Si l’exposition polonaise de Jacques Lizène agit comme une Rapid’ Rétrospective sous forme d’un vaste placard à tableaux, un storage de caisses, de sculptures, de toiles, de toiles dans la toiles, de moniteurs vidéos, elle fait la part belle à une série de nouvelles productions, essentiellement dans le domaine de la sculpture génétique et de l’art syncrétique, ce fil conducteur de l’oeuvre lizénienne. Exemples choisis.
The category of ‘genetic sculptures” uses the double principle of collage and montage – like in numerous canonical works of modern artists (most of all in Max Ernst, but also Eisenstein, Heartfield, Erró, Rauschenberg, Godard, Jorn, etc…). Like for all of them, the point for Lizène is in a clash between two heterogeneous elements (belonging to quite different categories), sufficiently distant to create an effect of contrast or impropriety (by joining what, according to logics, would never join), nevertheless justified and harmonious (because the clash is to make an impression of obviousness). What differs Lizène from them, however, is the fact that the effect of surprise or enchantment is never deprived of a dose of burlesque (only a few collages by Erró are like that) resulting from exceeding accepted hierarchies and classifications. Such is the case of a “montage” of a primitive sculpture with a classical one; hybrids of two or more faces (Freud-Hitler, Proust-Kafka, Lizène-Picasso); attaching a feminine look to the bust of marquise de Sade by Man Ray; adding farce elements (fake nose) to portraits; creating paradoxical objects (guitar-pickaxe, guitar with two fingerboards); joining halves of chairs or sofas made in contrasting styles; inventing “dualist” plants contradicting natural laws (spruce turning into a palm tree or a right angle tree trunk): we feel that such variations can be innumerable. What makes Lizène someone unique in this repertoire, however, is the fact that he realizes all this in all techniques and languages he uses: collages, ready-mades, drawings, objects (appearing in parallel with these drawings), video (techniques of incrustation bring miracles here), turning sculptures over, street actions (comical performance consisting in stopping the passers-by and comparing their face with the fragments of other face, what transforms them , in fact, in living “genetic sculptures”), and even inventions of symbols (his famous Belgian flag, maybe not fully ironic, made by joining a half of the Flemish lion with a half of the Walloon rooster …). (Guy Scarpetta, A full,)
Le registre des « sculptures génétiques » participe du double principe du collage et du montage – tel qu’il est présent dans nombre d’œuvres canoniques de la modernité (Max Ernst, avant tout, mais aussi Eisenstein, Heartfield, Erró, Rauschenberg, Godard, Jorn, etc…). Pour Lizène comme pour tous ceux-là, il s’agit de faire entrer en collision deux éléments hétérogènes (prélevés dans les registres les plus divers), suffisamment éloignés pour produire un effet de heurt ou d’incongruité (il s’agit de réunir ce qui logiquement n’aurait jamais dû l’être) et pourtant ajustables, harmonisables (la rencontre doit aussi avoir un caractère d’évidence). Mais ce qui singularise Lizène, c’est que l’effet de surprise ou d’émerveillement n’est jamais dénué d’une certaine dimension burlesque (seuls quelques collages d’Erró s’aventurent dans cette direction-là), résultant notamment d’une transgression des classifications et des hiérarchies admises. D’où par exemple, le « montage » d’une statuette d’art primitif et d’une sculpture classique ; l’hybridation de deux ou plusieurs visages (Freud-Hitler, Proust-Kafka, Lizène-Picasso) ; l’irruption d’un regard féminin dans l’image du buste de Sade par Man Ray ; l’ajout d’éléments farcesques et perturbateurs (les faux-nez) à certains portraits ; la création d’objets paradoxaux (la Guitare-pioche, la Guitare à deux manches) ; le télescopage de deux moitiés de meubles (chaises, canapés) appartenant à des styles opposés ; l’invention de végétaux d’une « dualité » défiant toutes les lois de la nature (un sapin « mutant » soudainement en palmier, un arbre dont le tronc se développe brusquement à l’horizontale, en formant un angle droit) : les variations, on le sent, sont infinies. Mais ce qui fait la singularité de Lizène, aussi, dans ce répertoire, c’est qu’il peut se concrétiser dans tous les langages dont il dispose : ces collisions peuvent tout aussi bien s’incarner dans des collages d’images ready-made, des dessins tracés à la main, des créations d’objets (résultant à l’occasion de ces dessins), des vidéos (les techniques de l’incrustation, ici, font merveille) des détournements de sculptures, des actions de rue (l’inénarrable performance où il aborde les passants, pour leur apposer sur le visage le fragment photographié d’un autre visage, les transformant de facto en sculptures génétiques vivantes), et même des inventions de symboles (son fameux drapeau belge, peut-être pas entièrement ironique, résultant de la conjonction de la moitié du lion flamand et de la moitié du coq wallon…). Guy Scarpetta, L’énergumène, extrait du texte du catalogue.