jacques Van Lennep, le collaborateur scientifique auprès des musées royaux des Beaux Arts de Belgique se met en quête d’une équipe d’artistes « motivés par l’esprit d’expérimentation ».  Courtois, Herreyns, Horvat, parmi d’autres, sont présents dès la première réunion ; l’esprit est plutôt constructiviste, peut-être sous l’influence de Phil Mertens qui accompagne ces premiers travaux, mais les choses se décanteront rapidement. On parle d’association, d’action, de projets conceptuels, très vite d’art prospectif, d’où cette appellation de Cercle d’Art Prospectif, ce qui deviendra d’ailleurs l’un des fondements même de l’action de CAP : mettre en évidence la valeur prospective de l’art dans une société en mutation sans aucune exclusive de style ou de technique. Le vidéaste Jacques Louis Nyst rejoindra le groupe quelques mois plus tard, entrainant avec lui l’avant garde liégeoise, Jacques Lizène et Jean Pierre Ransonnet, en tête. C’est bien évidemment Jacques Lennep, en grand pédagogue du tableau noir, lui qui a tout l’art de dépeindre, qui soumettra les essais théoriques et affinera les objectifs communs. Collectif d’avant-garde émergeant du bain structuraliste ambiant, le groupe jettera les bases d’un art relationnel étymologiquement fondé, projetant, quels que soient les moyens mis en œuvre,  la pratique artistique comme ensemble structural, donnant la prépondérance à la notion de récit, ce que l’on appelle l’art narratif, accordant une attention particulière aux liens qui tissent les relations que l’artiste entretient avec la société. CAP ambitionnera très vite d’être une sorte de laboratoire au large éventail de recherches relationnelles, n’excluant aucun médium. Ces relations impliquent, ajoute Lennep, cette ‘participation‘  qui était quasi un mot d’ordre à l’époque et qui favorisa chez l’un ou l’autre et à des degrés divers un intérêt pour le fait social ».

Les années 70 sont, on le sait, des années charnières et particulièrement fécondes dans l’histoire de la création contemporaine ; dans le domaine de l’art conceptuel, la Belgique est à l’époque une importante plaque tournante au cœur de l’Europe. Le groupe CAP s’y créa une place active. Il organise ses propres expositions aux quatre coins du pays, (se) délègue dans les biennales et triennales en Belgique et à l’étranger, organise des échanges, entretient des relations avec le milieu international ; c’est bien normal lorsqu’on occupe le champ relationnel. CAP est en relation tant avec Jean Le Gac que Fred Forest, Gina Pane, Christian Boltanski ou Jochen Gerz.  L’exposition « Le Jardin » en 1977 ou la publication « Relation et relation » en 1981, éditée par l’excellent Yellow Now,  sont, à cet égard, capitales. Nyst et Lizène sont aux avant-postes de l’art vidéo, CAP participera dès lors aux  émergentes  grand-messes internationales de la vidéo, de Lausanne à Knokke, d’Anvers à Buenos Aires où œuvre à l’époque Jorge Glusberg, figure majeure de la diffusion de l’art international en Amérique latine.

Autant la rétrospective CAP organisée à Namur en 2002 m’avait déçu, bien qu’elle fut l’occasion d’une publication qui reste remarquable par son abondante documentation, autant cette exposition produite par le Centre de la Gravure et de l’Image imprimée à La Louvière me séduit, et  par son esprit, et par la sélection des œuvres. Il y règne des poétiques singulières. Certes, tissant des relations entre les uns et les autres, on décèle très vite  un esprit commun, mais on assiste surtout à l’affirmation de fortes individualités.  Quant aux œuvres, bon nombre témoignent de la période d’activité la plus intense du groupe, 1973-1982, tout en laissant la porte ouverte à  des créations plus récentes. C’est bien là, aussi, l’esprit de CAP : rester un espace de liberté.

