As part of this year’s curated by_vienna, Krinzinger Projekte would like to announce the opening of “Cover-Up“ on October 10th 2013, curated by Liverpool-based art historian Antony Hudek. For the 2013 edition of curated by_, selected Viennese galleries host exhibitions under the title « Why Painting Now?” conceived by international curators. In addition to the question “Why Painting Now?”, “Cover-Up” addresses the long-term program initiated by Galerie Krinzinger: Curators
Collectors Collaborations. Through CCC, Galerie Krinzinger brings together curators and collectors in dialogue, allowing the former to work with objects usually kept behind closed doors and the latter to submit these objects to wider scrutiny. As the first exhibition in CCC, “Cover-Up“ features loans from seven private collections in and around Vienna. These privately-owned pieces are shown besides work by other international artists.
“Cover-Up“ focuses on painting’s relationships with value, subjectivity and abstraction. The more a painting (small “p”) questions its relation to the three concepts, the less likely it is to buttress Painting’s (capital “P”) presumed autonomy, status as privileged outlet for creativity, and transcendence. The numerous works in this exhibition—mostly paintings, but not all—collectively ask “Why Painting Now?” when the medium lends itself to such sophisticated games of covering up its ties to contemporary social and political concerns.
For Painting to appear as a timeless and disinterested product of the imagination, it must strive toward an impossible balance between the concealment of its inherent connections to market value and the acknowledgment of its indebtedness to it—Clement Greenberg’s famous “umbilical cord of gold”. As with value, Painting needs to manage its mythical relationship to subjectivity: in order to enshrine the primacy and immediacy of the subject, it must aim to suppress any prosthesis—paintbrush, title, frame, or gallery. Beyond value and subjectivity, however, abstraction remains painting’s ultimate cover-up, for no matter how “non-representational”, a painting’s abstraction inevitably gives way to the materiality of its object condition (be it of an idea).
Antony Hudek is research curator at Tate Liverpool and senior lecturer at Liverpool John Moores University. He also co-directs the independent non-profit press Occasional Papers (www.occasionalpapers.org).
curated by_vienna 2013: „WHY PAINTING NOW?“
COVER UP_CURATED BY ANTONY HUDEK
Part of CCC – Curators Collectors Collaborations
Duration: October 11th – December 21st 2013
Artists: Marc Adrian, Irene Andessner, Eleonor Antin, Siegfried Anzinger, Hans Bischoffshausen, Erwin Bohatsch, Peggy Buth, Merlin Carpenter, Plamen Dejanoff, Heinrich Dunst, Thomas Feuerstein, Olivier Foulon, Inci Furni, Gilbert & George, Joachim Grommek, Georg Herold, Franz Hubmann, Martha Jungwirth, Tillman Kaiser, Brigitte Kowanz, Angelika Krinzinger, Elke Krystufek, John Latham,Thomas Locher, William Mackrell, Jonathan Meese, John Murphy, Albert Oehlen, Bernard Pifaretti, Rudolf Polanszky, Arnulf Rainer, Franz Ringel, Marianne Sayn-Wittgenstein, Erik Schmidt, Allison Schulnik, Lucie Stahl, Elaine Sturtevant, Wolfgang Walkensteiner, Franz West.
Au fond de la pièce, à gauche :
Olivier Foulon, Catalogue / Katalog. Tourne disque et 45 tours édité par Olivier Foulon. Redite de « L’interview avec un chat ». L’enregistrement est réalisé le 12 mars 2006 dans les studios de KS Musik à Bottrop, à l’occasion de l’exposition d’Olivier Foulon, « redites et ratures », Künstlerstipendium Just, à Düsseldorf. Sur la pochette : Leonard Bramer, Les Curieux, Museum Kunst Palast, Samlung der Kunstakademie, Düsseldorf. Sur la face B de la pochette du 45 tours édité pour l’occasion, on découvre une photo du 12 Burgplatz.
A propos de l’interview avec un chat, ce texte récemment publié dans DITS : (extraits)
Donner sa langue au chat, tout l’art de la conversation
Barry Barker, qui a bien connu Marcel Broodthaers au début des années 70 et qui a collaboré à divers projet de l’artiste, le rappelle dans un texte récent1 : avec un rare sens de l’écoute, Marcel Broodthaers excellait dans l’art de la conversation. Il ne s’enquérait pas seulement de votre santé, se souvient Barry Barker, mais se lançait régulièrement dans de vrais débats d’idées, vous questionnant, demandant votre opinion, y répliquant de telle sorte que la conversation prenne, dans bien des cas, le tour d’une création en soi.
Cet art de la conversation, Marcel Broodthaers l’entretient même avec son chat. Rappelons les faits : ils se déroulent à Düsseldorf en 1970, au 12 Burgplatz, siège du Musée d’Art Moderne, Département des Aigles. Broodthaers converse avec un chat domestique et enregistre l’interview2. Il interroge le félin :
– Est-ce un bon tableau celui-là ? Correspond-il à ce que vous attendez de cette transformation toute récente qui va du Conceptual Art à cette nouvelle réaction d’une certaine figuration, pourrait on dire ? Après un temps d’hésitation, le chat répond :
– Miaou.
