Emilio Lopez-Menchero, Centrale for Contemporary Art, revue de presse (3)

Lu dans Flux News, sous la plume de Catherine Callico :

Emilio Lopez-Menchero & Esther Ferrer à la Centrale for contemporary art

Le corps et l’identité

L’artiste espagnol et protéiforme Emilio Lopez-Menchero présente son oeuvre à la Centrale for contemporary art, le temps d’une rétrospective qui permet d’en palper toute la richesse, l’audace, la dérision. Celle-ci se complète d’une installation d’Esther Ferrer, pionnière de l’art performatif.

Tenue et tons sobres, marine et gris. Emilio Lopez-Menchero arrive à la Centrale for contemporary art pour une visite de sa rétrospective. Coupe standard, ni barbe ni artifice. Support neutre et lisse, prêt à toute expérimentation. Lequel tranche avec la Frida Kahlo mise en scène du communiqué de presse. Toute en couleurs et fleurie. La couleur est essentielle dans l’oeuvre de l’artiste protéiforme espagnol. De ses Trying to be (où il se met dans la peau d’une personnalité) à ses toiles, dessins, sculptures, vidéos, performances et autres interventions urbaines et architecturales.

Le corps et l’identité constituent l’ossature de son oeuvre. Dès ses débuts. Architecte diplômé de La Cambre en 1995, il mêle très vite l’architecture à l’art, influencé par la bible du milieu, le manifeste de Hans Hollein “Alles ist Architektur”, qui traite de corporalité dans l’espace. Je subdivise le corps en quatre, souligne Emilio. Le corps normé, le corps agité, le corps identifié, le corps fantasmé. Le corps normé appartient à sa “première période”. Dans la salle d’exposition du fond de la Centrale, au sol, il a agrandi un tapis à l’échelle 1/1 de la capacité maximale des corps humains dans l’espace. Soit des traces de semelles normées. 24 personnes au mètres carré, c’est la norme –tirée du fameux manuel – dans les espaces publics, ascenseurs etc. L’oeuvre réfère également à sa seconde période, qui s’attache à l’abstraction et à l’art minimal.

Personnifier pour être

Sur les murs de cette salle du fond, Emilio a disposé une sélection de ses fameux Trying to be, photographies de ses incarnations d’icônes. De droite à gauche: Marc Dutroux, Che Guevara, Pablo Escobar, Frida Kahlo, Yasser Arafat, Russel Mean, Fernand Léger, Rrose Sélavy, Carlos, Raspoutine.

Pour réaliser ces performances photographiques, l’artiste se réapproprie et vit ces personnages à partir de son propre corps. Sans postiche. Je me transforme, laisse pousser la moustache, me teins les cheveux. Cette mise en abyme permet de sortir de l’anonymat. C’est en 2001, en réponse à une invitation de participation au MAMAC de Liège ( Hommage/Outrage Picasso, sous commissariat de Lino Polegato) , qu’il se propose lui-même en personne et entame la série de photos en noir et blanc “Trying to be”.

Né en Belgique de parents espagnols républicains qui ont fui le franquisme, l’artiste évoque régulièrement Picasso et l’Espagne. Comme dans son Torero/Torpedo. En habits de torero, il harponne avec dérision son vélo, référence à notre pays et à la figure d’Eddy Merckx, mais aussi à la « Tête de Taureau » de Picasso, rencontre fortuite d’une selle et d’un guidon. Ici, il se voit le vainqueur de l’étape du col d’Aubisque, lors du Tour de France.

Au fil de l’expo, chaque pièce est placée en résonance avec les autres, traduisant la cohérence de son approche. Et cette quête inlassable d’identité. Le plus souvent avec dérision.

Porte-voix

Emilio Lopez-Menchero explore régulièrement les thèmes des migration et immigation, de l’exclusion et de l’aliénation dans ses interventions urbaines. Le porte-voix est l’un de ses medias de prédilection. De son porte-voix monumental, sa Pasionaria, sur le boulevard Stalingrad face à la gare du Midi (ce lieu de confluence évoque un épisode de la Guerre d’Espagne) au cri de Tarzan qui s’échappera toutes les 30 minutes de la Tour Sainte-Catherine, tout au long de la durée de cette rétrospective. Au sein de la Centrale même, une installation en grillages évoque un centre fermé dans l’ancienne prison des femmes à Bruges, prévu pour la détention de demandeurs d’asiles déboutés ou de gens en séjour illégal. Via quatre porte-voix, des voix féminines clament les nationalités recensées: “Mongolia”, “Bulgaria”… L’artiste souligne ici la contradiction au sein de la ville touristique, laquelle d’un côté attire les étrangers, de l’autre les rejette.

Esther Ferrer et l’identité

Pour l’occasion, Emilio Lopez-Menchero a invité Esther Ferrer, pionnière de l’art performatif depuis les années 70, également Espagnole et exilée à Paris depuis une quarantaine d’années. Son installation dénonce une Espagne à l’identité ravageuse et anthropophage. Très sobre et forte, elle est constituée d’un cercueil noir, basique, suspendu, surmonté d’une épée en forme de crucifix. Sur le mur de fond, le drapeau de la monarchie espagnole. Tandis que la voix de l’artiste reprend des textes populaires basés sur Les Chroniques de la Conquête. L’oeuvre a été réalisée en 1992, lors des commémorations du 500e anniversaire de la “découverte” de l’Amérique par Christobal Colomb, dans le cadre d’une exposition critique (qui n’a pas eu lieu). Si j’ai choisi cette pièce aujourd’hui, c’est également lié à l’identité française en déclin. Cette pièce évoque les notions de construction d’une identité nationale, la pureté de la race.

Catherine Callico

Lu Dans De Standaard, sous la plume de Sam Steverlynck

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