Archives mensuelles : février 2014

Arco Madrid 2014, Suchan Kinoshita et Walter Swennen,19-23 février 2014

Arco

La Galerie participe à l’édition 2014 de ARCO Madrid.

Suchan Kinoshita et Walter Swennen
Hall 7, stand D01

Dates & Opening Hours
19th – 23rd February 2014
Professionals: Wednesday 19, from noon to 9 pm & Thursday 20, from noon to 8 pm.
General public: Friday 21, Saturday 22 & Sunday 23, from noon to 8 pm.

Where
Halls 7 & 9 at Feria de Madrid

Walter Swennen

Walter Swennen, garder la chambre, 2012, huile sur toile, 120 x 100 cm

Suchan Kinoshita

Suchan Kinoshita, Tokonoma, 2012

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Capitaine Lonchamps, le Grand Charivari

Le Grand Charivari ce samedi 8 février. Où il est question du Checkpoint Charlie d’Emilio Lopez-Menchero. Où Le Capitaine Lonchamps s’explique sur ses enneigements au micro de Fabrice Kada. Où l’on entendra une Petite chanson médiocre de Jacques Lizène (1982). L’Auto. Et qu’est ce qu’il y a de mieux dans une auto que le klaxon ? Je vous le demande.

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Lecteur audio

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Jacques Lizène, instruments de musique modifiés et musique génétique (1987)

Jacques Lizène

– Instrument de musique modifié, art syncrétique 1964, ciste croisé baryton, croisé viole de gambe, remake 2001. Cartes postales découpées, 20 x 11 cm.

Jacques Lizène

instrument de musique modifié, art syncrétique 1964, cor croisé saxophone, remake 2001-2011. Impression jet d’encre sur papier photo, 18 x 18 cm

Jacques Lizène

Instrument de musique modifié, art syncrétique 1964, trombonne à sept pavillons croisé guitare à cinq choeurs, remake 2001. Cartes postales découpées, 15 x 11 cm

Musique non séductive, chansons médiocres d’un chanteur en dessous de tout, musique à l’envers, musique doublement à l’envers, Jacques Lizène est également inventeur de la « musique génétique »

Musique génétique. Écriture musicale basée sur la formule de base de l’ADN et ses quatre acides aminés : l’Adénine, la Cytosine, la Thymine et la Guanine (A.C.T.G.). Lizène imagine en 1987 qu’en redoublant ces quatre éléments, on obtient l’équivalent des huit notes : A, C, T, G, A2, C2, T2, G2 pour Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, Do. Le premier A est donc un Do, le second A est un Sol. Ceci permettrait de composer de la musique sur le modèle de la structure de l’ADN et donc de créer de véritables portraits musicaux en se basant sur l’empreinte génétique de la personne à portraiturer. Dans un article récent, Emmanuel d’Autreppe, évoquant « ce pas d’autant plus essentiel qu’il est non décisif vers le son perpétuel en même temps que vers le nirvana d’une possible “cacaphonie” absolue », rapprochait le principe de la musique génétique et la machine à fabriquer des poèmes de Raymond Queneau, cet ouvrage combinatoire, hypertexte avant la lettre, permettant de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers, bien entendu. Cette combinatoire génétique des partitions lizéniennes serait-elle à la musique, dans une universelle cacophonie, ce que l’œuvre de Queneau est à l’Ouvroir de littérature potentielle ? Il y a en tout cas dans cette manipulation pour le moins incongrue de la génétique quelque chose de pataphysique. Comme la musique à l’envers, la musique génétique est un procédé compositionnel, ce qui permet à chacun d’en faire. Mais comme aime à le répéter le Petit Maître : « Attention, la place est prise ! »

Jacques Lizène

– Musique génétique 1987, composer de la musique à partir des empreintes génétiques, réalisant ainsi des portraits en musique génétique. Impression jet d’encre plastifiée, 42 x 21 cm

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Jacques Lizène, Musique à l’envers et doublement à l’envers, les images

Jacques Lizène

– Sculpture nulle, 1980. Installation pour un moniteur, deux squelettes et un piano demi-queue. Musique à l’envers 1979, et doublement à l’envers 1996, en remake 2014. Oh la la la la ! Aie ha ha ha ha ! Piano demi queue, reproductions de deux modèles de squelettes, sur support à roulettes (tout mettre sur des roulettes, 1974), textes, vidéo. Un film barré à la main, 1972, NB, sans son, 16 mm transféré sur DVD, 1’31, Ed.Yellow. Avec la caméra placée à différentes distances, tentative ratée pour des questions de parallaxe, d’inscrire le corps dans le cadre de l’écran, tête et pieds parfaitement au bord. 1971. Film barré image par image, à la main, en 1972. Dim : 180 x 180 x 150 cm. Remake 2014.

