Archives mensuelles : octobre 2024

Emilio Lopez-Menchero, Art au Centre #15, Liège

Emilio Lopez-Menchero participe à la 15e édition de Art au Centre, au centre ville de la Ville de Liège. Art au Centre consiste à investir les vitrines des cellules commerciales vides pour y installer des œuvres d’artistes contemporains liégeois, belges et étrangers, afin d’offrir au visiteur un parcours artistique à travers la ville. Vernissage ce 17 octobre, départ à 18h, esplanade St-Léonard,  occupation des vitrines jusqu’au 31 décembre. 

Emilio Lopez-Menchero, Camarades ! Trying to be Lev & Iossif
 

En 2005, Emilio Lopez Menchero réincarnait Frida Kahlo. Presque 20 ans après, il rentre dans la peau de l’un des plus célèbres des amants de l’artiste mexicaine, Lev Davidovitch Bronstein, mieux connu sous le nom de Léon Trotski. Et pour ne pas faire les choses à moitié, l’artiste tente également d’être Iossif Vissarionovitch Djougachvili, Joseph Staline. Une rivalité, un duel, un face à face entre l’intellectuel juif idéaliste et le brigand géorgien taciturne, entre le flamboyant champion du communisme universel et celui d’une URSS laboratoire politique. Tout a commencé, explique Emilio Lopez Menchero, lorsque j’ai ouvert un livre hérité de mon grand-père, qui lui aussi a été exilé, une traduction en espagnol de Staline, la biographie écrite par Trotski, son dernier ouvrage avant qu’il ne soit assassiné au Mexique par Ramon Mercader, stalinien catalan et agent du NKVD . Tenter d’être, le même jour, Lev Trotski et Iossif Staline, tout cela a eu lieu l’été dernier, à l’invitation de Jordi Colomer,  à Agullana en Catalogne, lieu le plus emblématique du grand exode républicain et catalan de 1939. J’ai appris à danser la Sardana, une danse traditionnelle catalane où les danseurs en cercle se tiennent par la main. Je la danse au son de l’Internationale, explique Emilio Lopez Menchero.

Pour Art au Centre, Emilio Lopez Menchero expose les films de la performance Trying to be Lev & Iossif ainsi que les dessins préparatoires. 

Aglaia Konrad, Shape, Hung, Heaped, Vi Per Gallery, Prague, les images

In her photographs, films, and installations, Aglaia Konrad turns her attention, frequently and with great intensity, to architecture, the urban environment, or even space as such. During the shooting of architecture, urban space, and infrastructure, she refined her visual perception of all the inseparable individual components by necessity linked to designing, construction, but also to demolition and building anew. In recent years, she has become interested in the relation between destruction (buildings of the postwar period or entire urban districts) and reconstruction, or the new buildings arising on the same site. Her attention is concentrated on the processes often termed “retroactive building” (Rückbau), viewing “demolition as an unavoidable aspect of progress.” Rückbau, as a sculptural process, is an approach through which the artist understands demolition as an expansion of architectural practice and one where she involves physical building waste as a sculptural gesture in relation to the image.

For her Prague exhibition, Aglaia Konrad has prepared an installation compiled out of fragments—architectonic elements of facades, structures, or fittings—from demolished buildings that she has collected in her travels around around Brussels. All these fragments were found around the North Station, which has in recent years been subjected to a dynamic transformation—buildings from the 1970s 1990s are successively vanishing. Demolition follows demolition, rebuilding follows rebuilding, streets are increasingly crammed with ever more oversized luxurious office or residential blocks seen as a commodity for speculation. A building’s lifespan is shorter and shorter. At VI PER, the pieces of destroyed buildings, bent, snapped-off, or otherwise reshaped by the force of the demolition machines are grouped and positioned in a spatial installation as performative objects, ones we can walk around, we can touch and listen to the sounds they give off, perceive their shape, volume, mass, material, or watch their changes under the light in the indoor space as much as in the actual city. They create an architectural infrastructure of deformed shapes that passed through destruction and won themselves new qualities, characteristics, worth, value. This bank of materials underscores the unrelenting force of construction economics. These building-scraps preserve the character of the place and of architecture long vanished. They represent a record of space and time, a monument that materializes the memory of the architectural, social, and economic situation of one specific locality.

