Archives mensuelles : février 2012

Arco Madrid 2012 preview – Jeroen Van Bergen, Log Cabins

– American Cabine 001, 90 x 90 x 117 cm, bois (toit en pente), 2011
– American Cabine 002, 100 x 85 x 48 cm, bois (style saloon), 2011
– American Cabine 003, 160 x 80 x 93 cm, bois (avec tour), 2011
– American Cabine 004, 88 x 48 x 55 cm, bois (cabine), 2011

Les toilettes sont au fond du jardin

Jeroen Van Bergen est un constructeur prosaïque, frénétique par le nombre de ses projets, doué d’un singulier sens pratique. Il érige, il bâtit dans l’espace, à toutes les échelles et se sert de tout matériau. Lorsqu’il s’agit de maquettes, il met en œuvre le carton plume ou la mini brique, ou même aujourd’hui la résine ; et la brique, le bois, la plaque de plâtre, le béton cellulaire dès le moment où le pourcentage de l’échelle augmente. Plasticien, il n’est ni architecte, ni urbaniste mais définit la construction comme une nécessité première. Il rejoint là un architecte bénédictin compatriote, Hans van der Laan, qui dès les années 30 énonça haut et fort sa volonté de retisser des liens entre l’acte technique de construire et notre besoin primitif de définir notre espace environnant. Qu’on s’en souvienne, Ludwig Mies Van der Rohe se déclarait aussi « constructeur ».

Tout comme van der Laan, qui imagina bâtir suivant un nombre plastique et un enchaînement numérique de proportions mathématiques,  Jeroen Van Bergen bâtit en déclinant ses projets sur base d’un même module constitutif. Chez Hans van der Laan, promoteur d’une architecture spirituelle et liturgique, l’unité fondamentale était celle de la « cella », espace individuel d’action, de réflexion et de perception. Chez Jeroen Van Bergen, visionnaire d’une architecture critique et ironique, ce module de base aura les dimensions standardisées des toilettes, telles qu’elles sont fixées par la loi néerlandaise. Sa « cella » mesure 110 centimètres de large, 90 de profondeur, 260 en hauteur. Les dimensions de la porte sont de 210 sur 90 et l’éventuelle petite fenêtre qui permet de jeter un œil sur le monde mesure 45 centimètres sur 70. Voilà la divine proportion modulaire ; triviale, pragmatique, répondant aux standards et aux normes de Neufert. La juxtaposition et la superposition de ce module de base permettront l’extension sans fin du domaine de cette fièvre constructrice. Le système sera global. Jeroen Van Bergen l’applique d’ailleurs à tout programme architectural et urbanistique, qu’il s’agisse de se mesurer à la Burj Khalifa de Dubaï (et même, ceci dit en passant, de surpasser celle-ci de soixante-dix mètres), de construire des baraque à frites, d’évoquer un Manhattan globalis, de lotir la banlieue, de composer un labyrinthe de favélas hygiéniques ou même d’occuper un chantier naval. La fièvre est inflationniste, tout comme l’est ce système appliqué avec une implacable logique. Tout, bien sûr, peut s’appliquer à la norme, et toute norme peut, bien évidemment, être transgressée.

Qui ne se souvient pas des toilettes au fond du jardin ? De ces cabanons constitués de quelques planches  mal jointes, un cœur percé à hauteur de regard, indiquant que ce n’est pas là qu’on range les outils du jardin ? Qui n’a pas fredonné les premiers mots de la chanson de Line Renaud, « Ma cabane au Canada est blottie au fond des bois, on y voit des écureuils, sur le seuil… ». Que les nostalgiques se rassurent, les toilettes au fond du jardin reviennent à la mode. On parle aujourd’hui de toilettes sèches, on vante le compostage et l’économie d’eau ; on évoque les bardages extérieurs huilé à la friteuse d’huile de colza, les litières bio maîtrisées, le montage et le démontage en kit, les normes standardisées. Quant aux « cabanes au Canada », elles sont aujourd’hui bio climatiques, bâties en bois à ossature sectionnelle MOS. Elles sont conçues en DAO, leurs panneaux muraux sont en bois massifs de type MHM ou KLH, le bois a été cultivé dans le respect des normes PEFC, l’isolation thermique est ITE, les solives respecteront bien sûr les règles NFP 06-001  Les normes, les standards sont nombreux et l’attitude ECO bien sûr de mise.

