Les outils
Lu dans La Libre, sous la plume de Guy Duplat :
La contemplation du concret
Guy Duplat
Mis en ligne le 07/07/2012
Le Mac’s propose pour cet été une exposition contemplative, conceptuelle. “Le miroir et les chemins” : loin du spectaculaire, il faut y prendre le temps.
Denis Gielen, qui a monté l’exposition de cet été au Mac’s, le dit tout de go : il n’y a pas là du sublime ni du spectaculaire. Pas de volonté d’en mettre plein la vue. Pas de stars. Mais autre chose, qui naît du détail et du calme, inspiré par cette phrase de Stendhal qui disait dans « Le Rouge et le Noir » qu’ »un roman, c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin ». Une exposition contemplative, où il faut accepter de prendre son temps. Une exposition minimaliste sur le réel qui, pour peu qu’on s’en imprègne, crée alors dans nos têtes des images et sensations neuves.
Le Mac’s est parti de trois artistes représentés dans ses collections : l’Américain vivant à Bruxelles Peter Downsbrough (né en 1940), l’Uccloise Jacqueline Mesmaeker (née en 1929) et le Français Philippe Durand. Pour les trois, la démarche passe par la photographie et la vidéo. Ils sont a priori fort différents mais leur confrontation montre des points communs : ils photographient le réel qui nous entoure, parfois au plus près, mais en y donnant un point de vue, un regard, qui trompe l’apparente neutralité des choses.
Denis Gielen aime d’ailleurs relier les trois artistes autour du thème du point de vue : topographique (d’où je prends l’image), philosophique (quelle est ma place), et esthétique.
De Peter Downsbrough, on montre une installation in situ typique avec des morceaux de mots placés pour modifier l’architecture et sa perception. On présente aussi une série de photographies noir et blanc prises en Belgique qui, toutes, sont centrées sur des verticales du paysage (un poteau, un mur, une symétrie). Inversement, il a dessiné des lignes noires sur des cartes postales pour troubler le regard et la perspective qu’on peut avoir sur l’image.
Jacqueline Mesmaeker, héritière de Broodthaers, présente une vidéo des années 90 qu’elle a prise depuis un monte-charge. Images minimales où apparaissent des bandes comme les zips de Barnettt Newman. On montre aussi sa série conceptuelle du 21mars 1975 quand elle avait demandé à de nombreuses personnes de prendre une photo au même moment, à 17h23, de l’endroit où elles seraient. L’artiste ici non seulement délègue son pouvoir, mais se dote d’un pouvoir d’ubiquité.
Philippe Durand choisit de mettre une sorte de filtre entre l’appareil photo et la réalité concrète : souvent il photographie le paysage dans des flaques d’eau ou à travers les mailles d’un grillage, rendant l’image en arrière-plan floue, ou encore à travers une vitre ou un miroir brisé. Métaphores sur le fait que nos images sont toujours des artifices.
Les trois artistes se retrouvent dans la grande salle qui clôture l’expo avec trois vidéos. Philippe Durand a filmé des groupes de touristes en canoë, peinant absurdement, dans un « embouteillage » sur une rivière du sud de la France. Peter Downsbrough a filmé une autoroute la nuit et Jacqueline Mesmaeker a repris un extrait d’un film muet où un homme s’escrime à courir sur le toit d’un train. Trois vidéos sur le flux, le mouvement et son absurdité.
« Le miroir et les chemins » au Mac’s, jusqu’au 14 octobre.