EMILIO LOPEZ MENCHERO, PAINTINGS

 

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Il y a trente ans, par une belle nuit de décembre, j’ai admiré des tableaux de López-Menchero. Cet homme-là savait déjà peindre. Mais la peinture en soi ne lui suffisait pas. Il voulait autre chose. Il voulait se façonner une gueule reconnaissable et un cœur à lui tout seul. Nous étions dans un petit appartement au quatrième ou cinquième étage d’une maison de location. Du balcon nous avons regardé une répétition nocturne pour un défilé de carnaval. Trois géants somnolant s’appuyaient contre des réverbères, deux hommes au combat roulaient sur le sol, l’un d’eux perdait sa perruque aux longs cheveux blonds.

Sous les yeux et entre les mains de ce peintre, la peinture devient un outil.

Si certains de ces tableaux semblent littéralement avoir été peignés, une chose est sûre : il se sert de la peinture comme d’un peigne, c.-à-d. un instrument à agencer le passé, les impressions, les pensées, les doutes et les rêves. Serait-il donc possible de se forger un soi en peignant ?

Se considérant peu doué pour le langage, López-Menchero s’est voué à l’architecture, à l’intervention spatiale, à la performance, à la photographie, à la sculpture, au dessin et, finalement, il est revenu à la peinture proprement dite, pour se faire une image de qui il pourrait être.

Quelle acuité dans ces interventions spatiales ! Quelle élégance dans ces dessins ! Quelle précision dans ces autoportraits photographiés !

Il y a longtemps, j’ai connu un géant qui m’avait confié que la mort de sa mère l’avait libéré. Gérante d’un magasin à blé, celle-ci descendait toute seule, sur ses épaules, des sacs de cinquante kilos qui étaient stockés dans le grenier. Le fils, pourtant un colosse, lui aussi, s’était retrouvé écrasé, persuadé dès lors de ne jamais pouvoir égaler cette Athéna invincible.

Il en était de même pour moi. Ayant eu des parents qui faisaient semblant d’être parfaits par crainte d’être rejetés par leurs enfants, je me suis senti minable toute ma vie.

Les pensées, seules, ne peuvent nous sauver. Pour comprendre (et pour ressentir), il faut agir. Il faut tracer des raies. Il faut échouer. Il faut survivre à ses erreurs.

La peinture a cela d’inégalable qu’elle permet de montrer ses failles.

Elle consiste en des traces d’une pensée pénible, stupide, honteuse, mais honorable. Elle nous permet de tracer des images dans la boue, de faire surgir des rêves, de cerner des doutes, de nous faire une idée.

Ainsi, le cirque continue, les masques se mettent à danser, le saltimbanque apprend à tomber, le cauchemar se dompte et le jour se fait plus doux.

 

Hans Theys

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016