Jacques Lennep est bien sûr le plus orthodoxe, remettant sans cesse sur le métier relation structurelle, relation narrative, relation sociale. Tania, modèle de charme évoque son Musée de l’Homme, tandis que l’artiste chasse le cerf depuis 1976. Historien de l’art érudit, il sème des pensées dans le jardin de Monet à Giverny et rétablit la Fontaine de Marcel Duchamp dans sa fonction d’origine. L’incohérence, au sens où l’entendait Allais, ainsi que le burlesque ne lui sont pas étrangers. Il en va de même pour Lizène, bien évidemment. Ses 144 tentatives de sourire (1974) sont désespérantes. Dans la banlieue de l’art, l’artiste interroge le perçu et le non perçu (1973) et poursuit son interrogation génétique. Son bombardon sur pot de WC, sculpture nulle, évoque une performance réalisée pour l’exposition Le Jardin, exposition où il présentera ses toutes premières peintures à la matière fécale (1977). Même autarcique, le petit maître est un artiste relationnel, tragique parfois, mais relationnel. Vidéaste mais artiste multimédia, Jacques Louis Nyst sonde l’image, le texte, leur sémiotique. « L’ombrelle en papier ou le principe de non réalité » et « L’objet » sont parmi ses œuvres essentielles. Avec une rare poésie, Nyst sonde les codes de la représentation. Photographies et textes de Lierneux, « matières mentales » :  le choix des œuvres de Jean-Pierre Ransonnet est tout aussi judicieux. Ransonnet nomme l’univers affectif, il le raconte, c’est une manière d’en prendre possession. Horvat, Heyrrens et Courtois complètent, enfin, le tableau. De ce dernier, jalonneur de paysages réels et d’espace de mémoire, on découvrira quelques travaux graphiques anciens aussi précis que tracés au cordeau, tissant un réseau d’échanges entre le paysage et l’œuvre qui le représente.

CAP, quarante ans d’images réelles et virtuelles. Centre de la gravure et de l’image imprimée. La Louvière, jusqu’au 29 avril 2012

Le communiqué du Centre le la Gravure et de l’Image imprimée :

L’exposition
Le CAP [Cercle d’Art Prospectif ] désigne un groupe d’artistes oeuvrant depuis 1972 et constitué de Jacques Lizène, Pierre Courtois, Pál Horváth, Jacques-Louis Nyst, Gilbert Herreyns,, Jacques Lennep et Jean-Pierre Ransonnet. L’exposition retrace 40 ans de création commune, placée sous le signe de l’expérimentation et de la théorie relationnelle : un concept fondé sur les structures, les réseaux et les échanges, regroupant vidéos, images imprimées, photos et textes.
En collaboration avec le Service des Collections de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le catalogue
CAP 40 ans, images réelles et virtuelles
Ouvrage publié par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Textes de Fadila Laanan, Catherine de Braekeleer, Pierre-Jean Foulon.

Présentation
Les artistes du CAP ont participé activement aux recherches et innovations des années 70, une des périodes fondamentales dans l’histoire de l’art contemporain. Le groupe a été le pionnier de la vidéo en Belgique, il a conçu des expositions et des publications originales, mais surtout il a imposé un art relationnel.
Dans les années qui suivirent, les artistes du CAP, tout en restant en contact, ont abandonné les manifestations collectives. Celles-ci n’ont repris régulièrement qu’à la fin du deuxième millénaire pour se poursuivre aujourd’hui.

Nous reviendrons bien sûr sur la contribution lizénienne à l’exposition.

Jacques Lizène, Burlesques à Bagneux

La Maison des Arts de Bagneux, dans les Hauts de Seine, offre à un collectif de neuf artistes contemporains, héritiers des Dadaïstes, une possibilité d’expression jubilatoire et transgressive, à travers Burlesques, une exposition concoctée par Nathalie Pradel, directrice des lieux. Peintures, photos et vidéos, installations et performances, se caractérisent par un joyeux décalage entre la réalité et sa représentation.

Jacques Lizène y proposera quelques contraintes et contorsions. Côté photos, un Contraindre le corps d’une jeune fille à s’inscrire dans le cadre de la photo,  suite de photographies accompagnées de la photographie de Louise, refusant de subir la contrainte des limites du cadre de la photo. (1971-73). Côté vidéo, une compilations de contraindre de diverses époques, avec ou sans promenade d’un côté à l’autre de l’écran, avec ou sans mouvements  gymniques superflus, en barrant  ou en ne barrant pas le film à la main, image par image, afin de le disqualifier, avec ou sans cadre doré et tombé de l’image.

