DESSINS HUMORISTIQUES

Pratiquant la caricature depuis 1969, -son premier dessin portraiture Marcel Broodthaers, - Charlier poursuit et s’approprie une tradition, celle des Salons Comiques du 19e siècle, ces salons pour rire de l’art qui fleurissent dans la presse et qui mêlent souvent aux charges contre les œuvres elles-mêmes, les scènes de genre qui prennent en compte le jury du Salon, le public mondain des vernissages et les artistes eux-mêmes. Il renoue également avec une pratique, celle des artistes qui n’hésitèrent pas à se commettre dans cet exercice qu’on aurait, à tort, tendance à classer au rang des arts mineurs. On compte parmi eux les frères Carrache, le Bernin, Gustave Doré ou Claude Monet. Ces salons pour rire participèrent de près à la fortune critique des tableaux comme ils constituèrent un terrain d’expérimentation privilégié pour les pratiques de dérision, voire d’autodérision, qui se sont développées dès la fin du 19e siècle, notamment avec les Incohérents, la Zwanze bruxelloise, plus tard le dadaïsme et ses multiples avatars. Autant de leçons parfaitement assimilées par Charlier.

 

«Les caricatures de tableaux, note Denys Riout, seront présentes dans la presse aussi longtemps que les tableaux eux-mêmes feront rire. Lorsque dans les années 60, l’œuvre de Picasso cessa de scandaliser et de divertir, le comique dessiné se détourna de la peinture ». Charlier déclarera en 1983 qu’il a toujours trouvé les blagues sur l’art moderne distribuées par les agences de presse terriblement conventionnelles. En général des types ventrus accompagnés de bobonnes faisant des remarques devant des simili-picasso, constate-t-il. La tradition de la caricature d’artiste se perd, Charlier la réhabilite, mieux même, il l’introduit dans le champ de l’art contemporain, de la même façon qu’il a introduit dans le champ artistique ses réalités professionnelles de dessinateur expéditionnaire au S.T.P.

 

On admet généralement qu’avec Honoré Daumier, la caricature adhéra à l’histoire et devint la chronique la plus sûre de son époque. Avec Jacques Charlier, elle s’applique au petit monde de l’art international et devient très vite la chronique des années conceptuelles; elle met en relief les comportements de certains artistes, pastiche les situations, démontent les systèmes et campent des attitudes. Vito Acconci, Daniel Buren, André Caderé, Konrad Fischer, Hanne Darboven, On Kawara, René Denizot, Linda Benglis, Niele Toroni, Dan Graham, Gian Carlo Politi, Gilbert & George et bien d’autres sont ainsi devenus les héros, qui de planches un brin satiriques, qui de vignettes de bande dessinée. À propos de bande dessinée, Charlier publie en 1977 une désopilante Rrose Salevy, belle interprétation de l’hermétique Grand Verre de Duchamp. Et de citer Freud, encore lui : «l’essentiel de la plaisanterie, c’est la satisfaction d’avoir permis ce que la critique défend». (JMB)

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016