– Vous croyez ? insiste M.B.
Le chat se fait dès lors plus disert, affirmatif et concerné par le sujet. Nouvel académisme, audace contestable de l’art, marché, évolution d’une collection, utilité des musées : en deux minutes précisément, Broodthaers et le chat abordent une série de questions épineuses qui, précise Broodthaers, « préoccupent beaucoup d’artistes ». Le chat a réponse à tout ; à tout le moins semble-t-il avoir un avis autorisé sur ces questions.Je repense, bien sûr, à cette performance de Joseph Beuys qui eut également lieu à Düsseldorf, cinq ans auparavant, en la galerie Schmela : « Wie man dem toten Hasen die bilder erklärt » (1965), « comment expliquer les tableaux à un lièvre mort ». Durant les trois heures que durent cette performance, Joseph Beuys est seul à l’intérieur de la galerie en compagnie d’un lièvre mort tandis que le public observe la scène, depuis l’extérieur, par les fenêtres. Beuys a la tête couverte de miel et de feuilles d’or. A son pied droit est attachée une longue semelle d’acier contre laquelle est déposée une semelle de feutre de même dimension. Au lièvre mort, il murmure des choses inaudibles pour l’auditoire, lui montrant les tableaux accrochés aux murs de la galerie. La performance est célèbre, elle sera réinterprétée, entre autre, par Marina Abramovic (2006).
A Düsseldorf toujours, mais beaucoup plus tard, Olivier Foulon réinterprètera l’ « Interview avec un chat », cette fois en allemand, avec la complicité de la curatrice Suzanne Tits dans le rôle de Marcel Broodthaers, Olivier Foulon s’attribuant le rôle du félidé (2005). Sur la face B de la pochette du 45 tours édité pour l’occasion, on découvre une photo du 12 Burgplatz ; sur la face A, un singulier dessin de Léonaert Bramer, actif à Delft durant la première moitié du 17e siècle. Il représente une façade de maison et sa porte en bois, percée en son centre d’un trou circulaire aussi singulier qu’inattendu, non pas un vrai judas percé dans la porte, mais un trou tout rond, irréel, bordé d’un motif décoratif. De part et d’autre de cet orifice, des curieux se pressent. Que regardent-ils ? Le vinyle sous la pochette ? Nul ne sait. Il n’est pas impossible que ce dessin de Bramer soit la maquette d’une façade d’une boîte optique comme le suggère ce curieux œilleton pour curieux, presque duchampien, si l’on fait référence à « Etant donné. 1. La chute d’eau. 2. Le gaz d’éclairage ». Peu de temps avant le moment où il réinterprète l’interview avec un chat, Olivier Foulon retrace un dessin trouvé dans une revue satirique du 19e siècle, représentant un visiteur du Salon parisien faisant le poirier devant les œuvres exposées. Le dessin est légendé : « Le plus difficile n’est pas de faire le tableau mais de savoir le regarder ».
L’humour et l’ellipse brotharciens, le rituel beuyssien, la question de la traduction et de l’interprétation –y compris celles des images – chez Foulon : on l’aura compris, tout tourne autour de l’art de la conversation, de la conversation sur l’art et, surtout, de sa compréhension. « Sans le caractère ostentatoire de la performance beuyssienne, constate Barry Barker, Broodthaers fait avec finesse et humour référence à toute la complexité de l’entendement de l’art, de sa valeur d’échange contemporaine ». Donner sa langue au chat, gardien de tous les secrets, suppose que l’on renonce au jeu de la devinette. La parole du chat serait donc de valeur considérable, et il pourrait s’agir en « donnant sa langue au chat », de lui prêter la parole pour qu’il nous donne réponse aux devinettes posées. Lui prêter la parole, oui, mais n’oublions pas que seul le Chat Botté de Charles Perrault parle le langage des humains, du moins sur le 45 tours de mon enfance, où je l’entend encore répondre au marquis de Carrabas.
Ne nous restera-t-il dès lors que le langage des signes ? Je repense à cette autre œuvre finement féline de Marcel Broodthaers : « La souris écrit Rat (à compte d’auteur) » (1974), les doigts d’une main projetant l’ombre chinoise d’un chat noir sur la feuille blanche. D’Esope à Jean de la Fontaine, rat et souris, ces deux rongeurs, sont souvent confondus et partagent bien souvent un même aspect culturel. Dans un texte capital qu’il rédige en 1975, « Etre bien pensant ou ne pas être. Etre aveugle »3, Marcel Broodthaers écrit : « Actuellement ‘Tel quel’ et les recherches linguistiques intempestives se confondent dans une même glose que ses auteurs voudraient critiques. Art et littérature… des faces de la lune, laquelle est cachée ? Que de nuages et d’images éphémères… Je n’ai rien, rien découvert, pas même l’Amérique. Je fais le choix de considérer l’art comme un travail inutile, apolitique et un peu moral ». « L’art, déclare-t-il encore, accompagne les péripéties de notre histoire comme un jeu d’ombres artistiques. A lire tout ce qui s’écrit de byzantin sur le sujet, on pense au sexe des anges, à Rabelais et aux débats de la Sorbonne ». Et faisant référence à l’ « Alphabet » qu’il montre dans l’exposition « Le privilège de l’art » (1975), Marcel Broodthaers conclut : « Mon alphabet et peint. Tout cela est obscur, les lecteurs sont invités à entrer dans cette nuit pour y lire une théorie ou éprouver des sentiments fraternels, ceux-là unissent les hommes et particulièrement les aveugles ».