Jacques Lizène

– Sculpture nulle 1980, instruments de musique modifiés en guise d’interrogation génétique, art syncrétique, croiser un violon et une raquette de tennis, en remake 2011. technique mixte, violon, raquette, 100 x 20 x 10 cm.

Jacques Lizène

– Quatre variation pour le « Projet pour une installation vidéo pour un ou deux moniteurs et magnétoscopes, avec ou sans squelette et pour piano à queue. Musique à l’envers, 1979 ». Technique mixte sur impression numérique couleur d’un dessin –collage. 70 x 50 cm. En remake, 2014.

Jacques Lizène

– AGCT 1971 en fun fichier, remake 1997, technique mixte, collage de photographies argentiques. Dim : 70 x 50 cm.

Jacques Lizène

– Art syncrétique 1964, instrument de musique modifié, remake 2011, trompette de cavalerie croisée clarinette croisée saxophone, mettre
n’importe quel objet sur roulette. trompette, clarinette, saxophone, planche, roulettes, 154 x 30 x 34 cm.

Jacques Lizène

AGCT 1971 en fun fichier, remake 1997-2013, technique mixte, collage de photographies argentiques et encre. Dim variables.

Jacques Lizène

Dépôt auprès de la SABAM de compositions musicales réécrites à l’envers, toutes ces œuvres comme art d’attitude d’art médiocre, 1979-1996. Partition : Lizène AC IV12542, « Etanos Trazom », suite. 1996. L’interrogation génétique, Petit Maître liégeois croisé avec les yeux de Mozart, à l’envers, collage, 1996. Studio 3J30 RRBF. Lizène compositeur du renversé et Jacques Swingedow, pianiste (protocole de performance). Collage, partition originale et photocopies, 70 x 63,5 cm. 1996.

– Pièce pour musique à l’envers, 1979 en remake 2012, performance. Edaneres de Navnevohteeb Giwdul, pour violons et contrebasse. Vidéo HD, couleurs, son, rushes 1 et 2, double prises de la performance, 36 min. Production AVCAN, 2012.

– Art syncrétique 1964, instrument de musique modifié, remake 2011, didgeridoo croisé tuba. 161 x 43 x 30 cm.

Jacques Lizène

jacques Lizène

Jacques Lizène

– AGCT 1971 en fun fichier, remake 1997-2013, technique mixte, collage de photographies argentiques et encre. Dim variables.

– AGCT 1971 en fun fichier, remake 1997-2013, technique mixte, collage de photographies argentiques et encre. Dim variables En totem et bord de fenêtre.

jacques Lizène

– AGCT 1971 en fun fichier, remake 1997, technique mixte, collage de photographies argentiques. Dim : 70 x 50 cm.

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Musique à l’envers et doublement à l’envers, 1979, en remake (suite)

Jacques Lizène

Jacques Lizène

Quelle danse macabre accompagne donc ce squelette accroupi sur le couvercle de ce piano, tendant carpes, métacarpes et phalanges vers un clavier aux touches aussi sèches que l’os ? On l’imagine sculpture nulle (1980) pour une danse nulle (1980), mise en scène tragicomique, mêlant la Mort aux vivants, cette galerie déconcertante de visages hybrides qui farandole autour de cette singulière salle de concert. Ce squelette pour carabins joue de la musique à l’envers et même doublement à l’envers, selon un protocole prescrit par l’artiste. Sa gymnique est inconfortable (Oh la ! la ! la ! la !), elle le déséquilibre, au bord de la chute et du renversement, elle provoque le rire de son camarade, ce second squelette sur roulettes (mettre n’importe quoi sur roulette, 1974), campé, tel un chanteur à côté du piano. Ebahi, les yeux ronds, le rire de celui-ci s’inscrit en phylactère. Résonne ainsi le rire du Petit Maître liégeois (1971), un rire que Jacques Lizène requalifiera en ricanement (2008), en référence au rire hystérique de Gino de Dominicis (1971). Si l’artiste italien rend, en effet, hommage à Zarathoustra, le rieur véridique (« J’ai sanctifié le rire : Ô vous, hommes supérieurs, apprenez donc à rire ! »), Jacques Lizène ricane, lui, des écrits d’Emile Cioran, auteur du « Traité de décomposition » et de « L’Inconvénient d’être né ». Le rire, on le sait, est l’un des redoutables moteurs de toute l’œuvre lizénienne. Une vidéo, enfin, complète le dispositif, écran penché, bien évidemment, s’engloutissant dans la caisse du piano. Le Petit Maître se contorsionne, comme le pianiste. Avec la caméra placée à différentes distances, il tente d’inscrire son corps dans le cadre de l’image, tête et pieds parfaitement au bord (1971), se ramassant sur lui-même au fur et à mesure que la caméra se rapproche de lui. Tentative ratée en raison d’une parallaxe de visée imprécise, un an plus tard, Jacques Lizène barre le film à la main, image par image. La disqualification fait l’œuvre (1972).

