Dès l’âge de douze ans, Charlier est sensibilisé, grâce à son père, à l’humour ravageur de Pierre Dac et de Francis Blanche. Faut dire qu’à l’époque, à Ersange, dans le fin fond du Grand Duché du Luxembourg, la radio était une bénédiction.
Pour Charlier, cette manière de donner du sens au non-sens va de pair avec sa constante tentative de désangoisser la réalité. Il découvre la littérature dès l’âge de 9 ans, au travers des contes extraordinaires d’Edgar Poe. De dix-sept à vingt ans, Kafka devient un frère d’arme, vu l’influence de sa profession administrative sur ses écrits. La porte du Service technique provincial de Liège ressemblant étrangement à celle des Assurances générales de Prague.
Plus tard après Teilhard de Chardin et Cioran, viendra son intérêt pour la sociologie et la philosophie qui le conduira à se passionner pour Baudrillard et Bourdieu.
Mais périodiquement, en guise d’interlude, il revient toujours vers le grand maître soixante trois de son enfance. Son journal hilarant, ses sketchs, le font inlassablement mourir de rire. Pour lui, le Schmilblick fait bon ménage avec la broyeuse de chocolat de Duchamp, l’art des incohérents, Jules Levy et ses hydropathes, Alphonse Allais, et enfin Picabia son peintre préféré.
C’est ceux là qu’il considère comme sa famille humoristique d’adoption. C’est en s’appuyant sur leur mémoire, qu’il a construit patiemment l’aventure risquée des identités multiples artistiques.
Pierre Dac a toute son affection admirative, car grâce à son génie, il a cautérisé ses blessures de guerre et conjuré la noirceur de la vie.
Charlier a longuement hésité avant d’oser imager les petites annonces de l’os à moelle. Mais l’envie de remettre en lumière leur fulgurance, était plus forte.
Comme l’a dit Claes Oldenburg, le rire élargit la vision.
Pour Charlier, c’est plus qu’un réflexe, c’est un mode d’emploi.
Sergio Bonati
Jacques Charlier
Hommage à Pierre Dac, 2017-2018
Acryliques sur toile, 30 toiles de formats divers
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