On ne peut ici que faire référence à « Pense-Bête » (1964), œuvre ô combien fondatrice, cette assomption ouvertement ironique et cynique d’un but commercial revendiqué, ces quarante quatre recueils de poèmes identiques, à moitié emballés, coulés dans le plâtre, flanqués d’une sorte de queue, queue de rat, queue de chat ; elle aussi est de plâtre, ponctuée, d’une part, d’une nacrée sphère en plastique et, de l’autre, d’un œuf. Pense-Bête, le terme est mnémonique. Il fait également référence à ces fables et contes où les animaux protagonistes reflètent le monde des humains. Dans les fables de La Fontaine, pas moins de douze d’entre elles mettent des rats en scène, cinq des souris, dont « la querelle des chiens et des chats, et celle des chats et des souris ». Rebondissons : L’installation « Le Corbeau et le renard » (1967–1972) de Marcel Broodthaers est articulée autour de la projection d’un film sur un écran recouvert de lettres imprimées. Ces lettres correspondent à une section d’un poème que Broodthaers a écrit en relation à la fable de La Fontaine. Pour l’artiste, ce film constitue un « prolongement du langage » : « Mon film est un rébus qu’il faut avoir le désir de déchiffrer », nous dit-il. L’œuvre a été conçue comme « une tentative de nier, autant que possible, le sens des mots comme celui des images »5. On retrouvera ce rapport complexe entre image et texte est également au centre de la double projection « ABC – ABC Images » (1974), composée de diapositives présentant différentes combinaisons entre des lettres et des images extraites d’un alphabet d’écolier.
La seconde partie de l’entretien entre Broodthaers et le chat prend des allures plus singulières encore. Broodthaers répète en français et en anglais, sur des tons les plus divers : « Ceci est une pipe. Ceci n’est pas une pipe ». Le chat miaule à chacune de ces affirmations, donnant à l’échange un ton plus polémique. Barry Backer le souligne dans le texte précité : si Marcel Broothaers respectait particulièrement l’avis de ses amis et de son auditoire, singulièrement en ce qui concerne toute contribution à ses créations, il voulait aussi, inévitablement, avoir le dernier mot. Aigle, pipe, urinoir, le chat l’a-t-il compris ? Ceci est une œuvre d’art. Ceci n’est pas une œuvre d’art. A Düsseldorf toujours, en 1972, chaque objet rassemblé dans l’exposition, « L’Aigle, de l’Oligocène à nos jours », est accompagné d’un cartel en trois langues : « Ceci n’est pas une œuvre d’art ». Marcel Broodthaers confronte, ici, l’urinoir duchampien et la Trahison des Images de René Magritte. « Non seulement Broodthaers a compris que le geste de Duchamp a été de réduire l’œuvre d’art à la phrase qui la consacre, et que cette phrase ce n’est pas l’artiste qui a autorité de la prononcer, mais bien son présentateur institutionnel, mais il a aussi compris que le geste de Magritte avec la trahison des images était d’avoir réduit la représentation à la présentation »6. Cette interview avec le chat est un objet d’art. Cette interview avec le chat n’est pas un objet d’art. « Ceci est une interview recueillie au Département des Aigles, 12 Burgplatz, à Düsseldorf ». Ceci n’est pas une fiction, ceci est une fiction, imaginée pas le directeur bien réel d’un musée fictif, cet irréel des artistes, des poètes et des Aigles. Constatons, pour une fois, que dans l’interview avec un chat, ce n’est pas Marcel Broodthaers qui a le dernier mot. C’est le chat qui conclut l’entretien. (JMB)
1 Marcel Broodthaers, A silent conversation or a personnel point of view, dans Marcel Broodthaers, Milton Keyes Gallery, 2008
2 Marcel Broodthaers : entretien avec un chat (4’54’’) « Ceci est une pipe ». Enregistrement : 1970. Edition : Marian Goodman Gallery, NY. Copyright : The Estate of Marcel Broodthaers
3 Cité dans Marcel Broodthaers, galerie Nationale du Jeu de Paume, 1991.
5 Ibidem
6 Thierry De Duve, petite théorie du musée (après Duchamp, d’après Broodthaers), dans L’art contemporain et son exposition, L’Harmattan, 2007.
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