Ces cabanons de fond de jardin sont à l’origine des dernières productions de Jeroen Van Bergen, toujours conçues sur le même module de base, les mêmes normes et prescriptions canoniques, ce standard des water closed, décliné en soupentes et frontons, contrevents, tours et terrasses garnies de leurs garde-corps.  Du fond du jardin, on se transporte au Montana, dans le grand nord américain, en quête des cabanes de trappeurs, de prospecteurs, d’aventuriers solitaires. Ces maquettes, Jeroen Van Bergen les nomme d’ailleurs « log cabins ».  A échelle, posées sur le sol, elles ne sont pas plus grandes qu’une niche pour chien. Reproduites au dixième de ces sculptures, maquettes de maquettes dès lors, installées sur présentoirs, elles pourraient constituer un catalogue tridimensionnel d’abris de jardin prêts à l’installation.  Comme quelques standards à la mode. Vous y rangerez les vélos, les outils du jardin ; vos enfants, désormais trappeurs dans le grand nord,  s’appelleront Robinson. Dites-nous les dimensions désirées, nous fixerons le prix. Et si on ne vous la livre en kit, il vous faudra assembler les poutres préfraisées dans un système de rainure-languette, placer les pignons avec l’aide de votre voisin, clouer les planches du toit sur les entraits, préférer les bardeaux bitumés, ne pas oublier de scier la dent de la poutre la plus basse avant de placer l’encadrement de la porte et veiller à visser la fenêtre dans le cadre et non dans les poutres murales.

Je repense à ces « potagers du besoin » des années de guerre, tapis dans un paysages silencieux, aux « coins de terre » et  « jardins familiaux », ces lopins cultivés en zones urbaines, nés d’un projet social.  Aujourd’hui d’aucuns se battent pour les faire reconnaître au rang d’art populaire, tant l’anarchisme de leurs cabanes et cabanons, principe même de la construction vernaculaire, peuvent être stupéfiants d’imagination. L’art du bricolage de certains jardiniers défie sans vergogne les lois des systèmes constructifs traditionnels. Du n’importe quoi, diront d’autres. Fin des années 80, la municipalité de Villejuif, en France, a voulu mettre bon ordre dans les jardins familiaux du parc département des Hautes Bruyères, en invitant l’architecte Renzo Piano, excusez du peu, à y réfléchir. Et celui-ci a conçu des abris qualifiés « d’esthétiques et fonctionnels », un modèle unique, un module, une sorte d’aile en aluminium recouvrant un cabanon – placard aux compartiments bien serrés. Entre les plates bandes tirées au cordeau, surgit comme un vaste champ d’abribus ; à ces aubettes, il ne manque que les traditionnelles « sucettes – Decaux ».  De la production paysagère spontanée, fruit de l’expression de singularités,  on passe là à un jardin familial qui tend à produire un paysage normé, répondant à une demande standard de paysage.

Les « log cabins »  et « American cabins mini », si normatives, me semblent du coup bien singulières.

– American Cabine 001 mini (échelle 1/10) (toit en pente), 2011
– American Cabine 002 mini (échelle 1/10) (style saloon), 2011
– American Cabine 003 mini (échelle 1/10) (toit à deux versants), 2011
Box dim : 48 x 45 x 38 cm / 45 x 43 x 28 cm

 

 

 

 

Arco Madrid, 15 – 19 février 2012

 

La galerie participe à ARCO Madrid 2012

Aglaia Konrad – Jacques Lizène – Benjamin Monti – Jeroen Van Bergen

Highlighted artist : Aglaia Konrad

Pabellon 10 – Stand 10A3
15th – 19th February 2012

Professionals:
Wednesday 15th and Thursday 16th | 12 noon – 9 pm
General public:
Friday 17th, Saturday 18th and Sunday 19th | 12 noon – 8 pm

 

Jacques Lizène, Benjamin Monti, Marie Zolamian, Liège – Marchin

Acquisitions 2001 – 2012 : La Province de Liège organise une double exposition, présentant une sélection d’oeuvres acquises au cours de cette dernière décennie.

Jacques LIZENE expose dès lors à la galerie Monos à Liège, du 5 février au 4 mars

Benjamin MONTI et Marie ZOLAMIAN exposent  au Centre Culturel de Marhin, du 12 février au 4 mars

Jacques Lizène, Art syncrétique 1964, chaises découpées et croisées, en remake 2011.