The central installation is supplemented with a selection of six large-format black-and-white photographs from the cycle Shaping Stones. These photographs have been taken successively since 2008 and in them, Konrad investigates the relationship between a society, its history, and the territories it inhabits or inhabited. Placed in confrontation with each other are architectures and artefacts crossing geographic borders, emerging from a variety of ages and civilizations. Their common denominator is stone, the construction material extracted from nature: carved, polished, worked, variously shaped, or even as an additive in concrete or other materials. Stone, which can be in certain instances light, fragile, yet permanent, elegant, and at the same time heavy and coarse.

Aglaia Konrad (b. 1960, Salzburg) is a photographer originally from Austria, currently living in Brussels, where she also teaches at the art academy LUCA School of Arts, Brussels. Recently, she has exhibited, e.g., at CIVA, Brussels (2024); Mu.ZEE Oostende (2023–24); Canadian Centre for Architecture, Montreal (2023–24); Austrian Cultural Forum, Warsaw (2023); Künstlerhaus, Vienna (2023). She has also published several artist’s books, such as Japan Works (2021), Schaubuch: Skulptur (2017), Aglaia Konrad from A to K(2016), Desert Cities (2008), or Elasticity (2002). Currently, Aglaia Konrad is participating in the Triennale SEFO 2024: Moments in the Museum of Art in Olomouc. In 2023, she was awarded the Austrian State Prize for Photography (Österreichischer Staatspreis für Fotografie).

Curators: Irena Lehkoživová, Barbora Špičáková

Jacqueline Mesmaeker, Offscreen preview, Versailles…

Jacqueline Mesmaeker
Versailles avant sa construction, 1980
Photographie argentique, encadrement, passe-partout, cartel, 70 x 83,5 cm

Une autre manière de voir un paysage, de lui donner un titre, avant de fixer son image, de l’encadrer. (…) La mémoire des images reçues de Versailles s’y superpose forcément, invitant le spectateur à ajouter de lui-même les grands bassins, les axes, la perspective, les statues, le Trianon, voire le Grand Palais. Or l’image ne montre qu’un de ces paysages typiques qui jalonnent les autoroutes de l’Île-de-France. Sans le titre et sa puissance évocatrice – Versailles – le spectateur n’y verrait qu’un champ et trois masses d’arbres dont la plus lointaine, à peine visible, pourrait pourtant figurer le fantôme brumeux d’une bâtisse royale, ou tout simplement la suggestion de son emplacement. Que serait-elle, cette image, sans son cadre doré et le passe-partout, plage ivoire, creusé à l’emplacement du titre ?

 Image démultipliée à différentes échelles, depuis la carte postale jusqu’à l’agrandissement monumental accroché sur une vitre et laissant apparaître sur ses côtés – au-dehors – les façades d’une ruelle. Exposition du vide, du peu, mais combien chargée d’évocations, d’invitations à se remémorer l’histoire, ou à la réinventer, pour soi, par jeu. Mais pourquoi la répétition en différents formats, s’il est vrai que l’idée s’impose, évidente, dès le premier coup d’œil au premier montage ? C’est peut-être que, en changeant d’échelle, l’image évoque différemment, autrement, au long d’un parcours qui s’effectue comme à rebours, puisqu’il nous faut, à la fin de la visite, repasser devant les petits formats, jetant un dernier regard à Versailles avant sa construction, avant que l’image, s’estompant, il n’en reste plus que le souvenir. (Georges Roque, 1981)

