ZONDER TITEL, UNTITLED

 

On le sait, Benjamin Monti, est un étonnant collecteur d'images, collectionneur de curiosités imprimées, recycleur d'un corpus iconographique qu'il hybride, recompose, revivifie entre copies et originaux, une plongée abyssale dans une lecture de la représentation sans cesse réévaluée. Monti campe au carrefour du texte, des arts graphiques et plastiques. Pour ce concours, il s'est contenté, passez moi l'expression, d'envoyer deux dessins de dimensions modestes, une transcription littérale de deux pages de livres, un ancien cours de Néerlandais, un "Leerboek" illustré de dessins en vignettes. Sur le premier, "Het lichaam van de Mensch", on remarquera au passage cette ancienne tournure de l'ABN ; quant au second, "nummer een en twintig, Paul gaat naar het bord", Paul y écrit en effet au tableau - "hij schrijft op het bord", comme Benjamin Monti dessine ces textes en tableaux. L'allusion à l'actuel climat d'incommunicabilité politique est évidente. Et pour cette exposition, l'artiste pousse le jeu plus loin encore, élargissant le propos et le précisant. Il ajoute quelques pages de cours d'anglais. Des dessins sans titre, ou plutôt "untitled", au côté des premiers "zonder titel". Les mises en pages et vignettes rappellent certains "Assimil" surannés, ces dessins ont trait aux cinq sens, donc à quelques questions de perception, à divers pluriels de substantifs, "an ass, two asses", un âne, deux ânes, "a negro, two negroes", un nègre, deux nègres. Et cette fois c'est Bob qui va au tableau, "Bob in the class-room". Monti a décidé de confronter ces quelques dessins à une série d'objets trouvés, patiemment chinés. Une boîte d'allumette "Belga", sans pour autant vouloir mettre le feu, une petite inscription publicitaire, en deux langues et sur bois, "A chacun et à chacune son caprice, mélange extra-léger", hé oui tout part en fumée, une insolite petite boîte décorée d'une tête d'âne, mais avec de monumentales œillères, une page originale d'un "leerboek", un cours de Néerlandais. Elle fonctionne comme une charte de couleurs, aux couleurs du drapeau belge, pardon du "Belgische vlag", "zwart, geel en rood". Le dernier objet n'est pas le moins savoureux, un dessin tiré d'un vieil album à colorier, une gamine au tableau de la classe, dessinant les couleurs nationales, pardon fédérales, car "De belgische vlag is zwart, geel en rood". La gamine est entourée d'un plumier, d'un crayon et de craies, d'un boulier compteurs, d'un cahier - et d'un bonnet d'âne. Monti, amateur de dessins d'enfant, a tout colorié. En trois couleurs. En rouge, en jaune et en noir. Logique et piquant, tout est apprentissage, tout est mystère de l'image. (Jean-Michel Botquin)

 

Benjamin Monti serait, pour sa part, un artiste conceptuel tout en étant un fabuleux dessinateur, proche parent du meilleur Magritte et de Broodthaers, développant sagacité de vision et légère espièglerie. Fouineur de brocante, il va à la pêche d'ouvrages dont il recopie docilement, à l'encre et donc à l'ancienne, les pages soigneusement sélectionnées. La méticulosité et la maîtrise de l'écriture et du dessin n'ont d'égal que l'impertinence douce et savoureuse du contenu des pages choisies. Un autre aspect de son travail est visible également en galerie temporaire où il présente des dessins toujours empruntés, toujours anciens et en noir et blanc, qu'il hybride parfois et qu'il associe afin de les rendre plus loquaces qu'à leur origine, plus drôles, plus perfides. Le plaisir du décodage est garanti. (Claude Lorent dans La Libre, 08.10.2010)

 

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016