ENKEL ZICHT NAAR ZEE, NAAR WEST

 

Jacqueline Mesmaeker

Enkel Zicht naar Zee, naar West, 1978.

Films 8 mm et 16 mm numérisés, couleurs, son.

États d’un moment de la réalité.

 

Émergence en multiples de ce moment.

 

Coupure d’un instant en écran.

 

Multiplication d’écrans juxtaposés.

 

Juxtaposition : le rectangle coupe l’illusion : plus il devient grand plus il permet

 

à l’œil d’échapper à ses limites… comme le tableau de Barnett Newman.

 

Il a peint sur ce rectangle d’Amsterdam toujours du rouge toujours du rouge au pinceau, en couches superposées. Aux deux extrémités un clignotement : un jaune un bleu, comme si l’œil lui-même ajoutait cette complémentaire : le cylindre se referme : vert.

 

En projetant toujours des oiseaux rien que des oiseaux de la même espèce il se passerait aussi quelque chose de complémentaire, quelque chose qui viendrait de soi-même en plus, d’inévitable, d’irrésistible. Un événement se produit, d’autres surgissent comme des harmoniques en musique.

 

Il y a d’infinis mécanismes de fascination : prendre un morceau animé d’un champ immense et le multiplier en images poreuses dans une grande boîte — une chambre — où il y a simulacre de la réalité, jeu et promenade — illusion, illusion perverse, jouissance des lieux non reconnus.

 

États d’un moment de la réalité et émergence en multiples de ce moment.

 

Toutefois il y a paradoxe, inversement au réel (au réel perspectif) les oiseaux de l’avant-garde sont plus petits que ceux qui volent au loin. Oiseaux qui deviennent production de leurres. Ironie : les plumes soyeuses deviennent fils de soie, résilles presqu’invisibles. Leurs images, mutilées en chaque couche et percutées sur des millions de fils de soie — images trouées d’hexagones.

 

Seule la toile blanche du fond capte le ciel en trompe-l’œil. Trou infini dans lequel le regard se perd. Les vols multipliés des oiseaux portent leur discours indépendant et transmettent leur propre information, ils viennent de la constellation qui leur est propre.

 

L’image choisie de la réalité est un phénomène important ?

 

Elle nous porte au bord de l’univers. Au-delà, un autre inconnu : le vertige.

 

Captées et puis restituées dans un espace clos sur des couches vaporeuses, les empreintes, les traces d’animaux en vol ainsi projetées et multipliées suintent de fil en fil en couches fluides comme de l’aquarelle.

 

Je pense à un plafond italien en trompe-l’œil : au fond d’un espace clos de pierres et de plantes on voit, par une grande déchirure qui pourrait être une haute fenêtre ou un toit effondré, des oiseaux voler dans le ciel. Pour les voir ainsi le peintre était probablement au fond d’un espace et parfois cependant on imagine qu’il aurait pu lui-même peindre en volant pour tenter d’être à la hauteur des oiseaux.

 

À nouveau cela donne un peu le vertige, parce que l’on ne sait pas où se situer — ni situer la place du peintre : il devrait se remuer tout le temps.

 

Pour cela, idéalement le spectacle nécessiterait un lieu au fond duquel s’emboîterait un autre lieu pour y plonger les projections : à nouveau on ne saurait où se situer, comme dans une cathédrale où l’on se perd entre les espaces imbriqués des colonnes.

 

Ce qui se passe ne peut être la redondance d’un autre spectacle : ni musique, ni danse, ni théâtre. Seul le bruit mécanique des projecteurs est toléré, au rythme du mouvement des ailes, transformant les oiseaux en sortes de marionnettes.

 

Vol en associations libres, espaces calmés et mouvants qui changent à chaque instant, rendant impossible la focalisation sur un sujet — il n’y a pas de sujet.

 

C’est par le début ou la fin une prise de conscience innocente du cinéma : ce qui généralement est relégué comme décor ou support dans un coin de l’image cinématographique devient événement en vedette.

 

Les oiseaux jouent, les regardants jouent, les circulants jouent et tout bouge, ou se fixe et se revoit. Cette façon de vivre les oiseaux est acquise en mémoire : l’intervention n’est donc que restitution. Plus que le mouvement d’un pinceau, celui des oiseaux ne sinuent-ils pas la vision ?

 

Jacqueline Mesmaeker

 

 

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016