Une photographie noir et blanc d’un paysage, silhouettes d’arbres entre ciel et terre, accompagnée d’une mention imprimée sur le passe-partout : «Versailles avant sa construction ». Jouant sur la puissance évocatrice de la nomination, sur le souvenir et la représentation mentale, cette image réaliste est paradoxalement une forme de trompe l’œil qui, observée rapidement, dissimule son anachronisme et en appelle à une nostalgie factice, dont le rappel se fait par le biais d’un miroir en regard évoquant « Versailles après sa destruction ». On sait comment le jardin à la française, dont Versailles est l’emblème, consiste en un découpage rigoureusement géométrique et symétrique de l’espace, qui est une manière autoritaire de dompter la nature et représente, tout comme la perspective dont il est l’héritier, une véritable politique du regard. À cet absolutisme idéal, Jacqueline Mesmaeker oppose des touches dissonantes jouant sur le décalage, la copie, les inflexions de la main et de la pensée. Des bourses en tissu sous vitrine, des livrets discrètement annotés, des cascades de mots sur les murs ou une poire magiquement pétrifiée : autant de ponctuations subtiles qui fonctionnent moins comme un caviardage de l’institution monarchique que comme un sous texte invisible; dont des bribes éparses flotteraient à la surface des choses. Des signes troubles qui se chargent de sens selon ce que le regardeur y projette en cherchant à y déceler une logique. S’y dessine une réflexion sur le paysage et sa construction, sous la forme du jeu de piste et de l’énigme. C’est précisément cette forme généreuse d’hermétisme que nous venons chercher dans l’univers de Jacqueline Mesmaeker, cet art de désigner un ailleurs de la sensibilité malgré ou justement par la rigueur des formes.(Guillaume Desanges, 2019)

 

Jacqueline Mesmaeker, Super ∞, les films

Super Jacqueline Mesmaeker, Super ∞ , 1999. Installation filmique sur 7 projecteurs et 7 feuilles A4. Fragments de films super 8 numérisés. Couleurs & NB, 3 : 40, 3 : 37, 3 : 26, 03 : 37, 3 : 17, 3 : 12, 3 : 26

Séquence 1. Le cadavre embarqué (origine inconnue), rue Lepage, les voitures (Jacqueline Mesmaeker), l’autocar (origine inconnue), Police Patrol (origine inconnue). 3 : 40 min.

Séquence 2.  Vent, soleil, pelouse (Jacqueline Mesmaeker), Sam au parapluie (Jacqueline Mesmaeker), le pied qui brûle (Bedknobs and Broomsticks, Walt Disney Production, 1971), les corneilles (Jacqueline Mesmaeker), le rideau d’arbre (Jacqueline Mesmaeker). 3 : 37 min.

Séquence 3. Les pommes (Jacqueline Mesmaeker), le sac japonais (Jacqueline Mesmaeker), tapis fleuris (Jacqueline Mesmaeker), les ballons (Jacqueline Mesmaeker), le foot des animaux (Bedknobs and Broomsticks, Walt Disney Production, 1971). 3 : 26 min

Séquence 4. Sam et la guérite (Jacqueline Mesmaeker), le clocher (Jacqueline Mesmaeker), tourbillon (Jacqueline Mesmaeker), les poissons (Jacqueline Mesmaeker) 3 : 37 min

Séquence 5. Camp de vacances (origine inconnue), Woody’s Space Dinner, les arbres (Jacqueline Mesmaeker), Woody’s Space Dinner . 3 : 17 min.

Séquence 6. Alice et l’arbre aux fruits (origine inconnue), Alice et les confettis (origine inconnue), ballerine et confettis (Jacqueline Mesmaeker), le plancher (Jacqueline Mesmaeker). 3 : 12 min

Séquence 7. Le train (The Greatest show on Earth. Cecil B. DeMille, 1952), la moto (origine inconnue), Chaperon Rouge (Rotkäppchen, 1954), le plumeau (My son the Vampire, with Bela Lugosi, 1952), la peur (The Vampire and the ballerina, 1961)

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Jacqueline Mesmaeker, Super ∞, une introduction