C’est en 1996 que Lizène trace ce projet de sculpture nulle. Dans un premier collage, il représente un pianiste accroupi sur un piano à queue, deux téléviseurs derrière lui, le lutrin à la place du tabouret. Lizène écrit en marge : « Musique à l’envers. Double retournement. Faire interpréter à l’envers une partition musicale réécrite, elle aussi à l’envers, 1979, remake 1996 ». Dans une seconde version du même collage, c’est un squelette qui se substitue au pianiste. Il s’agit d’une « installation vidéo pour un ou deux moniteurs et deux magnétoscopes, avec ou sans squelette, mais pour un piano à queue et un micro sur pied. Musique à l’envers, 1979-1996 ». Le projet est ambitieux, initié en 1979, par la réécriture d’une partition de Haendel à l’envers. Il s’agira de « n’être pas musicien du tout, d’être compositeur non composant, d’être compositeur du renversé et de réécrire à l’envers toutes les musiques du monde, de réécrire Mozart à l’envers, Chopin, Bartók et tous les autres, de mélanger à l’envers toutes les partitions existantes (1996), de faire jouer doublement à l’envers toutes les musiques (1996) ». L’épuisement sans fin d’une idée, tout comme l’incomplétude des faits, son inévitable corollaire, est une machine puissante qui fonctionne en parfait circuit fermé, une implacable logique autarcique et endogène. Fondé sur l’attitude de l’artiste, le remake cultive le rebours, la systématisation, la répétition, l’exaspération, la surenchère, l’inachèvement que l’artiste tente – en vain – d’achever. Au réel rebattu sur lui-même répondent des œuvres et des idées en permanence ressassées.

Toujours en 1996, Jacques Lizène s’adresse à la Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs. Il dépose deux partitions de Mozart réécrites à l’envers, « Etanos Trazom, pièce musicale à l’envers d’art médiocre » et « Taifanzie Trazom », 1979, remake 1996. Sur la partition, chaque portée d’Etanos Trazom se conclut par un rire du pianiste tandis que le petit Maître envisage de ponctuer le tout, de façon improvisée, par une rythmique cyclique produite à l’aide d’une boîte à rythme électronique. Jacques Lizène convaincra le pianiste Jacques Swingedow d’interpréter la pièce et l’enregistrement aura lieu dans les studios de la RTBF à Bruxelles. Lizène persuadera également le musicien d’interpréter l’œuvre doublement à l’envers. La performance aura lieu au Musée d’art Moderne de Liège et sera filmée. Film non monté – Jacques Lizène apprécie les rushes, prises multiples et ratages -, nous assistons à la prestation de Jacques Swingedow interprétant la partition lizénienne d’abord à l’envers, ensuite doublement à l’envers, accroupi sur le piano, enfin doublement à l’envers sur un clavier portatif, toujours juché sur l’instrument. Durant la prestation, Lizène entre dans le champ de l’image, il esquisse un pas de danse avec un squelette et ressort aussitôt. Appréciant les actions rapides et légères, sa performance est dès plus brèves. Déjà en 1979, lors de la première édition du Symposium d’art performance de Lyon, organisé par Orlan et Hubert Besacier, le photographe chargé d’archiver la rencontre eut à peine le temps de photographier la toute fin de la performance de Lizène, une déambulation avec un cassettophone sur roulettes diffusant 144 tentatives de rires, tant la prestation fut courte, inachevée comme il se doit, et conclue presqu’avant de débuter. Hop ! ajouterait Lizène. Cette captation de 1996 est complétée par une seconde prestation. Cette fois, c’est un violoncelliste qui interprète, face à une caméra penchée, une pièce de musique à l’envers mixant des musiques de Chopin et de Mahler. Lizène apparaît entrant et sortant du champ en riant très fort et, à l’une ou l’autre reprise, en secouant le même squelette comme un pantin. Plus courte, enfin, est l’interprétation doublement à l’envers, l’instrument tenu pique vers le haut, chevillier et volute au sol ; la pièce est qualifiée par le Petit Maître de « très contemporaine ».

