Dans la foulée des Gender Cafés, la SPACE Collection et le Madmusée proposent une sélection d’oeuvres de différentes périodes et provenances qui abordent, de manière souvent poétique, les questions de l’identité et de l’image.
Steven Cohen, Marine Dricot, François Hers, Sophie Langohr et Armand Rassenfosse, Aurélie William Levaux, Jacques Lizène, Emilio Lopez-Menchero, Jacques Ochs, Marinella Parente, François Bernard Râcle, Aurie Ramirez, Eric Tchéou, Denyse Willem.
Expo visible du 17/10 au 13/12 : du jeudi au samedi de 14h à 17h30 ou sur rendez-vous
Vernissage le jeudi 16/10 à partir de 18h
Le 20/11 à 20h : introduction aux « gender studies » par Charlotte Pezeril et Céline Van Caillie
Emilio López-Menchero
Trying to be Cindy, 2009
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 122 x 60 cm. Édition 5/5
Emilio López-Menchero ne pouvait que s’emparer du célèbre cliché que Man Ray fait de Marcel Duchamp déguisé en femme, cette photo d’identité travestie de Rrose Selavy, « bêcheuse et désappointante, altière égo » de l’artiste, « Ready Maid » ducham¬pienne. Habiter Rrose Selavy (2005) est l’archétype du genre, du transgenre. De même, il était en quelque sorte attendu, ou entendu, qu’il incarne également Cindy Sherman (2009). Depuis ses tout premiers travaux il y a plus de trente ans, l’artiste américaine se sert presque exclusivement de sa propre personne comme modèle et support de ses mises en scène. Regard sur l’identité, frénésie à reproduire son moi, son travail est ultime enjeu de déconstruction des genres entre mascarade, jeu théâtral et hybridation. De Cindy Sherman, Emilio López-Menchero a choisi l’un des « Centerfolds » réalisés en 1981, ces images horizontales, comme celles des doubles pages des magazines de mode et de charme, commanditées par Artforum mais qui ne seront jamais publiées, la rédaction de la célèbre revue d’art estimant qu’elles réaffirment trop de stéréotypes sexistes. L’artiste américaine — et du coup Emilio López-Menchero — incarne une femme vulnérable, fragile, sans échappatoire, captive du regard porté sur elle.
Comme dans le cas de Cindy Sherman, les mises en scène de ces « Trying to be » ne sont destinées le plus souvent qu’à la photographie, plus rarement à la vidéo. Emilio López-Menchero se transforme par le maquillage, le costume, les accessoires, il tente de surveiller son régime avec pondération, contrôle le poil, et surtout prend la pose, la pose la plus proche de l’icône de référence, mais dans une totale réappropriation person¬nelle, le plus souvent fondée sur une recherche documentaire qui bien souvent oriente le processus de (re)création.
Jacques Lizène
Peinture nulle en remake 1993, Vasectomie Youppie ! Rupture de procréation… et le sperme part en fumée.
Technique mixte sur toile, 120 x 100 cm
Vasectomie, 1970. La vasectomie est une méthode de contraception qui consiste à sectionner ou bloquer chirurgicalement les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes. Lizène l’affirme comme sculpture interne en 1970, s’ôtant ainsi toute possibilité de se reproduire. Œuvre non certifiée, sinon par le discours autorisé de l’artiste, y compris quelques anecdotes telle celle concernant ce professeur auprès duquel Lizène se renseigne sur les modalités de l’intervention chirurgicale et qui, plaisanterie de carabin, l’envoie chez un confrère gestionnaire d’une banque du sperme. Elle donne lieu à une déclaration, une confirmation irréversible du refus de procréer affirmé en 1965 : « Dès ce moment, il portera inscrite en lui l’œuvre nommée Coupure. Il ne procréera pas et tourne ainsi le dos au jeu des générations, résolument ». Lizène définit cette sculpture comme Art d’attitude, ne se revendique pas directement du body art, plutôt du Non-perçu du body art. La vasectomie lizénienne est l’image même d’un art qui se refuse à la production, à la productivité.
Armand Rassenfosse (1862 – 1934), Nu aux pantoufles rouges, huile sur carton, 35 x 26,8 cm, non daté
Sophie langohr, Le genre, une étude d’après Armand Rassenfosse, photographie couleur marouflée sur aluminium, 35 x 26,8 cm, 2014.
Abordant cette question du genre, Sophie Langohr revisite un nu féminin à l’allure androgyne d’Armand Rassenfosse, tableau issu d’une collection privée liégeoise. Revisitant l’histoire de l’art, éprouvant et interprétant les codes iconographiques du passé tout en interrogeant nos actuels systèmes de représentation, Sophie Langohr, usant des actuels outils infographiques détourne la peinture de Rassenfosse, recompose ce nu empruntant le visage et le sein à une Baigneuse de Bouguereau, l’épaule à une autre Baigneuse célèbre, celle de Dominique Ingres. Le dos, la fesse et la cuisse proviennent d’une photographie académique, à l’usage des artistes, signée par Gaudenzio Marconi. Le mollet appartient à un nu masculin de Nicolas Abildgaard tandis que la coiffure a été confiée à Prada. Ainsi pose-t-elle la question du bon goût, du canon et de la norme du genre pictural. C’est même là comme une étude de genre.
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