Le dessin, dans l’œuvre d’Emilio Lopez-Menchero, accompagne fort souvent les performances et installations de l’artiste. Souvent préparatoire, parfois effet d’annonce, toujours souvenir ou déclinaison. Ainsi ce grand dessin composé sur une série de papiers raisin, friche urbaine aux pneus et poteaux électriques, rappelle l’installation Barricades, réalisée en 2017 à Louvain-la-Neuve dans le cadre de la biennale Oh les beaux jours. Emilio Lopez-Menchero écrivait alors : L’action urbaine que je propose est composée en quatre mouvements : une criée, une récolte, une construction, une destruction. Je sillonnerai les rues du campus en incarnant un « T’chanchès » réactualisé, poussant une charrette à bras, mégaphone à la main, vociférant un appel à la population : « Barricade! Barricade! Lâchez vot’ brol, meubles, bois, métaux, cartons, plastiques et autres encombrants en tous genres…Construisons une barricade ! » Mon intention sera de tirer un trait, une limite, une frontière qui divisera une rue obligeant ainsi les passants à oblitérer leur chemin. Son échelle sera dérisoire à l’ère de l’anthropocène, mais elle marquera de manière infime un temps d’arrêt dans le flux de l’évacuation des déchets. Ceux-là mêmes qui nous préoccupent lorsqu’on en vient à réfléchir à notre empreinte carbone. Ce recyclage servira donc à construire un bastion pour résister. Mais résister à quoi ? Résister comment ? Résister pourquoi ? Et surtout résister à cet endroit-là : l’université. Résistance de pacotille certes, cette muraille terminera son périple dans la décharge municipale.
Le dessin est aussi carnet de voyage. Sur l’île de Gorée en 2022 par exemple, dans la baie de Dakar. cette « île mémoire » est pour la conscience universelle le symbole de la traite négrière. En Cisjordanie également, en l’occurrence à Kufr Ni’ ma, au nord-ouest de Ramallah : Emilio Lopez-Menchero dessine les lignes de ces paysages en terrasses, une géographie humaine, agricole et familiale.