Les contraindre le corps de Jacques Lizène participent tous de ce vaste corpus entamé dès 1971 et intitulé : « Œuvre à vocation inachevée : contraindre toutes sortes de corps, nus, habillés, y compris des corps de policiers, à s’inscrire dans le cadre de la photo. Projet abandonné » Rappelons ici le sens du remake lizénien : 

Anglicisme. Il est vrai que le remake a d’abord et avant tout concerné le cinéma américain. Il désigne un film adapté d’un film existant précédemment, au contenu plus ou moins fidèle à l’original. Lorsque Jacques Lizène parle de remake à propos de ses œuvres, il effectue donc un déplacement sémantique, appliquant un terme du jargon cinématographique au domaine des arts plastiques. Il s’agit bien ici de refaire ses propres œuvres, non pas de puiser dans l’héritage de l’art afin de réactualiser une œuvre historique. Le remake lizénien, ancré sur les principes d’auto-historicité précisément mis en place par l’artiste, est l’un des principaux moteurs de l’œuvre entière, une machine puissante qui fonctionne en parfait circuit fermé, une implacable logique autarcique et endogène, un épuisement complet de l’idée mené de façon idiote, l’artiste répétant inlassablement les mêmes gestes, jusqu’à l’absurdité. Fondé sur l’attitude de l’artiste, le remake cultive donc le rebours, la systématisation, la répétition, l’inachèvement que l’artiste tente – en vain – d’achever. Au réel rebattu sur lui-même répondent des œuvres et des idées en permanence ressassées. S’il frise le rabâchage, l’artiste, qui a délibérément choisi de ne pas séduire, y trouvera une certaine satisfaction et en rira très fort. « Dans le domaine de la littérature, la redondance est du plus mauvais goût, fait-il remarquer : donc la redondance m’intéresse. » 

Au côté de Jacques Lizène, on découvrira des oeuvres de  : Eric Dizambourg, Michel Guilbert, Mary Sue, Pierre Meunier, Olivier O. Olivier, Marie Amélie Porcher, Alain Snyers, Mathieu Simon.

Exposition du 17 janvier au 23 mars.
Maison des Arts, 15 avenue Albert Petit, 92220 Bagneux.

 

Jacques Lizène, Contraindre le corps d'une jeune fille à s'inscrire dans le cadre de la photo, 1971, Suite accompagnée d'un personnage refusant de subir la contrainte des limites du cadre de la photo, 1971-73. photographies NB, tirages numériques.

Jacques Lizène, Contraindre le corps à s'inscrire dans le cadre de l'image en promenade d'un côté à l'autre de l'écran. 1971, couleurs, sans son, 8 mm, projet vidéo transféré sur DVD, 4'28. Ed. Yellow. Un film barré à la main, 1972. 1971-1972, NB, sans son, 16 mm transféré sur DVD, 1'31, Ed.Yellow. Quelques séquences d'art sans talent 1979. Couleurs, son, U-matic transféré sur DVD, 9'11, production RTBF. Contraindre le corps à s'inscrire dans le cadre de la photo, 1971, remake 1996-97. 1996, son, vidéo sur DVD, en rushes 5'02. Produit par la RTBF

Jacques Lizène à Metz, Y a-t-il une exception belge ?

… Non peut-être !

A l’initiative du Forum Irts Lorraine se déroule à Metz une quinzaine belge regroupant des créateurs de tout poil, y compris des brasseurs de bière. « Dix jours durant nous avons bon d’inviter artistes, graphistes, cinéastes, musiciens, brasseurs à venir babeler une fois du bonheur d’être belge », précisent les organisateurs.

Jacques Lizène y participe. La galerie associative Octave Cowbell projette jusqu’au 24 décembre le film « Un certain Art belge, une certaine forme d’humour », 1993

