Archives de catégorie : Craigie Horsfield

Craigie Horsfield, les images (3)

At the carnival at Palma de Campania the February air was bitterly cold and as the light faded in the late afternoon a biting wind came up across the slope of the volcano. On the last day of the celebration groups of dancers and performers, several hundreds of people from different districts of the town, compete with each other in showing the costumes they have laboured on for months. In that winter, young men and women shivering in the cold trooped onto the stage excited and expectant as the last stragglers from the performance before were leaving. First one group then another would emerge from the press of figures to dance to the front of the high platform they stood on while their supporters in the crowd belocheered and shouted as they recognized their friends. In the intervals, as one group left and the next prepared to come on, the guest of honor was presented, a television starlet who stepped petulantly from her limousine into the cold to wave apathetically to the crowd as the MC extolled her fame over a megaphone, before she retreated, with evident relief, surrounded by fawning men vying to catch her attention, to take refuge again in her car. She was gone long before the last troupe of performers were being ushered on. The four young women were the first of their party, hesitant as they were pushed on to the stage to stand ready and watchful. Several other figures in extravagant costume danced on to take their positions but there was a pause. There was some confusion as those waiting to go on to the stage were being redirected and others were brought from the line that stretched into the shadows beyond the steps up to the platform. The young women became anxious and uncertain whether to stay in their allotted place, so exposed to the gaze of the crowd. There was a sense of the waiting figures, the young women in their now hesitant boldness and expectancy, being at a point of fragile equilibrium in which they appeared as though spectral, both older and younger than they were, caught between what had been and would not be again and that which was to come, that which was already forming and certain … but delayed, leaving them as though in suspension, irresolute, unable to leave, or to go on. The cold wind cut to the bone, and everywhere there was busy disorder, around the stage and amongst the crowd, but here only the movement of their white dresses as they stood swaying back and forward. And one dancing. (Craigie Horsfield)

Craigie Horsfield, les images (1)

Craigie Horsfield, une courte notule d’introduction

La galerie Nadja Vilenne est particulièrement heureuse d’accueillir Craigie Horsfield, figure majeure de l’art contemporain britannique. Généreuse, l’exposition rassemble une sélection d’œuvres réalisées entre 2005 et 2016, autant de jalons des projets menés par l’artiste à El Hierro (Tenerife) et dans le sud de l’Italie, à Naples, Via Monteoliveto et via Chiatamone par exemple, à Sorento ainsi qu’à Palma de Campania, autant d’approches du réel transcendant les lieux évoqués car, oui, en ces fascinantes dramaturgies, tout est réel ici.

Diplômé de Saint Martin’s School of Art à Londres en 1972, Craigie Horsfield se tourne rapidement vers la photographie, le cinéma et le son. Il quitte la Grande-Bretagne pour des raisons politiques la même année et part vivre en Pologne. Pendant sept années et y suit des cours d’art graphique à l’Académie des Arts de Cracovie, ainsi qu’à l’Académie des Sciences puis choisit de devenir DJ. C’est dès 1969 que Craigie Horsfield commence à réaliser des photographies en noir et blanc. Ses clichés – paysages, portraits d’amis ou de proches, nus ou encore scènes d’intérieurs – restent confidentiels pendant une dizaine d’années, Horsfield choisissant de ne les publier qu’à la fin des années 1980. Ses photographies, par leurs grands formats, convoquent la peinture classique. Elles renouent avec l’idée de tableaux. L’usage de la lumière semble trahir une volonté de dramatisation. Et pourtant,  Horsfield décrit bel et bien des lieux et des gens à travers ses titres et manifeste ainsi une authentique intention documentaire. Elle interroge à la fois l’art et la vie, le familier et l’extraordinaire, l’épique et le quotidien, le temps lent et long du présent qui garde trace du passé et amorce le temps à venir. Craigie Horsfield s’est longuement interrogé sur cette question de la temporalité, s’inspirant des écrits Fernand Braudel, fondateur des Annales, pourfendeur des premières réalités mouvantes qui font trop de bruit, défenseur d’un temps long prenant en compte une triple temporalité, celle d’un temps géographique, d’un temps social et d’un temps de l’événement.  La réalisation d’une œuvre, que ce soit son tirage, sa contemplation ou son effet émotionnel, s’effectue dans notre espace commun, se déroule dans un présent relationnel, déclare Craigie Horsfield. Mon expérience m’a confirmé, encore plus clairement, dans mon idée de la permanence de l’histoire, dans l’idée que ma propre culture ne faisait qu’un avec celle des siècles précédents. La photographie, précisément, peut prendre en compte cette conception. C’est ce qui la rend inconfortable, dit-il encore.

L’exposition s’articule sur plusieurs temps. Celui d’une dramaturgie solennelle, Procession Blanche et Procession du Christ Mort à Sorrento, relationnelle dans ce bar de la Via Monteoliveto à Naples, festive et carnavalesque Piazza de Martino à Palma de Campania. Celui de l’atemporalité d’une nature morte, bouteilles, ail, grenades, pivoines de la Via Chiatamone à Naples, certaines délicatement imprimées a fresco. Celui, enfin, de la nature et des paysages, un temps suspendu et minéral à El Hierro, un tumulte sur la baie de Naples, vue depuis la Via Partenope, ce jour où, coïncidence étonnante, s’enflamme un bateau alors que, plus loin, la foule admire les éclats d’un feu d’artifice. Pendant un instant, il a semblé que le monde s’était ouvert à une autre époque, car tout ce qui était familier était englouti, écrit Craigie Horsfield. Comme la peau du présent est parfois fine, tendue et presque transparente. Et sous cette peau, l’obscurité turbulente.

 Nommé au Turner Prize en 1996, Craigie Horsfield a notamment été invité lors des Documenta X (1997) et XI (2002) à Kassel, à la Biennale new-yorkaise du Whitney en 2003. Nombreuses sont les institutions qui lui ont consacré une exposition monographique parmi lesquelles la Fondation Antoni Tapies à Barcelone (1996), le Stedelijk Museum d’Amsterdam (1992), le Musée du Jeu de Paume à Paris (2006), le Museum of Contemporary Art de Sydney (2007), la Kunsthale Basel (2012)  ou encore la Tate Britain (2017). En Belgique, le Muhka lui a consacré deux expositions en 2010 et 2018. Craigie Horsfield a également mené deux projets collaboratifs en Belgique à BOZAR (1997) et au Museum Dhondt-Dhaenens à Deurle avec Paul Robrecht and Erik Eelbode (1996-97).  On retiendra également la double exposition organisée en 2016 et 2017 par le MASI, Museo d’arte della Svizzera italiana, à Lugano et le Central Museum d’Utrecht. Ces deux expositions ont donné lieu à la publication d’une importante  monographie, Of the Deep Present.