Dans la forêt de colonnes du Palais de Tokyo se dessine un passage haut, long et étroit, tel un cours d’eau qui sépare deux falaises. L’espace des « Trois Conversations » de Constance Guisset. Discuter, regarder ensemble, s’embrasser : trois escales dans le flux du public. Trois embarcations légères aux toits colorés et festifs. Amarrées ici ou là, elles proposent des voyages avec l’autre et des espaces de rêverie. Au dessus des surfaces confortables sont érigés des mâts retenant un tressage de lignes et de cercles. Des formes coniques qui se lèvent comme des voiles de bateaux et se métamorphosent dans une semi transparence graphique.
Pensée comme un lieu de convivialité, l’une des Trois Conversations est une assise équipée d’un écran de projection. Le Palais de Tokyo a invité Jacques Lizène (né en 1946, vit et travaille à Liège) à y diffuser certaines de ses œuvres vidéos :
1.
Puisque les visiteurs sont invités à se coucher sur les coussins de l’œuvre de Constance Guisset (et peut-être s’embrasser s’ils se couchent en couple), il est bon de leur déconseiller de procréer. (D’une manière générale, les choses étant ce qu’elles sont, Jacques Lizène ne procréera pas…Hopla ! Il subira volontairement la vasectomie, stérilisation par coupure des canaux déférents. Dès ce moment, il portera en lui une sculpture interne. 1970). Et parce qu’il est absurde de montrer un travelling sur un mur au plafond, Jacques Lizène propose :
Jacques Lizène
Travelling sur un mur (je ne procréerai pas), 1971
Titre initial : Jacques Lizène 1971, « Mur ». Film 8 mm transféré. 00 :02 : 56. Ed. Yellow.
La caméra balaie un mur de brique de gauche à droite, de droite à gauche, de gauche à droite. Le travelling est monotone, indigent et même un peu agaçant. On découvre en fin de séquence, tracé à la craie sur le mur, la phrase : « Je ne procréerai pas ». Un film manifeste, faisant référence au mythique mur de la clinique d’Ougrée, lieu de naissance du petit maître.
2.
Puisque le visiteur est couché sur les coussins de l’œuvre de Constance Guisset, éteignons la lumière ! Si les visiteurs sont en couple (et que peut-être il s’embrasseront), le principe d’interruption leur rappellera le conseil lizénien de ne pas procréer. Jacques Lizène propose dès lors :
Jacques Lizène
Interruption de lumière, 1971
1971, NB, sans son, 8 mm, film transféré. 00 :03/39. Ed Yellow.
La caméra filme en plan fixe la prise électrique du projecteur qui éclaire le lieu de tournage. Après un très long moment, une main se glisse dans le champ et retire la prise de courant. Noir. Le générique sur panneau, tapé sur une Remington portative précise : « L’auteur n’apprécie pas vraiment son film. S’il l’a réalisé c’est parce qu’il se méprise un peu de temps en temps… (peut-être) ». Lizène ajoute aujourd’hui que les points de suspension sont céliniens et le (peut-être) référence à Beckett.
3.
Afin de répondre aux « transitions colorimétriques douces et explosives qui éclatent dans le bâtiment », Jacques Lizène propose une suite de visages en quatre quarts, comme des sculptures génétiques, sur fond de paysages en quatre quart, une projection sur un rythme soutenu et un fond musical de musique génétique en sampling.
Jacques Lizène
AGCT (Acides de bases), Sculptures génétique, 1971, musique génétique 1987, en remake 2001
2001, vidéo couleurs, son, 00 :01 :16. Infographie et montage numérique : Dominique Castronovo. Mixage et son numérique : Bernard Secondini. Pré-mixage : Jean Marc Sulon. Réalisation AVCAN.
4.
Afin de contempler dans le ciel des AhahahArchitectures gonflables avec ascenseur à vide d ‘air, exposition virtuelle de Jacques Lizène en son musée virtuel, Jacques Lizène propose cette œuvre auto-publicitaire :
Jacques Lizène
Ahahaharchitectures gonflables, musée virtuel, en remake 2012
Vidéo, couleurs, son, 00 :11 :48, 2012. Infographie et montage numérique : Dominique Castronovo. Bande son sur une musique de Jacques Lizène. Réalisation AVCAN.
Proposition pour une exposition virtuelle, 1983-1984 partout dans le monde, y compris au Palais de Tokyo, dans un musée gonflable avec ascenseur à vide d’air, gonflable qui n’a rien à voir avec le zeppelin de Panamarenko.
5.
Parce que la position couchée est particulièrement indiquée pour assister à un concert et singulièrement à un concert de musique à l’envers, Jacques Lizène propose :
Jacques Lizène
Pièce pour musique à l’envers, 1979 en remake 2012, performance. Edaneres de Navnevohteeb Giwdul, pour violons et contrebasse.
Vidéo HD, couleurs, son, rushes 1 prise de la performance, 00 :17 :32. Réalisation AVCAN, 2012. Production galerie Nadja Vilenne.
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