La série de dessins que Valérie Sonnier a choisi d’intituler Faire le photographe est au cœur de cet indémêlable entrelacs qui unit le burlesque à l’inquiétante étrangeté : ils mettent en scène Skeleton, une marionnette à fils fabriquée au début des années cinquante en Angleterre par la firme Pelham — un squelette en effet, articulé, mais dont le faciès effrayant se tempère bel et bien d’un sourire — et une poupée de carton bouilli défraîchie (elle est sans doute plus ancienne), au regard doux, un peu absent. Ils sont dessinés dans à peu près toutes les positions décrites par le Kama Sutra. Le titre Faire le photographe renvoie directement à l’une d’entre elles, qu’on identifiera sans trop de peine : autrefois, les artisans qui utilisaient des chambres noires et devaient faire leur mise au point directement sur la plaque, s’abritaient de la lumière, pendant la prise de vue, sous un vaste jupon noir fixé à l’arrière de l’appareil ; on imagine le parti que le langage populaire pouvait tirer de la situation, et on trouve encore l’expression humoristique « faire le photographe », avec le sens tout particulier retenu par Valérie Sonnier, dans les notes de Marcel Duchamp ( Elle a de l’haleine en dessous – on dit aussi : faire le photographe). Il y a celui qui fait le photographe et celle qui a de l’haleine en dessous). Skeleton fait le photographe avec la poupée, qui jouerait, de son côté, en retour plutôt les soldats du feu, et pire encore dans la liste des outrages aux bonnes mœurs… On ne saurait imaginer situation plus étrangement inquiétante. (…)