Esquissant quelques pas de danse avec un squelette, Jacques Lizène évoque cette longue tradition de la danse macabre. « Dansez ! Et rejouissez de votre néant », écrit Gustave Flaubert. « Dansez ! Que la ronde soit immense et la fête joyeuse ». Lizène pourrait réécrire à l’envers les partitions de Lizst, de Saint-Saëns, de Moussorgsky ou d’Arnold Schönberg, de Britten, de Chostakovitch ou d’Arthur Honneger. Tous, en effet, ont composé des Danses macabres. Éminemment moderne, la représentation de la danse macabre connaît son apogée à la fin du Moyen-Age, au tout début de la Renaissance. On la relie aux malheurs du temps et aux vicissitudes collectives, famines, pestes et guerres. Farandole des morts et des vivants, elle est ironique, insolente, égalitaire ; ronde funèbre et mascarade, la satire sociale s’y mêle à l’avertissement tragique qu’elle nous donne sur notre destinée. Jacques Lizène ne s’est-il pas, non sans humour, comparé au vingt-quatrième Bouddha, décidant de prendre une position de retrait et de retraite, alors qu’il découvre les imperfections du monde, ses malades, ses morts et ses souffrances ? « La condition de l’espèce humaine même évoluée relève d’un pessimisme radical. Je crois que l’on n’arrivera jamais, même avec l’intervention génétique et l’eugénisme, à apaiser complètement toutes les souffrances de l’humanité, déclare le Petit Maître. Je suis persuadé qu’un jour on découvrira que la vie s’est développée par erreur ; que la vie et la nature sont une suite d’erreurs qui se multiplient en se complexifiant. Il conclut, faisant référence à sa vasectomie, sculpture interne (1970) : « Donc, par principe, je me suis dis : Moi, j’arrête ; comme je peux ». « Restons encore en vie, dit-il néanmoins, pour crier nos stupidités à la face du monde ». Alors, on danse, même une « danse nulle » et faisons de « petites fantaisies d’art plastique ».

Parmi celles-ci, ce remake plus récent d’une musique à l’envers, Ludwig van Beethoven cette fois, ou plutôt Navnevohteeb Giwdul, dont Jacques Lizène fait interpréter une « Edaneres », une sérénade, par deux violons et une contrebasse (2012). L’œuvre est enregistrée en deux prises, rapides, Lizène se chargeant de susciter un certain désordre et quelques turbulences dans l’interprétation. « Edaneres » sera réinterprétée, en remake, à Paris, à l’occasion de la réouverture du Palais de Tokyo (Jacques Lizène est souvent l’invité des ouvertures et fermetures). Cette fois en public, ce sont deux violons et un violoncelle qui interpréteront la partition à l’envers, accompagnés par l’ineffable Xavier Boussiron à la pédale wawa. La performance a lieu devant un cadre d’instruments de musique modifiés, un cor-clarinette, un violon croisé raquette de tennis, un tuba – didgeridoo, une guitare électrique – pioche, – musique non séductive garantie – , une trompette de cavalerie croisée clarinette croisée saxophone, le tout en totem et sur roulettes. C’est là le principe même de l’Art syncrétique, que Lizène conçoit en 1964 : « croiser toute sorte de choses, des animaux, des visages, des architectures, des arbres, des voitures, des chaises, des sculptures ». Ou encore : « découper et mélanger deux styles ».