Jacques Lizène, Peinture nulle 1964, sur l’idée de mettre  n’importe quel objet sur la tête, 1994, sculpture génétique 1971 art syncrétique 1964, en remake 2011, photographie marouflée sur toile libre, rehaussée en technique mixte, 60 x 70 cm, 2011

Benjamin Monti, Sans titre, « Sucession ab intestat », encres sur papier recyclé, (5) x 14 x 23 cm, 2009

 

Jacques Lizène, le Cercle d’Art Prospectif (3)

Le perçu et le non perçu, la photographie de Lizène est de profil.

carton d’invitation CAP3 galerie Vega 1973, retouché. 21 x 15 cm

Carton d’invitation CAP 3, galerie Vega, Liège. 1973

« Fort de quelques principes de base et entrainé par une volonté d’actualité, le CAP est devenu ce groupe plus ou moins homogène, qui a mis l’art relationnel en tête de ses recherches. De la relation existant entre les éléments constitutifs du réel dépend notre connaissance de celui-ci et par conséquent de notre réalité existentielle. Pour le CAP, il importe donc de mettre la relation en évidence. Chaque relation contient une référence, une information, une mise en garde. C’est elle qui, dans l’œuvre d’art, définit le signe (réunissant le signifiant et le signifié). De même que le « classement » de Roland Barthes, elle  « fait de la simple matière, la matière, la promesse d’un événement ».

Phil Mertens. Assistante Musées royaux des beaux-arts de Belgique

Le perçu et le non perçu, 1973, en remake 2011. Chaises.

1. L’auteur de ce texte, alors âgé de 26 ans s’est assis sur cette chaise pendant quelques instants. 2. Il n’est pas impossible qu’âgé de 32 ans, l’auteur de ce texte s’asseye un jour, quelques instants, sur cette chaise.
1.L’auteur de ce texte, alors âgé de 62 ans s’est assis sur le bord de cette chaise pendant quelques instants. 2. Il n’est pas impossible qu’âgé de 67 ans, l’auteur de ce texte s’asseye un jour, quelques instants, sur cette chaise. Le perçu et le non perçu, 1973, en remake 2011.
Copie numérique, photos couleurs, texte imprimé. 50 x 32 cm.

A gauche :

Jacques Lizène, 1974
144 tentatives de sourire… mais l’on sait le vécu quotidien de la plupart des individus, Accompagné de 881 tentatives de rire enregistrés sur cassette, tout d’une traite, 1974.
135 photographies NB, tirage argentique, marouflées sur carton, 9 x 73 x 61 cm

Au centre :
Art du nul en remakes, 1971 – 2003 – 2011.
Compilation de vidéos et remakes vidéos,  promenade le regard au bas des murs (1971), tentatives de sourire (1971), contraindre le corps (1971), actions de rue (1997), danse nulle, 1980. Bande son originale, et cadres penchés. Transfert sur DVD de films  8 mm et U-matic. Producteurs : Yellow Now, Videographie, RTBF, AVCAN et galerie Nadja Vilenne.

A droite :
Sculpture génétique 1971, remake 1997, 1971-1991.
Photographies plastifiées rehaussées de peinture acrylique et encre synthétique. Papier marouflé sur bois et papier plastifié. 129 x 161 cm.
Collection Communauté française Wallonie Bruxelles.

C’est dans le cadre du groupe CAP qu’est né le principe de « partage de cimaises » que Jacques Lizène a pratiqué à de nombreuses reprises.

L’idée du Morcellement de cimaise tient à la découverte, en 1970, de la salle d’exposition, à Liège, de l’Association pour le progrès intellectuel et artistique en Wallonie (Apiaw). Lizène découvre l’envers du décor : les rideaux tendus aux cimaises sur lesquelles on accroche les tableaux sont des cache- misère. Les murs sont particulièrement décrépis et lézardés. Lizène pensera un moment intégrer cette décrépitude in situà son exposition d’Art spécifique. La fissure est complémentaire aux murs de briques que Lizène peindra à la matière fécale dès 1977. Le réseau de fissures sur le mur conduira au principe du Lotissement de cimaise en 1975, soit lotir pour d’autres artistes une cimaise morcelée, basée sur l’idée d’« Exposer l’autre » (1974).