SUPER ∞ , Maubeuge 1999

Super ∞ est une œuvre charnière dans le parcours filmique de Jacqueline Mesmaeker. Invitée à exposer au lycée Claude Forest à Maubeuge dans le cadre d’un séminaire d’initiation à l’art contemporain[1], Jacqueline Mesmaeker rassemble l’ensemble de ses films super 8, certains réalisés vingt ans auparavant, ainsi qu’une série de films de même format qu’elle a acquis çà et là, des dessins animés, des petits films d’action, d’horreur ou de science-fiction, genres qu’elle apprécient particulièrement. Elle visionne et note les plans qui l’intéresse : Porte qui s’ouvre et petite fille qui marche seule dans la chambre… Chevaux, train et fumée, wagon horizontal, chevauchement de wagons, mur wagon. En réserve. Éviter l’effet accident… Buste et plumeau... Femme mystérieuse en robe blanche en oblique dans l’image… Autant de fragments de pellicule à reproduire qui rejoindront le singulier dispositif qu’elle compte installer à Maubeuge. Avec les lycéens, il s’agira de couper, assembler, projeter, voir, danser, s’amuser des effets de répétitions, entendre les cliquètements du moteur, ici amplifiés par le nombre de projecteurs, remarquer l’alternance, vingt-quatre images seconde, de l’obscurité et de la lumière[2]. L’installation s’appellera Super 8, référence au medium mis en œuvre, mais en couchant le 8, désormais ∞, afin d’évoquer la boucle et l’infini des possibilités qui s’offre à l’expérimentation. Le dispositif consistera en fragments de films projetés en boucle à l’aide de sept projecteurs placés à même le sol dans une salle obscure. Les écrans ne dépasseront pas les dimensions d’une feuille A4, disposés horizontalement au ras du sol, évoquant le contexte scolaire de l’événement, la reproductibilité mécanique et l’écriture, en l’occurrence évidemment filmique. Seules les sept projections éclaireront l’espace, celui-ci empli par le bruit des machines et la pellicule qui claque.[3]

Il y a, d’une part, ces films que Jacqueline Mesmaeker a réalisé elle-même, le plus souvent dans un environnement proche de chez elle, son petit-fils à qui elle demande de courir autour d’un édicule de pierre de la compagnie du gaz, de l’électricité ou du téléphone, habillé d’un long manteau noir et d’un chapeau de sorcière, le même déambulant de gauche à droite sous un parapluie plus grand que lui, des merles ou des corbeaux sur les pelouses du bois voisin, les voitures circulant en contre-bas de son immeuble, un sac en papier orné d’un dessin japonais, le tourbillon de l’eau dans la bonde de l’évier, des pommes, des poissons rouges, un travelling sur un rideau d’arbre, des tissus aux motifs floraux, le vent et le soleil jouant dans l’herbe. Certains sont plus inattendus, les arbres ou le clocher voisin qui sautillent en bord d’image, les chaussons d’une ballerine qui se meuvent comme par magie sur un sol carrelé. Jacqueline explore les champs possibles de la caméra, le zoom, le travelling, le cadre et ses limites, l’image fixe mise en mouvement. Il y a, d’autre part, ces petits films qu’elle a acquis dans le commerce. My son the Vampire de John Gilling (1952), The Greatest show on earth produit par Cecil B. DeMille (1952), Rotkäppchen, une version allemande sur Petit Chaperon Rouge (1954), The Vampire and the ballerina (1961), Bedknobs and Broomsticks, une jouissive production footballistique de Walt Disney (1971), Woody’s Space Dinner, épisode épique des aventures de Woody Woodpecker. Jacqueline Mesmaeker s’est déjà servi de cette petite collection de films lors de l’installation de la Serre de Charlotte et Maximilien dans le jardin de la rue de l’Hôpital à Bruxelles (1977), projetant des comics sur les verres de la serre, sa première expérience dans le domaine filmique. Cette fois, elle choisit des plans à mettre en boucle, quelques secondes chaque fois, un homme qui charge un cadavre sur la banquette arrière de sa décapotable, des voyageurs montant dans un autocar, une vieille qui époussette un buste en plâtre et en profite pour s’épousseter le dos, des policiers éjectés de leur Police Patroll, un homme en poursuivant un autre sur le toit d’un wagon de chemin de fer lancé à grande vitesse, un motard chutant dans le ravin, les pieds d’un arbitre de football qui s’enflamment, Woody Woodpecker envoyant une cuisinière sur orbite, Alice tentant de s’emparer d’une pomme tombée de l’arbre et tant d’autres… Les boucles donnent le tournis, les scènes s’enchaînent, drôles, cocasses, incongrues, poétiques, un festival de mini-sketches, de chutes, de gestes inattendus, tout l’imaginaire d’un mercredi après-midi passé devant le téléviseur, lorsque celui-ci était encore noir et blanc. Jacqueline Mesmaeker répète ces péripéties à l’envi, elle double, triple certaines images, inverse le sens de lecture de certaines scènes. La pellicule devient objet ludique sous les coups de ciseau d’une monteuse malicieuse. Les scénettes se répètent, l’œil passe d’une projection à l’autre, les films personnels se mélangent aux autres dans charivari d’images, un aléatoire drôlement bien orchestré où la boucle est omniprésente. Jacqueline Mesmaeker a  souvent utilisé le terme de Péripéties dans son œuvre – on pense bien sûr à ses associations de cartes postales -, il est ici parfaitement adéquat. Des péripéties qui nous font dire in fine : Ah quelle aventure !