Lire à l’envers toutes les œuvres, « comme art d’attitude d’art médiocre et Music’minable » n’a pas la prétention de créer de nouvelles sonorités, mais bien de lutter contre l’idée de jugement. Depuis la création de son « Institut de l’Art stupide » (1971), Lizène a cette tentation continuelle pour les idiots retournements de perspective, qu’il s’agisse d’inverser le cours même d’une exposition (1998) ou, en public et en guise de performance comportementale pour art d’attitude, de littéralement « retourner sa veste ». Certes, on rapporte – et Lizène connaît l’anecdote ; il les collectionne d’ailleurs -, que René Magritte, André Souris et d’autres auraient chanté la Brabançonne à l’envers lors d’une exposition de René Magritte à Verviers, exposition organisée à l’initiative de Temps Mêlés, mais là n’est pas l’essentiel. L’idée a été émises à diverses reprises : Jacques Lizène serait plus proche du Cheyenne contraire, la fontaine de cheveux pour coiffe iroquoise, et de façon plus générale de toutes les « sociétés des contraires » améridiennes. « Ces turbulents qui incarnent la possibilité du désordre apparaissent dans de nombreuses sociétés traditionnelles, écrit Jean de Loisy. Leurs conduites qui semblent aberrantes ont une vertu cathartique et permettent aux insultés de supporter des critiques ou des moqueries qui, si elles venaient d’autres, seraient des offenses terribles. On les appelle ici les contraires, clowns sacrés, fous de Dieu, bouffons rituels. Ces noms désignent des réalités diverses, les uns sont au-dessus de tout, les autres déploient des efforts pathétiques pour être à la hauteur ». Et de Loisy de poursuivre : « L’artiste est dérisoire et parfois grotesque, redouté car porteur de vérité, libre de sa parole, incarnation de la nécessité du politiquement incorrect. Certains artistes aujourd’hui, Jacques Lizène ou Paul MacCarthy par exemple, endossent un rôle semblable. Grotesques, triviaux, ils tendent au regardeur le miroir dans lequel se reflètent les travers de la société. L’indécence ne les gêne pas puisque c’est la nôtre, ils sont les personnages libres qui déjouent les tentatives coercitives du consensus. Ce sont les nécessaires figures transgressives qui réaniment le jeu sans fin du chaos et de la règle. Ils permettent à l’art contemporain de remplir l’une de ses fonctions majeures dans notre société moderne : mettre en turbulence les convictions, rejouer ce qui paraît acquis, élargir notre champ de conscience, faire exploser les règles convenues ».
On en conviendra, cette position, sied au Petit Maître, dandy à rebours et compositeur non composant du renversé.

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Emilio Lopez-Menchero : 1 + 1 + 1 = 1980

Emilio Lopez Menchero

PETER DOWNSBROUGH
BEAT STREULI
EMILIO LÓPEZ-MENCHERO

A l’occasion de Molenbeek Métropole Culture 2014 en Fédération Wallonie-Bruxelles, 3 artistes contemporains de renommée internationale, qui entretiennent un lien fort avec Molenbeek, exposent des oeuvres originales créées sur mesure pour les beaux espaces de la Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek-Saint-Jean.
L’EXPOSITION 1+1+1=1080 nous parle de la notion de frontières, de limites, d’espace et de temps. Ce n’est pas un hasard si ces concepts s’invitent à Molenbeek, commune de rencontres et de contrastes par excellence.

C’est un ailleurs conceptuel que nous suggèrent les installations minimalistes de Peter Downsbrough, américain de naissance. Regarder autrement, par rapport au cadre proposé.
Beat Streuli nous emmène en voyage à Tanger, (re)découvrir cette ville si particulière – aux portes de l’Andalousie – avec son regard poétique. La dimension monumentale de la fresque nous sidère, et provoque une sensation nouvelle, fascinante.
Au même instant, Emilio López-Menchero et Chantal Maillard nous content une histoire de destins croisés dans les rues de Molenbeek. Des portes spatio-temporelles activent des souvenirs enfouis dans l’inconscient collectif, grâce à des images, des lieux, et des sons recréés.
D’un coup, l’Histoire est traversée d’histoires, et des calques successifs nous questionnent sur la mémoire des exilés.
De Tanger à l’Espagne, pour arriver à Molenbeek, que se passe-t-il quand l’Ailleurs de l’Autre se passe ici?
Ces trois installations uniques d’art contemporain se veulent accessibles à tous, pour générer une ouverture, une rencontre inhabituelle entre les publics, hors des murs consacrés.

Peter Downsbrough est né en 1940 aux Etats-Unis. Figure majeure de l’art contemporain, il opère depuis le début des années 1970 dans le sillage du minimalisme, au croisement de l’art conceptuel et de l’art concret. Ses nombreuses pratiques artistiques – sculpture, photographie, livres, films, pièces sonores, appliquées lors d’interventions discrètes à l’espace urbain – sont fondées sur la notion de position et de cadrage, et interrogent le rapport à l’espace et au langage. Des mots, des tubes sont placés pour marquer une surface, créer un cadre et changer le paysage.
Depuis 2003, aux deux extrémités du Boulevard Emile Jacqmain, ses interventions faites de mots soudés à des structures tubulaires noires nous proposent une ponctuation et un dialogue avec la ville.
Pour sa commune, Peter Downsbrough a crée deux oeuvres originales:
la première est une intervention au coeur de l’ancien préau, qui révèle son architecture classique sous un jour nouveau. Dans le jardin et sur la façade d’une partie du bâtiment recemment rénové, un jeu de perspectives et de coupures optiques nous offre une nouvelle lisibilité de ces lieux.

