RUIMTE EN KISTEN COMPOSITIE STADSPLAN

 

Jeroen Van Bergen

Ruimte en Kisten compostie. Stads plan 001, 2009

technique mixte (résine, carton laqué, bois)

285 x 240 x 220 cm

Avec «Ruimte et Kisten Compositie. Stadsplan 01» (Espace et Composition de Caisses. Plan urbain 01), cet ensemble d’œuvres, cette installation toute récente, Jeroen Van Bergen pousse en effet l’absurdité jusqu’à ses limites paroxystiques. Je ne sais pas combien de modules de base, donc de WC, sont contenus dans ces gratte-ciels, mais leur nombre doit être astronomique. Ce que je sais, c’est que la plus haute d’entre elles, une maquette au millième, dépasse de soixante-dix mètres la Burj Khalifa de Dubaï inaugurée en janvier 2010. C’est là comme une fiction de la réalité, ou du moins une rencontre entre l’une et l’autre. A moins que l’objet ainsi sculpté n’ait plus aucun rapport avec le réel, tant il devient fantasmagorique.

 

Au sol, une cinquantaine de boîtes en bois, de diverses dimensions, toutes estampillées du monogramme de l’artiste forme une pyramide. Certaines de ces caisses sont closes, sur d’autres sont posées des maquettes de tours. Celles-ci sont en carton laqué, celles-là sont en résine ; les unes sont blanches et immaculées, d’autres transparentes comme des tours de glace. Et je pense à l’affiche réalisée par Boris Konstantinovitch Bilinsky pour la sortie du Metropolis en 1927, cet étagement en degrés et perspective de la cité futuriste de Fritz Lang. L’échiquier que compose «Ruimte et Kisten» fait d’emblée penser à la ville haute des ploutocrates et oligarches du film. En contrebas, parmi les caissettes qui forment la base de cette pyramide à degrés, une construction cubique, un simple building de six étages. Il est comme destiné aux prolétaires immatriculés vivant dans les sous-sols de la mégalopole industrielle du cinéaste allemand. L’ordonnancement de la façade de cette maquette particulière, que Jeroen Van Bergen a déjà décliné dans d’autres configurations intitulées « maisons sociales », fait directement référence à certains décors de façades imaginés par Fritz Lang, ceux qui, entre autre, apparaissent dès le début de film alors qu’en rang serrés les ouvriers rejoignent leur poste de travail dans la cité souterraine.

En bordure de cette pyramide de caissettes, comme s’il s’agissait de la banlieue, un «petit village». Ou plusieurs même, car l’on subodore en observant les dimensions de ces caissettes que d’autres pourraient surgir sous quelques coups de dévisseuse. Réévalutation d’échelle –car « Kleine Dorp » existe aussi au centième-, ce petit village tient à la fois d’un Manhattan globalis, de la cité dortoir et, avec sa rue unique, des mythes de l’Ouest américain. Son appellation miniaturise d’absurdes démesures.

«Ruimte en Kisten» revisite aussi le constructivisme russe, l’expressionnisme socialiste, cette idée de la cathédrale gothique comme œuvre d’art totale rassemblant artistes et artisans, en tant que nouvelle utopie communautaire, cette idée qui séduira les artistes allemands, néerlandais ou encore russes après les révolutions politiques survenues à l’issue de la première guerre. On pense à certains assemblages de Paul Joosten, à la cathédrale de 1941, «Ohne Titel», de Kurt Schwitters, avant de retomber dans la trivialité du marchandising en constatant que Jeroen Van Bergen décline aussi ses tours en « souvenirs et miniatures » colorées, en fonctionnels « tours presse-livres ». Ses gratte-ciels une fois érigés, il en dépiaute d’ailleurs les moules et cloue ceux-ci sur de vulgaires planches en bois, comme on crucifie un corbeau mort par les ailes sur les portes des granges afin de chasser le mauvais œil.

Jeroen Van Bergen

Schetsen en teksten 004, Torens

Technique mixte, 40 x 20 x 12 cm

 

Recommander ce contenu

optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016