A un lycéen qui l’interroge, Jacqueline Mesmaeker confie que dès les débuts de ses expérimentations dans le domaine filmique, elle a délibérément choisi la caméra Super 8, ne se sentant pas prête à utiliser une caméra vidéo. De plus, la pellicule, sa fragilité matérielle la fascine. Connaissez-vous les Pommes de Sodome, demande-t-elle ? Si on se réfère à la tradition, les Pommes de Sodome se transforment en cendre et en fumée dès qu’on les touche. Il en va de même pour la pellicule filmique qui s’use, s’altère et finira par disparaître. Elle accepte dès lors les rayures, les sauts d’image, les brûlures et les scratchs, elle les intègre même. Les sauts d’images au moment où l’homme qui vient de charger ce cadavre sur sa banquette arrière s’assoit au volant de sa voiture sont, par exemple, particulièrement bienvenus, tout comme ce scratch en éclair qui illumine le visage de femme mystérieuse et craintive en robe blanche et en oblique dans l’image. Jacqueline Mesmaeker parle également de prédelle à propos de l’œuvre. Référence à l’histoire de la peinture, la prédelle est cette partie inférieure d’un retable polyptique, développée horizontalement, qui sert de support aux panneaux principaux et où figurent une série de petits sujets en relations avec le thème du retable. C’est le registre de la narration, de l’historique, du commentaire qui complète le tableau principal, un tableau qui n’existe pas ici, peut-être celui qui condenserait toute la pensée de l’artiste, toute sa poétique et son imaginaire, un tableau qui serait à l’image de toute son œuvre et qu’elle évoquerait ici par ce polyptique d’images lucioles qu’il faut saisir au vol avant qu’elles ne reviennent ou disparaissent.  

Après La Serre, Les Oiseaux, Surface de réparation, Les antipodes, Super ∞ est la dernière installation filmique de Jacqueline Mesmaeker. Dès les années 2000, elle passera enfin au médium vidéo. Fidèle à cette pratique qui consiste à revenir sur les mêmes problématiques plastiques, le même matériel, elle réutilisera régulièrement certains de ces fragments de film 8 millimètres, de ces rushes dira-t-on, entre autres dans les œuvres suivantes I’m a foot fan (2009), Caméra non assistée (2009), Caméra empruntée (2007), La Pelouse (2011), J’ai vu que tu n’as pas vu (2006), Épisode(2010). Revenons par exemple sur le petit Max courant autour de cet édicule au bois de la Cambre, trébuchant, tombant, s’arrêtant, se tournant vers sa grand-mère sans doute pour obtenir son acquiescement, repartant, trainant les pieds, se dandinant… Jacqueline Mesmaeker reprendra la pellicule d’origine désormais numérisée, choisira un plan où le petit Max court régulièrement, mettra cette séquence en boucle, accélèrera la vitesse de projection, renouant avec le charme des premiers temps du cinéma et titrera le film La fée dans la guérite (2015). Max court sans fin. Et c’est féérique.

 

[1] [1] Le rectorat de l’académie de Lille et la direction régionale des affaires culturelles du Nord-Pas-de-Calais ont décidé, conjointement, en octobre 1994, d’aider à la création d’un réseau d’espaces-rencontres avec l’œuvre d’art (EROA) au sein des collèges, lycées professionnels et lycées de la région Nord – Pas-de-Calais disposant d’un ou plusieurs lieux vacants et bénéficiant d’une équipe éducative (composée d’enseignants et de membres de la direction) prête à s’engager dans l’animation de ce lieu.

