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Jacqueline Mesmaeker, Ah Quelle Aventure!, BOZAR (3) Les Portes roses, Il pleut.

Photo Philippe De Gobert
Photo Philippe De Gobert
Photo Philippe De Gobert
Jacqueline Mesmaeker,  Les portes roses, 1975
Technique mixte sur papier (aquarelle, crayon, impression), (32) x 21 x 29,7 cm Présentation sous pochettes plastifiées. Développement total de l’oeuvre : 22 x 950 cm. Collection Museo Reina Sofia, Madrid.

Les Portes Roses

Créée en 1975, Portes roses, est une des premières œuvres de Jacqueline Mesmaeker. Il s’agit d’une série de 32 aquarelles présentées sous pochettes plastifiées. Un petit rectangle rose vif se transforme peu à peu, tant au niveau de la couleur que du format, en une surface pleine, invisible et incolore. Le texte continu, une citation tirée d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (1895), illustre la fascination de Mesmaeker pour la littérature du XIXe siècle. « Il y avait des portes tout autour de la salle : ces portes étaient toutes fermées, et après avoir vainement tenté d’ouvrir celles du côté droit, puis celles du côté gauche, Alice se promena tristement au beau milieu de cette salle, se demandant comment elle en sortirait. Tout à coup, elle rencontra sur son passage une petite table à trois pieds, en verre massif, et rien dessus qu’une toute petite clef d’or. Alice pensa aussitôt que ce pouvait être celle de l’une des portes ; mais hélas ! soit que les serrures fussent trop grandes, soit que la clef fût trop petite, elle ne put toujours en ouvrir aucune. Cependant, ayant fait un second tour, elle aperçut un rideau placé très bas et qu’elle n’avait pas vu d’abord ; par- derrière se trouvait encore une petite porte haute d’à peu près quinze pouces ; elle essaya la petite clef d’or sur la serrure, et à sa grande joie, il se trouva qu’elle y allait à merveille. » Le temps et la lumière ont peu à peu fait pâlir et s’atténuer la couleur rose.

There were doors all round the hall, but they were all locked; and when Alice had been all the way down one side and up the other, trying every door, she walked sadly down the middle, wondering how she was ever to get out again. Suddenly she came upon a little three-legged table, all made of solid glass; there was nothing on it except a tiny golden key, and Alice’s first thought was that it might belong to one of the doors of the hall; but, alas! either the locks were too large, or the key was too small, but at any rate it would not open any of them. However, the second time round, she came upon a low curtain she had non noticed before, and behind it was a little door about fifteen inches high: she tried the little golden key in the lock, and to her great delight it fitted!

Lewis Carroll, Alice’s Adventures in Wonderland.

Photo Philippe De Gobert
Jacqueline Mesmaeker
Il Pleut, 2020
Lettrage sur marbre belge
courtesty galerie Nadja Vilenne

Il pleut

« Il pleut, il pleut, il pleut », lisons-nous sur du marbre belge. Cette phrase évoque la pièce de théâtre Il pleut dans ma maison (1958) de Paul Willems, romancier et dramaturge belge qui fut également secrétaire général du Palais des Beaux Arts de Bruxelles, l’actuel BOZAR. Depuis la fin du19e siècle, la famille Willems occupe le domaine de Missembourg, vieille bâtisse blanche entourée d’un jardin boisé impressionnant et jouxtant un étang qui disparaîtra dans les années 1930. Lieu d’une retraite intemporelle, voué à la magie poétique, ce domaine constitue une permanente source d’inspiration pour les œuvres du fils, comme de la mère, Marie Gevers. A Thierry Genicot, Paul Willems raconte qu’il se souvient d’une nuit de mars 1944 où un missile V1 est tombé tout près de la maison de Missembourg. Il était au lit avec sa femme et ils entendirent tout près une détonation incroyable. Ils entendirent le toit se soulever et retomber. Ils sont restés couchés. « C’était une de ces nuits tout à fait immobiles qui souvent annoncent le printemps. Le temps n’est pas encore doux mais il n’est plus froid. Il est agréable à sentir. Il n’est pas mauvais intérieurement. Il s’est mis à pleuvoir une longue pluie qui tombait lentement, lentement, lentement et qui formait comme une nappe. Les arbres aussi se taisaient c’est à dire qu’ils ne bougeaient pas dans le vent. Il n’y avait rien sauf de temps en temps des explosions au loin. Un moment donné nous avons entendu une goutte d’eau qui tombait sur le lit, et puis sur la cheminée et puis par terre. On entendait ces gouttes qui tombaient. Quand elles tombaient sur la cheminée qui était en marbre on entendait un son clair, quand c’était sur un tapis c’était un autre son, étouffé. Quand c’était sur le parquet c’était aussi différent, et sur le lit … Cela faisait comme une musique, une musique merveilleuse, émouvante et dont je suis encore ému. Je me suis dit: Si je parle de la guerre, je vais d’abord parler de cela . Alors j’ai fait Il pleut dans ma maison ». 

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