En 1974, Le groupe CAP (Courtois, Lennep, Lizène et Nyst), est en effet invité à exposer à la galerie Elsa von Honolulu-Loringhoven à Gand. De sa propre initiative, sans en référer ni à Jan Vercuysse, ni aux membres du CAP, Lizène invite son ami Antonio Silvestre Terlica E. Pinto à exposer sur la cimaise qui lui est destinée. Il lui propose de plus d’uriner afin de marquer son territoire, comme le font certaines espèces animales.Terlica E.Pinto expose un autoportrait capé et urine sur le mur, de part et d’autre de la photo. Peu de temps après, à l’occasion d’une exposition collective de CAP chez Spectrum à Anvers, Lizène prête à nouveau sa cimaise : cette fois, il montre une peinture de Jean Hick, ainsi que, au bas, les pots de peinture de l’artiste. En 1975, enfin, alors que toujours avec le groupe CAP, il participe à un échange avec le groupe Pour mémoire de Bordeaux, en une double exposition (au CAPc de la ville girondine et au Palais des beaux-arts de Charleroi), le Petit Maître lotit sa cimaise, la partageant avec Anne et Patrick Poirier et un aquarelliste, Marc Guiot, trois artistes qu’il invite, encore une fois, de sa propre initiative. C’est là le premier Lotissement de cimaise, sur l’idée du lotissement immobilier. Il prête sa cimaise (le prêter), a même l’idée (non réalisée) de la monnayer. La contribution de Lizène au lotissement consiste à délimiter les lots. Il expose, dans son lotissement, sa montre en or (volée juste après l’exposition) et une chute du film Contraindre le corps (non volée, celle-la)…

 

 

 

Lizène, Lonchamps, Monti, Zolamian, les irrévérencieux à Strasbourg

Après Paris (Centre Wallonie Bruxelles) et Liège (Espace Saint Antoine), c’est Strasbourg qui accueille l’exposition « Art de l’Irrévérence » conçue par Marie Hélène Joiret et Alain Delaunois, exposition produite par La Chataigneraie.
L’exposition est accueillie par le Centre d’Art Apollonia, centre d’échanges européens.  Du 6 février au 13 mars 2012. Vernissage vendredi 3 février.

Irrévérence, insolence, impertinence, dérision… Des nuances entre les mots et les attitudes, certes, mais un même état d’esprit, qui s’illustre – sans exclusive, mais sans souci d’exhaustivité non plus – dans cette exposition, proposant un regard décalé sur le monde et ceux qui le gouvernent, sur les humains nos semblables, sur les grandes et petites représentations de la vie. Il serait faux de considérer cet état d’esprit comme une forme d’expression univoque, aux contours bien définis, au cadre délimité par le bon ou le mauvais goût, la fine ironie ou la grossièreté, le propos farfelu ou le délire agressif. Ce serait ne percevoir qu’une partie du propos, si on ne devait le tenir que pour la nécessaire soupape de secours ou une échappatoire commode aux situations trop tendues traversant une société. Diderot le disait déjà, l’éclat de rire n’est pas qu’un simple soulagement sonore. Il est l’instrument d’un bousculement de l’ordre établi, réveille les désirs de rupture à l’égard des puissants, et il convient de rappeler que sa pratique relève du désordre social, larvé ou assumé. Mais une pratique qui elle-même se trouve dévaluée, privée de ce sens premier, lorsqu’elle est aux mains du divertissement télévisuel ou du discours publicitaire.
Dominique Païni, commissaire de l’exposition A.B.C. présentée récemment au Fresnoy, et fin connaisseur de la création artistique contemporaine en terre liégeoise, rappelait à juste titre que cette Belgique toujours au bord de l’implosion, bénéficiait d’une incroyable vitalité artistique, « s’adossant à une tradition d’impertinence et de provocations ». (Alain Delaunois)

Jacques Lizène, Peinture pour cirage de pompes, 2010. Technique mixte (remake de peinture minable, 1979).  Vidéo : Peinture minable. Le petit maître crache sur une vitre, réalisant ainsi une peinture minable façon action-painting. Quelques séquences d’art sans talent 1979. Couleurs, son, U-matic transféré sur DVD.

Capitaine Lonchamps, Neige, 2010, Technique mixte sur toile trouvée, 102 x 123 cm

Benjamin Monti, « Une très brève histoire de la religion catholique », 2010, encres de chine, sur papier « Perspecta », papier millimétré bicolore pour dessin en perspective. Déposé. Formulaire pour la vue isométrique, 29, 7 x 21 cm, 2010

Marie Zolamian, Irrévérence Paris 2011. Irrévérence Liège, 2011.
L’artiste proposera une nouvelle déclinaison de cette oeuvre, sous le titre de… Irrévérence Strasbourg, 2012.