[2] Discours du Proviseur de l’établissement au vernissage.

[3] Une vidéo réalisée dans l’exposition par les lycéens témoigne du dispositif, des films projetés, du vernissage. Elle consigne également quelques déclarations de l’artiste et des avis du public. Plusieurs pellicules ont définitivement disparues et n’ont pu être réintégrées au montage final. Jacqueline Mesmaeker avait déjà entrepris de réévaluer l’œuvre. Il en a été tenu compte dans le dispositif actuel.

Offscreen, Installations, Still and Moving images, Jacqueline Mesmaeker, 16 > 20 octobre, Paris

La galerie Nadja Vilenne participe à l’édition 2024 de Offscreen, Installations, Still and Moving Images au Grand Garage Haussman à Paris et sera heureuse de vous y accueillir du 16 au 20 octobre.

Nous y montrerons des oeuvres de  JACQUELINE MESMAEKER

Preview, sur invitation uniquement : Mardi 15 octobre | 11h — 21h

Horaires d’ouverture au public

Mercredi 16 octobre | 11h — 19h
Jeudi 17 octobre | 11h — 19h
Vendredi 18 octobre | 11h — 19h
Samedi 19 octobre | 11h — 19h
Dimanche 20 octobre | 11h — 18h

Accès : Grand Garage Haussmann : 43, Rue de Laborde 75008 Paris

Réservations

A propos de la Blue Bottle de Craigie Horsfield

The Blueness of the bottle

Extrait d’un entretiern entre Craigie Horsfield et Carol Armstrong en juin 2005. Carol Armstrong, nommée à la faculté du département d’histoire de l’art de l’université de Yale en 2007, enseigne et écrit sur la peinture française du XIXe siècle, l’histoire de la photographie, l’histoire et la pratique de la critique d’art, la représentation des femmes et du genre dans l’art et la culture visuelle.

Craigie Horsfield
Blue Bottle, shadow, New York, August 2003, 2005
Dry print on Arches aquarelle, 132 x 104 cm. Unique Work

Craigie Horsfield. I am at a loss! The blueness of the bottle! Does your question concern blue, the bottle, or the making of the picture?

Carol Armstrong. Why that picture? You go through a lot of trouble to make your pictures and I don’t want technical information any more than you are interested in giving it! But I am interested why making a blue bottle matters to you. Because of all the artists that I know anything about you are the one for whom-on the evidence of what you produce, if not of what you say-it matters. It matters that it is large not small, it matters that you have a blue bottle, and a purple cabbage, and so on…assembled together. Each one is like a sentence that is part of a paragraph. I want to know why you care about it-because you do.

C.H. The depiction of the bottle concerns our thinking of the world. Now you may say that that is not the question, but it is precisely the question. And it is as a whirlpool: instantaneity spiralling into language, our perception of the phenomenal world, our shaky grasp of the other’s being and of our own being … Now is all of that resting on a modest picture of a blue bottle? Why? It connects because we attempt haltingly to try to hold on to something, something to allow us to come to some provisional understanding of what we are. So, the blueness of the bottle is …

C.A. Absolutely lovely!

C.H. … How we attempt to speak of the material of the world …

C.A. It is seductive that blueness!

C.H. But it is also of its being « bottle. »

C.A. It is breath-taking!

C.H. How language …

C.A. And more when it is large!

C.H. How we speak to each other …

C.A. It is no longer a small bottle; it is another kind of object!

C.H. Its material is not that of the thing in itself, the physicality of the bottle; the depiction of the bottle is not the bottle, but it is more than that. The gap between, the distinction is one we negotiate every day of our lives …

C.A. This may be your thought process as you think about your blue bottle.

C.H. It is not mine!

C.A. It is not yours any longer.

C.H. It never was!

C.A. As you think about that thing that you made.

C.H. That I was one of those engaged in making! There is the bottle maker, the paper manufacturer, the audience …

C.A. This is a lot of bullshit! If I took you at your word, your stuff would look just like a lot of the other drek out there.

C.H. But it does!

C.A. You are completely wrong! What you make are ravishing things that speak to people. They do not speak to people in this dispassionate semblance of a philosophical stance!