Beat Streuli est un artiste suisse né en 1957. Ses oeuvres, qui gravitent autour de la photographie, de la vidéo et des installations multimédia, sont montrées dans les musées et galeries du monde entier. Il arpente et photographie les badauds de nombreuses villes comme Copenhague, Bruxelles, New York, Tokyo…. Il aime focaliser son attention et isoler de la foule des visages en plan serré, des détails urbains ou encore des fragments de corps. Chacune de ses séries est attachée à une ville et est exposée de manière singulière. Sa démarche consiste à saisir les attitudes des humains lorsqu’ils ne sont pas en représentation, qu’ils sont dans leurs pensées, dans cet espace mental «in between», état qui rapproche les hommes (et femmes) quel que soit leur pays d’origine.
Pour la Maison des Cultures, Beat Streuli est parti capter l’atmosphère extraordinaire de Tanger, et nous offre un pont entre deux villes, une fresque monumentale à couper le souffle.

Emilio López-Menchero est né en 1960 en Belgique. Artiste protéiforme, architecte de formation, il met en place des interventions et des installations qui questionnent nos habitudes, souvent avec humour, un certain décalage.
Il est notamment l’auteur de la Pasionaria, le porte-voix au pied de la Gare du Midi à Bruxelles, et du “Checkpoint Charlie”, intervention urbaine performative lors du Festival Kanal en 2010 à la Porte de Flandre.
Pour l’exposition 1+1+1=1080, l’artiste nous parle de racines, de frontières, de temporalité. Molenbeek est filmé comme lieu de convergence entre le passé et le présent, entre l’ici et l’ailleurs, intersection physique de deux destins croisés d’immigrés sur une terre d’accueil de tous les rêves et difficultés. L’artiste a invité son amie la poétesse et artiste espagnole d’originie belge Chantal Maillard, qui ressuscite son enfance passée à Molenbeek avant d’émigrer en Espagne…

Maison des cultures et de la cohésion sociale
Rue Mommaerts, 4
1080 Molenbeek-Saint-Jean
Vernissage ce jeudi 6 février à 18h
Exposition du 7 février au 15 mars

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Jacques Lizène, musique à l’envers et doublement à l’envers, 1979, en remakes

Jacques Lizène

Jacques Lizène

Jacques Lizène

Jacques Lizène

Jacques Lizène

Sculpture nulle (1980). Installation pour un moniteur, deux squelettes et un piano demi-queue. Musique à l’envers 1979, et doublement à l’envers 1996, en remake 2014. Oh la la la la ! Aie ha ha ha ha ! Piano demi queue, reproductions de deux modèles de squelettes, sur support à roulettes (tout mettre sur des roulettes, 1974), textes, vidéo. Un film barré à la main, 1972, NB, sans son, 16 mm transféré sur DVD, 1’31, Ed.Yellow. Avec la caméra placée à différentes distances, tentative ratée pour des questions de parallaxe, d’inscrire le corps dans le cadre de l’écran, tête et pieds parfaitement au bord. 1971. Film barré image par image, à la main, en 1972. Dim : 180 x 180 x 150 cm. Remake 2014.

Quelle danse macabre accompagne donc ce squelette accroupi sur le couvercle de ce piano, tendant carpes, métacarpes et phalanges vers un clavier aux touches aussi sèches que l’os ? On l’imagine sculpture nulle (1980) pour une danse nulle (1980), mise en scène tragicomique, mêlant la Mort aux vivants, cette galerie déconcertante de visages hybrides qui farandole autour de cette singulière salle de concert. Ce squelette pour carabins joue de la musique à l’envers et même doublement à l’envers, selon un protocole prescrit par l’artiste. Sa gymnique est inconfortable (Oh la ! la ! la ! la !), elle le déséquilibre, au bord de la chute et du renversement, elle provoque le rire de son camarade, ce second squelette sur roulettes (mettre n’importe quoi sur roulette, 1974), campé, tel un chanteur à côté du piano. Ebahi, les yeux ronds, le rire de celui-ci s’inscrit en phylactère. Résonne ainsi le rire du Petit Maître liégeois (1971), un rire que Jacques Lizène requalifiera en ricanement (2008), en référence au rire hystérique de Gino de Dominicis (1971). Si l’artiste italien rend, en effet, hommage à Zarathoustra, le rieur véridique (« J’ai sanctifié le rire : Ô vous, hommes supérieurs, apprenez donc à rire ! »), Jacques Lizène ricane, lui, des écrits d’Emile Cioran, auteur du « Traité de décomposition » et de « L’Inconvénient d’être né ». Le rire, on le sait, est l’un des redoutables moteurs de toute l’œuvre lizénienne. Une vidéo, enfin, complète le dispositif, écran penché, bien évidemment, s’engloutissant dans la caisse du piano. Le Petit Maître se contorsionne, comme le pianiste. Avec la caméra placée à différentes distances, il tente d’inscrire son corps dans le cadre de l’image, tête et pieds parfaitement au bord (1971), se ramassant sur lui-même au fur et à mesure que la caméra se rapproche de lui. Tentative ratée en raison d’une parallaxe de visée imprécise, un an plus tard, Jacques Lizène barre le film à la main, image par image. La disqualification fait l’œuvre (1972).

