A PROPOS DE L'EXPOSITION PRISMA PAVILLION AU MUDAM, LUXEMBOURG

 

On l’attendait au détour de quelques carrousels de diapositives choisies, répétées et listées ou rassemblant une série de documents disposés en ellipse et en vitrine, voire même proposant au regardeur l’un ou l’autre dispositif plus complexe. Sa pratique, on le sait, consiste à mettre l’histoire de l’art à contribution, à se réapproprier œuvres, documents, reproductions, références théoriques et littéraires, à se glisser avec un sourire entendu dans le trou du souffleur nous distillant parcimonieusement de déroutantes informations sur ce que nous regardons, ce qu’il nous donne à voir. «Ses expositions, lit-on dans le communiqué de presse du musée, valorisent, interrogent, déplacent, entre autres, les questions de l’ambiguïté des relations entre l’original, la copie et la reproduction, de la mise en espace de l’art et de la fonction de l’artiste aujourd’hui». Olivier Foulon a délibérément brouillé les pistes. De carrousel de diapositives, il n’est question que sur le carton d’invitation à l’exposition. Et celui-là annonce le titre de celle-ci : «Prisma Pavillion», en fait le nom d’un fast food, un imbiss berlinois. Foulon rebondit évoquant «le goût et la vitesse d’exécution» et, in fine, à Luxembourg, nous donne à voir de la peinture. Au sens le plus strict du terme, de la peinture plutôt que des peintures. Jubilatoire de surcroît. Sur toiles, et surtout sur pages quadrillées de carnets de notes, ce sont des moments, des fragments, des condensés, une interrogation constante quant aux notions «évidentes» de figure, de fond, de format, d’objet, de mur, de lumière, de lieu, de transparence, d’opacité. Actuellement résident à la Villa Romana de Florence, c’est comme une période florentine de l’artiste, comme si les œuvres des maîtres l’avaient inciter à y chercher les questionnements les plus essentiels. L’épure abstraite et la concentration sensible, émotionnelle des oeuvres, la tension spatiale de l’accrochage, prise en compte de l’espace réel, renouant d’ailleurs avec l’architecture d’origine, tout cela évoque le questionnement radical de la peinture en tant qu’expérience existentielle que mena Blinky Palermo. «En introduisant un ou plusieurs éléments extérieurs à la peinture, Olivier Foulon interrompt la réalisation de l’œuvre et en complexifie l’enjeu, comme s’il lui fallait exposer une action en même temps qu’un objet. L’objet est, dit-il, non pas sur le mur mais dans un certain rapport avec celui-ci».

 

En exergue, de cette série, une seule autre œuvre: les photographies des pages mallarméennes du «Ten o’clock» de M. Whistler, cette conférence faite, à dix heures du soir à Londres (le 20 février), Cambridge (le 24 mars) et Oxford (le 30 avril, 1885). Une profession de foi en l’art peu commune. «Ainsi l’art se limite à l’infini, et y commençant ne peut progresser. Une tacite indication de son indépendance chagrine rejetant toute avance étrangère, est dans sa condition d’absolue immutabilité et son mode d’accomplissement depuis le commencement du monde. Le peintre n’a que le même crayon, le sculpteur le ciseau des siècles» Dans un cabinet voisin de la grande salle d’exposition, on ne manquera pas le phrasé développé sur le mur, introduit par deux perroquets, ceux-là même dont nous avons déjà souvent parlé à propos de l'artiste. Et qu’importe la vitesse d’exécution. Il reste tout le goût.(Jean-Michel Botquin)

 

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016