Lu dans Flux News #printemps 2016
Benjamin Monti (Liège, 1983) expose actuellement dans le Cabinet D’Amateurs du Mac’s, espace dédié aux œuvres nécessitant un cadre intimiste. L’artiste y présente ses dessins à l’encre de chine, une sélection qui révèle sa maîtrise, ses obsessions et la poésie de ses collages imaginaires qui forment sa propre encyclopédie plastique.
Car on peut clairement parler d’encyclopédie à l’égard de l’œuvre de Benjamin Monti. Non seulement par la somme des dessins qu’il continue d’exécuter de façon presque compulsive
(Seule une petite centaine, datée entre 2009 et 2015, est montrée dans l’exposition) mais aussi par la déclinaison sérielle du corpus formel que l’artiste développe depuis des années.
Sous nos yeux se déclinent cahiers d’écoliers, feuilles d’encyclopédies, papiers déchirés, carnets d’étude ou encore cartes perforées trouvés ça et là. Ces supports, l’artiste se les approprie ou plutôt se les réapproprie minutieusement en les recadrant ou en y ajoutant personnages d’enfants et saynètes, issus de sa collection, pour réinventer de nouvelles images hybrides. Parfois Benjamin Monti joue avec la transparence du papier pour créer des superpositions et des jeux de rapport entre images imprimées et images mentales afin de formuler des interprétations différentes (Sans titre (cahier Memling), 2010). Dans la série des
Histoires naturelles, il exploite les blancs laissés autour des dessins appliqués de l’écolier pour métamorphoser agave ou renonculus et les transposer dans une autre dimension. Chaque intervention est l’occasion de laisser l’esprit vagabonder et de raconter de nouvelles histoires. Certaines séries ne comportent cependant aucune hybridation facétieuse. L’artiste y joue plutôt avec le support trouvé, n’investissant non plus les marges mais le centre, comme dans les cartes perforées de la Société « Courage-Organisation ». Ainsi, dans la série (D’)après la bataille (2013), il copie trait pour trait les scènes de bataille napoléonienne trouvées sur des chromolithographies déchirées et abandonnées dans l’usine Boch. L’encre de chine posée à la plume en épouse les déchirures donnant à voir des scènes incomplètes. C’est alors à nous de les compléter mentalement et d’imaginer – pourquoi pas – l’apparition d’un dragon provoquant la torpeur des soldats.
De toutes les séries proposées, trois petits dessins colorés se détachent. Trois dessins représentant un même personnage souriant, entouré d’un ciel d’un bleu éclatant. Différents, ils prennent pourtant tout leur sens dans l’exposition et relient l’ensemble des préoccupations de Benjamin Monti. Il s’agit de dessins, retrouvés par hasard, que l’artiste a réalisé le jour de la mort de sa grand-mère de manière à conserver d’elle le souvenir le plus heureux.
Et là, tout y est : l’enfance, la mort, la vie. Et cette inlassable répétition qui rythme l’exposition. Elle s’avère nécessaire – comme l’indique le titre général – à l’apprentissage du langage. Ainsi, tel un écolier, l’artiste copie, redit, répète des motifs chinés à gauche et à droite afin de se les réapproprier. Comme s’il s’agissait d’une incantation, ces répétitions, redites et copies emmènent l’image vers une autre symbolique poétique qui trouvera tout son sens dans l’encyclopédie réinventée de Benjamin Monti.
Céline Eloy
[sociallinkz]