C’est en 1996 que Lizène trace ce projet de sculpture nulle. Dans un premier collage, il représente un pianiste accroupi sur un piano à queue, deux téléviseurs derrière lui, le lutrin à la place du tabouret. Lizène écrit en marge : « Musique à l’envers. Double retournement. Faire interpréter à l’envers une partition musicale réécrite, elle aussi à l’envers, 1979, remake 1996 ». Dans une seconde version du même collage, c’est un squelette qui se substitue au pianiste. Il s’agit d’une « installation vidéo pour un ou deux moniteurs et deux magnétoscopes, avec ou sans squelette, mais pour un piano à queue et un micro sur pied. Musique à l’envers, 1979-1996 ». Le projet est ambitieux, initié en 1979, par la réécriture d’une partition de Haendel à l’envers. Il s’agira de « n’être pas musicien du tout, d’être compositeur non composant, d’être compositeur du renversé et de réécrire à l’envers toutes les musiques du monde, de réécrire Mozart à l’envers, Chopin, Bartók et tous les autres, de mélanger à l’envers toutes les partitions existantes (1996), de faire jouer doublement à l’envers toutes les musiques (1996) ». L’épuisement sans fin d’une idée, tout comme l’incomplétude des faits, son inévitable corollaire, est une machine puissante qui fonctionne en parfait circuit fermé, une implacable logique autarcique et endogène. Fondé sur l’attitude de l’artiste, le remake cultive le rebours, la systématisation, la répétition, l’exaspération, la surenchère, l’inachèvement que l’artiste tente – en vain – d’achever. Au réel rebattu sur lui-même répondent des œuvres et des idées en permanence ressassées.

Toujours en 1996, Jacques Lizène s’adresse à la Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs. Il dépose deux partitions de Mozart réécrites à l’envers, « Etanos Trazom, pièce musicale à l’envers d’art médiocre » et « Taifanzie Trazom », 1979, remake 1996. Sur la partition, chaque portée d’Etanos Trazom se conclut par un rire du pianiste tandis que le petit Maître envisage de ponctuer le tout, de façon improvisée, par une rythmique cyclique produite à l’aide d’une boîte à rythme électronique. Jacques Lizène convaincra le pianiste Jacques Swingedow d’interpréter la pièce et l’enregistrement aura lieu dans les studios de la RTBF à Bruxelles. Lizène persuadera également le musicien d’interpréter l’œuvre doublement à l’envers. La performance aura lieu au Musée d’art Moderne de Liège et sera filmée. Film non monté – Jacques Lizène apprécie les rushes, prises multiples et ratages -, nous assistons à la prestation de Jacques Swingedow interprétant la partition lizénienne d’abord à l’envers, ensuite doublement à l’envers, accroupi sur le piano, enfin doublement à l’envers sur un clavier portatif, toujours juché sur l’instrument. Durant la prestation, Lizène entre dans le champ de l’image, il esquisse un pas de danse avec un squelette et ressort aussitôt. Appréciant les actions rapides et légères, sa performance est dès plus brèves. Déjà en 1979, lors de la première édition du Symposium d’art performance de Lyon, organisé par Orlan et Hubert Besacier, le photographe chargé d’archiver la rencontre eut à peine le temps de photographier la toute fin de la performance de Lizène, une déambulation avec un cassettophone sur roulettes diffusant 144 tentatives de rires, tant la prestation fut courte, inachevée comme il se doit, et conclue presqu’avant de débuter. Hop ! ajouterait Lizène. Cette captation de 1996 est complétée par une seconde prestation. Cette fois, c’est un violoncelliste qui interprète, face à une caméra penchée, une pièce de musique à l’envers mixant des musiques de Chopin et de Mahler. Lizène apparaît entrant et sortant du champ en riant très fort et, à l’une ou l’autre reprise, en secouant le même squelette comme un pantin. Plus courte, enfin, est l’interprétation doublement à l’envers, l’instrument tenu pique vers le haut, chevillier et volute au sol ; la pièce est qualifiée par le Petit Maître de « très contemporaine ».