Un certain art belge, une certaine forme d’humour, documentaire fiction, 1993.
(1993, couleurs, son, 52 min, IRIS production, WIP et RTBF Liège, en collaboration avec Paul Paquay. Et la complicité active d’Anne Aimée)
Dans ce projet dont l’idée remonte à 1983, il s’agit de « remplacer par simulation vidéo des monuments parisiens par des œuvres d’artistes belges. Position pour une exposition virtuelle ». Faire sortir de terre parisienne, afficher en incrustation ou en simulation virtuelle, c’est-à-dire en trois dimensions, des œuvres d’artistes belges dont l’irruption iconoclaste ou dérisoire donne fugacement un autre sens aux lieux. Avec, notamment, la participation des artistes suivants : Jacques Charlier, Jan Carlier, Angel Vergara, Ria Paquée, Walter Swennen, Brigitte Kaquet, Sylvana Belletti, Charles François, Freddy Beunckens, Joseph Orban, Pierre-étienne Fourré, Louis de Koning, Babis Kandilaptis, André Stas, Pol Pierart, Capitaine Lonchamps, Eric Duyckaerts, Panamarenko, Susan Shup, Johan Muyle, Jef Geys, Guillaume Bijl, Luc Deleu, Leo Copers, Pierre Petry, Tony Pergola, Pol Hermotte, Marc Guiot et quelques autres dont Antaki.
Une vision de l’art contemporain belge, un partage de cimaise par incrustations d’images, un humour édenté. Un synopsis aux nombreuses idées non réalisées, ou piteusement réalisées, dont « cette imitation, rue Quinquanpoix, de Jean-Paul Belmondo dans Bande à part de Jean-Luc Godard » (en fait il s’agit de Samy Frey). Notons que le film débute par un remake de L’entrée d’un train en gare de La Ciotat , non réalisé en 1971, tourné ici, gare du Nord, à Bruxelles et Paris.

Conférence-performance : Vendredi 8 décembre à 18h, Jacques Lizène commentera la projection d’une série de ses films. Même lieu.

Par ailleurs, Jacques Lizène rentre d’un séminaire-workshop helvétique, invité par l’ECAV de Sierre. Avec les étudiants, il a réalisé des actions de rue d’art comportemental, envisagé de faire fumer des sapins genevois, installé virtuellement des AhahahArchitectures dans les cimes alpines, revisité les gisants, découpé des portraits génétiques, façon 1971, envisagé quelques derniers mots prononcés avant de mourir. Avec la complicité d’Alfred Jarry, Harald Szeeman, Alfred de Musset ou des étudiants eux-même. Il a également croisé des images de ces très beaux masques du Lötschental, expression populaire de la résistance du petit peuple face aux décisions unilatérales du pouvoir d’antan. Tous ces masques symbolisent la nature indomptée et indomptable de la vallée du Valais. Désormais, il y aura donc des « sculptures génétiques valaisanes, 1971, en remake 2011.

Jacques Lizène, Museum of Affects, Ljubiana, l’Internationale

Jacques Lizène participe à un vaste programme international qui regroupe quatre institutions européennes : le Van Abbe Museum d’Eindhoven, le MACBA de Barcelone, le Muhka d’Anvers et la Moderna Galerija de Ljubiana en Slovénie. Cette Internationale souhaite, en sa qualité de cadre coopératif alternatif, parvenir à se profiler à travers des projets transnationaux et plurivoques et donner de la visibilité aux concordances qui caractérisent les collections respectives des musées participants. Ce premier projet est une approche innovante des avant-gardes des années 1956-1986, au travers d’expositions, de colloques et séminaires.
Museum of Affects réunit des œuvres d’art réalisées dans des conditions très différentes : sous des régimes totalitaires dans l’ancien bloc de l’Est et en Yougoslavie, sous la dictature de Franco en Espagne, sous la junte militaire argentine qui assassinait « l’ennemi public » ou la junte brésilienne qui l’exilait… Mais aussi des œuvres réalisées aux États-Unis qui dominaient le monde de l’art à cette époque, ou en Europe occidentale, qui considéraient les États-Unis comme son grand frère et son exemple. Néanmoins, on retrouve – à partir de cette diversité – des valeurs communes dans ces œuvres. Non pas les caractéristiques formelles, mais une notion d’intensité, et celle-ci fait office de fil conducteur : quel était l’enjeu de l’artiste quand il/elle a créé son œuvre ? Qu’est-ce qui comptait pour lui/elle à ce moment-là et quel résultat espérait-il/elle ?