C.H. But there is nothing philosophical in what I am describing. That is one of the mistakes we have talked about: To think about thinking and how we live in this world and how we live together has nothing to do with philosophy-it has everything to do with life. Because thinking about thought is not the province of …

C.A. Oh, of course, I admire the way you live!

C.H. Come to the point! While I am touched by your appreciation of my being a thinking and caring human being, I don’t think that you are entirely sincere!

C.A. You might be right! Just as I doubt some of your sincerity.

C.H. How can that be? Why do I want to say that my work is not any different from anyone else’s?

C.A. Maybe it is the same in some senses and it is different in other senses. I choose to privilege the difference.

C.H. The words we use are not different from anyone else’s; again we don’t suddenly start to speak in an alien language.

C.A. But I am interested in the difference and the specificity that that makes and I am interested in how it communicates specificity.

C.H. If it were not the same in some senses you would have no way to read.

C.A. But this is a device! Obviously, it is the same in some senses, but…

C.H. It is crucial to the work, as I said, I made photographs because it was something that everybody could do, at least in a Western society suffused with photographic images. I use it in the same way I use the English language. I have the same language that everybody else uses.

C.A. You can say it but it is not what you do!

C.H. But just as in speaking, we use the structures and devices used by our fellows. These carry with them particular weights and associations. If I make a picture of a blue bottle, it brings with it all of those connotations, those quotations, those familiarities, all of those matters of recognition, just as I see in you a human being, with the forms of a woman, the mind of a person of your generation, that you’re blonde, whatever … all of that. But your specific being, and I agree with you utterly, is without comparison: Your life, your experience, the way that you speak, the way that you think is particular and unique to yourself.

C.A. And this is common to every individual.

C.H. But at that stage it is not, it is no longer true of every individual. It is simply true of yourself, but that self now brings with it all of those other relations.

C.A. But you are very comfortable with this! And I think the evidence of the work you produce speaks absolutely otherwise. You do not do what you say that you do, what is interesting about what you do is that you labour caringly with the materials you have, which include the bottle, which include the paper … it includes the installation, it includes the people who come to the installation, I suppose. But you labour to make something that has an effect, a calculated effect. I am not particularly interested in the calculation, but they are very calculated. And the effect is one of ravishment, and that is something that human beings want in common; it is not something which elevates us above each other, it is something we want, and that it is human to want. It is something… and it is the reason that I try to craft words when I write and I can’t quite do it the same way when I am speaking because it is a different process; it is to « sing » the world not to critique it, not to parse a sentence, not to say this is the same. I can’t say more. You are very effective at doing that and it works, and it is good that it does.

C.H. What we want for …

C.A. More people should do it! That is what I want.

C.H. What we are without…You remember Rilke’s passage from the Duino Elegies where he is speaking about house, about tower as hoping to be more than the things in themselves, as though the speaking is maybe more than the thing in itself.

C.A. But may have something of the thing in itself in it…that is the hope.

C.H. And surely that more can only be in our speaking, in our recognition. Now the want that we may feel, for me, is in that attempt to share fully in the world, not just to survive. The things that matter, that allow us to live or to have a humanity and you were speaking the other day in this context of love…

C.A. And I am still speaking of it.

C.H. For the most part it may be beyond reach.

C.A. It is beyond reach finally in the sense of its being … perhaps partly within reach and the effort to bring it within reach is what makes us human.

C.H. It is why the idea of empathy is so significant, a being with, but never as one, never becoming the other, never one.

But in the attempt, in the towards from the self is our possibility. It is never accomplished, it is always ongoing. Much art concerns separation but in a world which is frequently cruel, sometimes barbaric, where most of us live lives which we are attempting to negotiate, to figure out how to try to get by, there must also be an art which speaks for this, the pressing outward from self toward the other.

C.A. To connect. But under the « other » I would include the world as well as other people.

C.H. I think it is more than recognition.

C.A. Although recognition or a feeling of recognition is a part of it.

C.H. We may find within this the most intense sense of loving … a sense of our own being as protagonists, rather than merely as bystanders, as witnesses looking on.

C.A. The ramifications of that are, at least potentially, political and ethical