

Sans titre, 2020
huile sur toile

Sans titre, 2020
huile sur toile
Que Domenico ait commencé le Divertissement au lendemain de l’effondrement de la République ne doit pas surprendre. Il ne s’agissait pas pour lui, comme on a pu le suggérer, de fuir la réalité mais, tout au contraire, d’une proximité avec le réel et l’histoire qui appartient depuis le début à l’histoire du comique. C’est un fait sur lequel il ne faudrait jamais cesser de réfléchir : les comédies d’Aristophane ont été écrites lors d’un moment décisif, ou plutôt catastrophique de l’histoire d’Athènes. En s’enfermant à Zianigo en compagnie de Polichinelle, Giandomenico ne choisit ni la farce, ni la tragédie. Il ne s’agit pas davantage, comme les interprètes le répètent à l’envi, de désenchantement ou de désillusion, mais bien plutôt d’une sobre méditation sur la fin. Ces phrases sont du philosophe Giorgio Agamben qui a récemment consacré un fort dense petit opus au personnage de Polichinelle : Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes s’inspire d’une œuvre tardive de Domenico Tiepolo, ce Divertimento per li Regazzi, un album regroupant un ensemble de 104 dessins réalisés entre 1795 et 1804, une vie sans queue ni tête de Pulchinello, ce personnage central de la Commedia dell Arte.
John Murphy s’est également intéressé aux dessins des Tiepolo et à la figure même de Pulcinello, cette collection de personnages, car Pulcinello est multiple et même nombreux, tout en étant, en quelque sorte, qu’une seule existence qui mange des gnocchis et fait des lazzis, toutes ces sortes de plaisanteries burlesques, grimaces et gestes grotesques. Déjà en 2006, alors qu’il fait sienne cette image extraite de La Grande Bouffe, la grande abbuflata, de Marco Ferreri (1973), séminaire gastronomique et suicide collectif de quatre hommes fatigués de leurs vies ennuyeuses et de leurs désirs inassouvis et qui bouffent dès lors jusqu’à ce que mort s’ensuive, John Murphy rapproche ce plan où l’on voit Ugo Tognazi s’apprêtant à donner la pâtée à Michel Piccoli de quelques dessins des Tiepolo, père et fils, Giambattista et Giandomenico : des Pulchinello masqués, ventrus, pansus, bossus, constamment occupés à cuisiner des gnocchis, à les manger, à les digérer, à les déféquer.
John Murphy a sélectionné une série des dessins de la vie de Pulcinello, ce divertissement pour les jeunes gens. Tout l’art de Murphy consiste à rassembler une constellation de signes révélateurs d’une expérience poétique. Il dialogue sans cesse avec des œuvres existantes provenant pour la plupart d’un corpus littéraire, pictural, cinématographique. En ce cas, il a fait des copies de certains de ces dessins de Giandomenico Tiepolo et les a masqué, les recouvrant du sfumato d’une couche de gouache blanche. Ensuite, à la plume, il a retracé les motifs sous-jacents qui l’intéressent, comme s’il désirait nous révéler le secret de Polichinelle, sans aucun doute Pulchinello lui-même, affublé de son masque, doté de son gros nez crochu, portant sur la tête un étrange chapeau, sommet de sa difformité, revêtu de son costume blanc et spectral, confondu à la gouache, personnage grotesque, touchant et effrayant à la fois, sans cesse au bord de la chute entre une invivable tragédie de la destinée et le comique des situations, la comédie comme inéluctable répétition du caractère. A la fois, Murphy ravive le souvenir des dessins de Domenico Tiepolo, les révèle et s’en écarte, les efface, ne conservant que ce qu’il estime nécessaire à son propos. La compagnie des polichinelles s’affaire et s’agite, se montre du doigt. Rien pourtant n’empêchera la perte, la chute, la fin en soi. Le sublime et le grotesque se côtoient, l’un et l’autre évoquent la finitude de la condition humaine, ce dévalement de la vie qui se dissout dans la multiplicité et l’affairement. John Murphy a conservé quelques petits chiens qui hantent les dessins de Tiepolo. Me reviennent ces quelques phrases écrites par Nietzsche dans Le Gai Savoir : J’ai donné un nom à ma souffrance et je l’appelle « chien », — elle est tout aussi fidèle, tout aussi importune et impudente, tout aussi divertissante, tout aussi avisée qu’une autre chienne — et je puis l’apostropher et passer sur elle mes mauvaises humeurs : comme font d’autres gens avec leurs chiens, leurs valets et leurs femmes. (JMB)