Chaise découpée, Art Syncrétique 1964, en remake. 2008. 83 x 40 x 35 cm. 12. Etre son propre tube de couleur, 1977. Peinture à la maière fécale. Peinture analitique (sans y). Remake 1995. Technique mixte sur toile. 100 x 80 cm 13. Peinture à la matière fécale, 1977. Dessin médiocre d’art syncrétique, 1964. Olivier croisé sapin croisé palmier croisé cactus. Remake 2010 et projection vidéo. Technique mixte sur toile, 200 x 150 cm (collection Muhka)

Le communiqué du musée de Ljubjana

26 November 2011 – 29 January 2012
Museum of Contemporary Art Metelkova
Ljubljana, Slovenia
Opening of the exhibition, Saturday, 26 November, 8 p.m.

Curated by: Bart de Baere, Bartomeu Marí with Bojana Piškur, Leen De Backer, Teresa Grandas 

The Museum of Affects exhibition brings together four important European museums: Moderna galerija, Ljubljana, the Museu d’Art Contemporani de Barcelona (MACBA), Barcelona; the Van Abbemuseum, Eindhoven; and the Museum van Hedendaagse Kunst, Antwerpen (M HKA). The institutions have joined forces to challenge the present canons of art history and replace them with transnational, pluralistic cultural narratives and approaches.

How to go about this? How to address similarities and differences in a new way? The Museum of Affects exhibition is one possible approach. It brings together works that emerged out of various events between 1957 and 1986. The circumstances under which these works were produced range from the totalitarian regimes in the former Eastern Bloc and Yugoslavia to the cultural oppression under Franco’s regime in Spain and the specific situation in the Lowlands. In addition, pop art, minimalist, and conceptualist works from the then hegemonic North American art system are included in the show.

The main focus of the exhibition is not the formal and cultural positioning of these works, neither is it a comparative analysis between them, but rather the notion of affects, the power of affecting and being affected. We define this power as a resonance with artworks, where artworks become events made of intensities, which leave certain traces in space and time and, above all, on or within our bodies and minds.

Affects involve both feeling and cognition; a sensory experience and an intellectual activity. What is more, affects are also a change, a politics, a rupture, an unknown power. Affects cannot be instrumentalized because they cannot be read or represented. On the other hand, affects can be controversial, especially when linked to certain ideologies and/or totalitarianisms.

What then are the intensities that inform a work? What is the potentiality of an artwork? How do we think of art as event? And how do we work out the antagonisms between affects, representation and the art system in the exhibition itself?

Questions such as these force us to think beyond the defined methodologies of academic art history and its formal analyses, which might incite a different kind of approach towards the exhibited works; or more precisely, the idea of the exhibition is not so much about interpreting the works of art as it is about the specific affective experiences that these works trigger.

For this reason the following groupings were applied: the desire for actual social change through the critique of the system and the media; the desire for symbolic social change and the creation of alternative systems; understanding the world by making invisible structures or energies visible; using the world as material for ironic critique; the desire to articulate the world as semantics and immediacy; and articulating the self in the world as experience.

Participating artists:

Francesc Abad, Marina Abramović, Vito Acconci, Eugenia Balcells, John Baldessari, Dimitrije Bašičević Mangelos, K.P. Brehmer, Stanley Brouwn, James Lee Byars, René Daniels, Paul De Vree, Luc Deleu, Daniel Dewaele, Lili Dujourie, Miklos Erdely, Öyvind Fahlström, Esther Ferrer, Robert Filliou, Dan Flavin, Ferran Garcia Sevilla, Jef Geys, Tomislav Gotovac, Eulalia Grau, Ion Grigorescu, Grupo de Artistas de Vanguardia, Grup de Treball, Tibor Hajas, Richard Hamilton, Nigel Henderson, René Heyvaert, Hamlet Hovsepian, Sanja Iveković, On Kawara, Julije Knifer, Jiři Kovanda, Vladimir Kuprijanov, Jacques Lizene, Ivica Matić, Danny Matthys, Guy Mees, Miralda, Jan Mlčoch, Andrej Monastirsky, Muntadas, Bruce Nauman, Video-Nou / Servei de Vídeo Comunitari, the OHO group (Milenko Matanović, Marko Pogačnik), Panamarenko, Carlos Pazos, Josep Ponsatí, Manolo Quejido, Joan Rabascall, Gerhard Richter, Martha Rosler, Benet Rossell, Ed Ruscha, Mladen Stilinović, Ilija Šoškić, Petr Štembera, Toon Tersas, Anne-Mie Van Kerckhoven, Josip Vaništa, Andy Warhol, Lawrence Weiner