Mon travail repose sur l’étude et l’interprétation d’œuvres patrimoniales. Je m’approprie des images ou des objets chargés d’histoire et m’exprime à travers leurs propres modes de construction et de production de sens. Par différents procédés de refabrication, je les revisite, les détourne et les subvertit pour les faire parler autrement dans de nouveaux contextes.
Pour cette installation, réalisée en collaboration avec Orto Botanico Studio[1]et conçue spécialement pour Art Au Centre 5, je me suis inspirée de l’ancienne tradition des vases de mariées. Ces vases en porcelaine blanche furent abondamment produits en France et en Belgique entre le milieu du 19èmeet le début du 20èmesiècle. Ils faisaient partie du rituel du mariage et étaient conservés, ornés des fleurs de la couronne ou du bouquet de la mariée, sous un globe de verre posé sur un socle en bois peint. Leur ornementation fait appel au registre de l’amour éternel, de la fécondité et de la prospérité tandis que leur forme de coquille ou d’éventail largement ouvert est un symbole de réceptivité aux influences célestes. L’organicité de ces vases que j’ai, ici, librement réinterprétés, témoigne de la pensée naturaliste du 19èmesiècle.
Cette idéologie a également nourriune édifiante littérature misogyne qui, à l’époque, participait au maintien des femmes artistes hors de la sphère publique et dont ce texte est exemplaire: « Les femmes sont encore rarement enclines aux activités intellectuelles (…). Parce qu’elles ont en général un agréable sens de la forme, des perceptions rapides, de la fantaisie et une imagination souvent vive, il n’est pas surprenant que le modelage de l’argile tente leurs jolis doigts. De même, leur nature incite les femmes à sculpter des motifs fantaisistes et sentimentaux plutôt que (…) des œuvres de pure imagination créatrice »[2].
En réaction et pour la chanson, j’ai donc adopté cette marche à suivre : « Du pain et des roses ! Du pain et des roses ! [3] » Et j’ai laissé mes mains se souvenir du meilleur et du pire pour sculpter des pains de terre et de mousse.
Sophie Langohr
[3]La chanson populaire Bread and Roses a été composée à l’occasion de grèves ouvrières aux USA en 1912, ce slogan féministe a été repris par la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence.
Sophie Langohr et Orto Botanico Studio – Pain / Roses – Art Au Centre 5, Rue de l’Université 29, Liège > 30 avril
Art au Centre est un projet de revitalisation des cellules vides du centre-ville de Liège par l’art. Il consiste à investir les vitrines des commerces vides pour y installer des œuvres d’artistes liégeois, belges et étrangers afin de dynamiser les quartiers en offrant au visiteur un parcours artistique à travers la ville.
Le projet s’appuie sur un recensement des vitrines vides du centre de Liège réalisé et mis quotidiennement à jour par notre asbl, qui se charge également de la sensibilisation des propriétaires et agences immobilières au projet.
Un comité de sélection composé de commissaires d’exposition, de galeristes et de critiques d’art a été constitué par l’asbl Mouvements Sans Titre, qui dirige la réalisation des vitrines. Peinture, sculpture, installation, œuvres participatives, performance, vidéo… Toutes les formes d’art actuel sont représentées.
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