Alevtina Kakhidze est retournée à Odessa au début de cette année 2024 afin d’y réaliser un film qu’elle se propose de montrer à Malte où elle occupera le pavillon national ukrainien de la toute jeune biennale d’art contemporain. Son synopsis prévoit de filmer dans deux lieux patrimoniaux qui, actuellement encore, ont échappé aux drones et aux bombes : une ancienne câblerie de la ville portuaire ainsi que l’Académie navale. Distinguant ces deux lieux singuliers, elle part en fait, en quête de ses parents, tous deux décédés. C’est là, à Odessa, qu’ils se sont rencontrés et qu’ils se sont aimés. Son père, de nationalité géorgienne, fut cadet de la prestigieuse école navale. Sa mère, originaire de Donetsk, animée par le seul désir de vivre en bord de mer, a décroché un emploi dans cette corderie, seule façon d’obtenir laPropiska, ce document autorisant à se déplacer dans l’ancien empire soviétique. Réalisatrice et actrice du film, Alevtina Kakhidze investit les lieux, évoque ses parents, les interpelle, se questionne et s’inquiète, fulmine même, danse dans un abri souterrain, colle sous les semelles de ses chaussures dorées quelques billets de banque – souvenir d’une anecdote racontée par son père – et finit par brûler un billet qui, sur sa face, représente le Kremlin. Impeccablement cadré par son ami Roman Khimei, le film accompagne, à Malte, une installation de notes, dessins et photographies : au travers du miroir de l’histoire de sa famille, l’artiste analyse comment un empire a ruiné la vie de plusieurs générations et comment son influence, bien que parfois inaperçue, finit par se manifester.
Ce pacte autobiographique, ce réel vécu, incarné et narré, constitue l’assise de l’ensemble de l’œuvre de l’artiste. Alevtina Kakhidze a hérité de son père un patronyme géorgien. Elle-même est née dans le Donbass. Elle y a été élevée dans la culture russe, dans son incarnation soviétique. Sa famille est le reflet de la politique de russification : alors que sa grand-mère parle ukrainien, sa mère parle russe et élève ses enfants dans cette langue. Cette identité culturelle complexe qu’elle revendique comprend des éléments des mentalités ukrainienne, géorgienne mais aussi ouest-européenne, car si elle vit depuis 2007 à Muzychi, non loin de Kyiv, Alevtina a aussi résidé deux ans à Maastricht, étudiant à la Van Eyck Academie en 2004-2006….
Au début des années 1970, Werner Cuvelier apparaît comme l’un des principaux artistes conceptuels de sa génération en Belgique, produisant une série d’œuvres – conceptualisées comme des recherches – qui cherchent à transformer en forme visuelle les données « objectives » et les relations statistiques qui sous-tendent les mécanismes de la production, de la distribution et des échanges culturels. Werner Cuvelier a développé une stratégie artistique unique pour l’organisation, le catalogage et l’inventaire de toutes sortes de données objectives qu’il a utilisées pour révéler la nature finalement subjective et arbitraire des événements humains. Dans les années 1980, les travaux de Cuvelier se sont orientés vers une représentation plus picturale des relations géométriques et arithmétiques sous forme de purs indices minimalistes. Dans sa riche production de dessins, de peintures et de carnets, Cuvelier s’est dès lors concentré sur les relations qui se cachent derrière des constructions mathématiques telles que le nombre d’or ou la série de Fibonacci. C’est cette seconde approche que Dirk d’Herde, commissaire de l’exposition, développera pour ce quatrième solo de l’artiste à la galerie, tout en mettant en valeur deux Projets Statistiques créés à la fin des années 70.
Les dessins et les textes de Mme Kakhidze témoignent de son expérience personnelle de la guerre en temps réel et posent des questions sur les actions des puissances occupantes. Son travail exprime son opposition à la violence et lance un appel à la paix. Ce faisant, elle n’explore pas seulement la culture, mais aussi la nature. En effet, les plantes, même celles qui sont envahissantes, poussent pacifiquement aux côtés des espèces indigènes et représentent donc pour elle un symbole de pacifisme. Elle ajoute toujours que « les plantes sont pacifistes autant que possible sur notre planète ». Au printemps 2024, elle créera une œuvre spécifique dans la vitrine du magasin SCHUNCK. La vitrine de l’ancien grand magasin Schunck revêt une certaine importance pour elle : en 2005, une installation de ses dessins y a été exposée. L’emplacement même est symbolique, estime-t-elle : « Quand je vois une vitrine avec des produits attrayants , je pense que c’est un signe de vie paisible. Car s’il y avait une guerre, personne ne mettrait ces marchandises là ».
Les dessins, installations et vidéos d’Alevtina Kakhidze traitent de l’identité, de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, de la dynamique complexe entre l’Est et l’Ouest, des relations de pouvoir, du rôle du capitalisme et de notre culture de la consommation, ainsi que des contradictions et des conflits culturels.
Kakhidze’s drawings and texts convey her personal experiences of war in real time and pose searching questions for the actions of the occupying powers. Her work expresses opposition to violence and makes an appeal for peace. In so doing, she not only explores culture, but nature too. After all, plants, even those that are invasive, will grow peacefully alongside native species, so for her they represent a symbol of pacifism. She always adds that “plants are pacifists as much as possible on our planet”. In the spring of 2024 she will be creating a site-specific work in SCHUNCK’s store window. The display window of the former Schunck department store carries some significance for her: in 2005 an installation uof her drawings was exhibited here. The very location is symbolic she believes: “When I see a shop window with adorable goods, I think it’s a sign of peaceful life. Because if there was a war, no one would put those goods there.”
Alevtina Kakhidze’s drawings, installations and videos deal with identity, the war in Russia-Ukraine, the complex dynamics between East and West, power relations, the role of capitalism and our consumer culture, and cultural contradictions and conflicts.