Lu dans Flux News, #printemps 2016
NoUs, c’est la présentation d’une vision du présent – de notre présent – mis à nu. C’est un véritable état des lieux ou pourrait-on dire un état du monde que propose Pol Pierart au sein de son exposition au Grand Curtius (Liège). Un monde un peu meurtri sur lequel il semble poser, avec ses vanités contemporaines, un regard un brin fataliste.
De l’exposition se dégage un sentiment de continuité. Peu importe le médium qu’il utilise, Pol Pierart convoque toujours dans ses œuvres la fragilité et le changement du monde et ce, avec une grande lucidité dans ses propos. Qu’il s’agisse d’un mot posé comme un coup de poing sur la toile (acrylique sur toile), d’un mélange texte/image (photographie) ou encore de scènes filmées en empruntant les codes du cinéma muet (films en super 8), ses travaux se découvrent – ou se redécouvrent – comme des vanités, tant ils ne cessent de rappeler l’éphémère cycle de la vie et les difficultés d’appréhender un monde constamment en changement.
Chaque médium amène à sa manière une interrogation sur ce qui nous entoure. Les photographies, présentées en vitrine, sont autant de petites cartes qui jouent sur l’association des mots et de l’image. Face à ce mélange d’objets parfois liés à l’enfance et de phrases parfois assassines, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire face aux évidences que les œuvres photographiques de Pol Pierart posent. Non pas parce qu’elles sont « drôles » mais parce qu’elles détournent le sens de l’image et du mot pour nous les renvoyer en pleine figure avec davantage de poids. Il en va de même pour les courts films de l’artiste, récemment numérisés. Dans ceux-ci, Pol Pierart conserve son questionnement de la vie par le biais de mises en scène d’objets, de cartons et de l’artiste lui-même filmés, avec une caméra super 8, dans son environnement quotidien.
L’importance des mots et de leur sens est encore plus flagrante dans l’ensemble d’acryliques sur toile et de travaux sur papier qui envahissent l’espace d’exposition. Le geste de l’artiste est alors plus marqué car il intervient directement à même le mot en effaçant, raturant ou ajoutant certaines lettres pour en faire apparaître un nouveau. S’entrecroisent alors l’existence et sa fin (existera/exit), la pérennité et l’évanescence (pérennité/périt) ou encore l’apparente frivolité de la vie (vies/vaines). La couleur, absente dans ses travaux photographiques, y est omniprésente, donnant l’impression par moment d’appuyer la transformation du mot.
A travers les travaux présentés dans NoUs, Pol Pierart bouscule notre regard sur les œuvres et sur le monde. Il nous force à réaliser d’incessants allers-retours entre mot et image ou entre mot et mot. Mais, même s’il nous y affirme que la vie va vite (vie/vite) et qu’elle nous échappe indéniablement, l’artiste nous oblige aussi à adopter une attitude à l’opposé de ce mouvement perpétuel. L’exposition se révèle ainsi être une sorte d’éloge de la lenteur, tant les jeux de mots et d’images demandent qu’on s’y attarde pour les détecter puis pour en comprendre la polysémie.
Céline Eloy
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