Gaëtane Verbruggen, née en 1994, a terminé un master en peinture à l’ESAVL – Académie des Beaux-Arts de Liège. Son travail s’inscrit pleinement dans cette quête des choses absentes qui, par l’image, retrouvent une présence : « extérioriser, dit-elle, des souvenirs intraduisibles et fragiles, un peu flous. » Cela peut être des moments du passé, des attitudes, des situations d’autrefois, des lieux simplement entrevus ou au contraire durablement fréquentés, des espaces aujourd’hui à l’abandon ou désaffectés, qui tous s’inscrivent dans une sorte de continuum mental : car ce qui intéresse Gaëtane Verbruggen, ce sont également des choses absentes plus indéfinissables, des sensations et des émotions personnelles, ou encore certaines atmosphères liées à des couleurs, des odeurs, dont seule une image pourra rendre la présence, et lui donner un ou plusieurs sens. (Alain Delaunois)
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Wang Xiaochuan (b.1987, Chine) » L’inspiration de base pour la série Puzzle de mémoire vient d’un album de famille personnel. Les photos de famille sont des objets extrêmement personnels, ils enregistrent de manière objective et véridique les histoires, les personnes, les moments et les lieux qui ont parsemés mon passé. Essayer d’utiliser la perspective et la compréhension actuelle, comme jouer à un puzzle. Dans le processus de création, briser de vrais souvenirs en y ajoutant des émotions subjectives, utiliser un tout nouveau langage de peinture pour expliquer les émotions privées, permettant aux spectateurs de voyager et traverser dans chaque histoire — réelle ou imaginaire, passé ou présente ».
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Jacques Charlier
– Bruxelles (B), Hahaha. L’humour de l’art, ING Art Center, du 15 septembre 2021 au 16 janvier 2022.
– Antwerpen (B), Une histoire non-u-mentale, ce qu’il faut entendre, Muhka, du 11 septembre au 9 janvier 2022
Werner Cuvelier
– Veurne (B), Abstrakte Kunst bestaat niet, Emergent, 31 octobre – 9 janvier 2022
Olivier Foulon
– Antwerpen (B), Art Antwerp, galerie Nadja Vilenne, du 16 au 19 décembre 2021
Aglaia Konrad
– Düren (D), Vom Leben in Industrielandschaften – Den Strukturwandel im Blick, Leopold-Hoesch-Museum, 12 décembre – 3 mars 2022
Brecht Koelman
– Liège (B), Paintings ! galerie Nadja Vilenne, du 25 novembre au 23 décembre 2021
– Antwerpen (B), Art Antwerp, galerie Nadja Vilenne, du 16 au 19 décembre 2021
Sophie Langohr
– Genève (CH), Art au Centre, du 25 novembre au 29 février 2022
Jacques Lizène
– Besançon (F), Danser sur le volcan, FRAC Franche Comté, jusqu’au 2 janvier 2022
– Bruxelles (B), Hahaha. L’humour de l’art, ING Art Center, du 15 septembre 2021 au 16 janvier 2022.
– Marseille (F), Des choses vraies qui font semblant d’être des faux-semblants, la Friche La Belle de Mai, du 12 novembre au 13 février 2022
Jacqueline Mesmaeker
– Antwerpen (B), Art Antwerp, galerie Nadja Vilenne, du 16 au 19 décembre 2021
Loïc Moons
– Liège (B), Paintings ! galerie Nadja Vilenne, du 25 novembre au 23 décembre 2021
Messieurs Delmotte
– Liège (B) Focus Video, collection de la Province de Liège, Crealab, du 18 novembre au 10 décembre 2021
John Murphy
– Antwerpen (B), Art Antwerp, galerie Nadja Vilenne, du 16 au 19 décembre 2021
Pol Pierart
– Liège (B) Focus Video, collection de la Province de Liège, Crealab, du 18 novembre au 10 décembre 2021
Gaetane Verbruggen
– Liège (B), Paintings ! galerie Nadja Vilenne, du 25 novembre au 23 décembre 2021
Marie Zolamian
– Liège (B), Paintings ! galerie Nadja Vilenne, du 25 novembre au 23 décembre 2021
– Antwerpen (B), Art Antwerp, galerie Nadja Vilenne, du 16 au 19 décembre 2021