Esquissant quelques pas de danse avec un squelette, Jacques Lizène évoque cette longue tradition de la danse macabre. « Dansez ! Et rejouissez de votre néant », écrit Gustave Flaubert. « Dansez ! Que la ronde soit immense et la fête joyeuse ». Lizène pourrait réécrire à l’envers les partitions de Lizst, de Saint-Saëns, de Moussorgsky ou d’Arnold Schönberg, de Britten, de Chostakovitch ou d’Arthur Honneger. Tous, en effet, ont composé des Danses macabres. Éminemment moderne, la représentation de la danse macabre connaît son apogée à la fin du Moyen-Age, au tout début de la Renaissance. On la relie aux malheurs du temps et aux vicissitudes collectives, famines, pestes et guerres. Farandole des morts et des vivants, elle est ironique, insolente, égalitaire ; ronde funèbre et mascarade, la satire sociale s’y mêle à l’avertissement tragique qu’elle nous donne sur notre destinée. Jacques Lizène ne s’est-il pas, non sans humour comparé au vingt-quatrième Bouddha, décidant de prendre une position de retrait et de retraite, alors qu’il découvre les imperfections du monde, ses malades, ses morts et ses souffrances ? « La condition de l’espèce humaine même évoluée relève d’un pessimisme radical. Je crois que l’on n’arrivera jamais, même avec l’intervention génétique et l’eugénisme, à apaiser complètement toutes les souffrances de l’humanité, déclare le Petit Maître. Je suis persuadé qu’un jour on découvrira que la vie s’est développée par erreur ; que la vie et la nature sont une suite d’erreurs qui se multiplient en se complexifiant ». Il conclut, faisant référence à sa vasectomie, sculpture interne (1970) : « Donc, par principe, je me suis dis : Moi, j’arrête ; comme je peux ». « Restons encore en vie, dit-il aussi, pour crier nos stupidités à la face du monde ». Alors, on danse, même une danse nulle et faisons de petites fantaisies d’art plastique.

(à suivre)

Jacques Lizène

Jacques Lizène

Musique à l’envers et musique doublement à l’envers, en rushes, 1997.
1997, couleurs, son, DV transféré sur DVD, 16’05. Production Espace 251 Nord.
Musique à l’envers (1979) et doublement à l’envers pour violoncelle, réécrite l’envers à partir de partitions de Bartok et de Maehler. Avec de fréquentes apparitions du petit maître dans le champ. Suivi d’une musique à l’envers au piano, Mozart, 1996 en remake. Interprété au piano, à l’envers et doublement à l’envers, par Jacques Swingedow. Réalisée au Mamac à Liège

Jacques Lizène

Lizène, art d’attitude. N’être pas musicien du tout et réécrire à l’envers toutes les musiques du monde, 1979. Réécrire Mozart à l’envers, Chopin, Bartok et tous les autres (par exemple), 1996. Mélanger à l’envers toutes les partitions existantes, 1996. Musique génétique culturelle 1987. Faire jouer doublement à l’envers toutes les musiques.
Projet pour une installation vidéo pour un ou deux moniteurs et magnétoscopes, avec ou sans squelette, et pour piano à queue. Musique à l’envers, 1979. Double retournement, faire interpréter à l’envers une partition musicale réécrite, elle aussi à l’envers.
Copies laser rehaussées de textes. 100 x 70 cm. 2011.

Jacques Lizène

Dépôt auprès de la SABAM de compositions musicales réécrites à l’envers, toutes ces œuvres comme art d’attitude d’art médiocre, 1979-1996. Partition : Lizène AC IV12542, « Etanos Trazom », suite. 1996. L’interrogation génétique, Petit Maître liégeois croisé avec les yeux de Mozart, à l’envers, collage, 1996. Studio 3J30 RRBF. Lizène compositeur du renversé et Jacques Swingedow, pianiste (protocole de performance). Collage, partition originale et photocopies, 70 x 63,5 cm. 1996.

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