PLACARDS À TABLEAUX, 1970, EN REMAKES

 

PLACARD À TABLEAUX

 

Il est inutile de mettre les toiles médiocres de Lizène au placard; depuis 1970, le Petit Maître s’en charge lui-même. Il entasse ses œuvres, pêle-mêle, mise au placard de l’artiste sans importance. Ou plutôt non, il expose ses placards à la cimaise, dans un stupide retournement de situation, où l’essentiel n’est pas de montrer les toiles, mais bien le placard lui-même. C’est dans l’exposition Art spécifique de 1970 que Lizène entasse ses toiles pour la première fois, lors de l’action Décrochage des tableaux, moment où il invite le public à venir voir le décrochage de l’exposition et ainsi donc «l’art de l’envers du décor» (1970). Durant le décrochage, alors qu’il développe une seconde action qui consiste à réduire la longueur et la largeur de la galerie, il entasse ses toiles dans un coin. L’envers du décor. L’art de l’envers du décor, c’est le châssis de la toile, son armature, son ossature. L’envers du décor, ce sont les misères que l’on cache, les œuvres insignifiantes que l’on stocke, les brosses et balais des placards. L’envers du décor, ce sont toutes ces œuvres oubliées dans les réserves des musées, celles des médiocres, des sans grades et des sans noms que Lizène rédime, les exhumant en même temps que les placards qui les abritent.

 

Cet intérêt pour la matérialité de la peinture, son châssis, son cadre ne se démentira pas au fil des remakes. Lizène peint des Entassements de toiles, il les peint à l’envers, parfois l’endroit sur l’envers, ou à l’endroit. Entassement de toiles nulles, de Toiles dans la toile, de Nouvelles Abstractions nulles, de Toiles néo-rupestres, de Toiles néo-déco, avec ou sans l’ajout d’autres misères, des brosses et des balais, d’autres œuvres. Il les compose également en Sculptures nulles. Ainsi, depuis la fin des années 90, en remakes d’expositions, Jacques Lizène recompose régulièrement en placards un ensemble de toiles, d’encadrements orphelins, de Sculptures nulles, de Dessins médiocres, y ajoutant parfois, ici un balai, là une projection penchée sur toile, où là encore une bouteille de champagne, bue au préalable, c’est là une triviale question d’art comportemental. La logique est implacable et le principe même du placard à tableaux peut s’étendre à n’importe quelle réserve de musée. D’aucuns, dont les directions se sont crispées à l’idée d’un crime de lèse-réserves, ont refusé, d’autres ont accepté. Ainsi au Musée des beaux-arts de Brest : Lizène y compose en 2003 un placard à tableaux des œuvres de l’institution ainsi qu’un cadre de cadres, tandis que dans un beau naufrage de regards, il fait chavirer quelques marines aux cimaises des salles du musée. Le Petit Maître projette de constituer un placard à tableaux avec des œuvres des réserves des musées vénitiens. (JMB)

CUPBOARDFUL OF PAINTINGS

 

There is no point in putting Lizène’s mediocre paintings in a cupboard. Since 1970, the Minor Master had done that job himself. He piles up his works any old how, puts aside the unimportant artists. Or rather, no, he doesn’t: he exhibits his cupboards against the picture wall, in a stupid reversal of situation in which what is essential is not showing the canvases but the cupboard itself. Lizène first piled up his canvases at the 1970 exhibition Specific Art de 1970 during his action Unhanging of Canvases, when he invited the public to come and see the exhibition being taken down, and therefore the “backstage of art” (1970). During the unhanging, when he was engaging in a second action that consisted in reducing the length and width of the gallery, he piled up his canvases in a corner. Backstage. Art’s backstage is the stretcher for the canvas, its armature, its structure. Backstage is the hidden wretchedness, the insignificant works that are stored away, the brushes and brooms of the cupboards. Behind the scenes are al the forgotten works in the museum storerooms, works by the mediocre, the lowly and unknown, all those that Lizène redeems, exhuming them along with the cupboards that house them.

 

This interest in the materiality of painting, its painting and frame, was confirmed by the remakes. Lizène painted Heaps of Canvases, he painted them backwards, sometimes with the front at the back, or at the front. Heaps of worthless canvases, of Canvases in the Canvas, of New Worthless Abstracts, of Neo-Rock Canvases, of Neo Deco Canvases, with or without other added wretchedness, brushes or brooms, other works. He also composed them as Worthless Sculptures. Thus, since the end of the 1990s, in exhibition remakes, Jacques Lizène regularly recomposes in cupboardsful a whole set of canvases, of orphan framings, of Worthless Sculptures, of Mediocre Drawings, adding a broom here, there a sloping projection on canvas, or again a pre-drunk bottle of champagne, in a trivial question of Behaviour Art. The logic is implacable and the very principle of the cupboardful of paintings can be applied to any museum storerooms. Some, their directors tense at the idea of slighting their stores, refused; others accepted. In 2003, Lizène thus composed at the Musée des Beaux-Arts de Brest a cupboardful of paintings from the institution and a frame of frames, while in a fine wreck of gazes, he sank a few seascapes on the museum’s picture walls. The Minor Master is planning to constitute a cupboardful of paintings with works from the storerooms of Venetian museums. (JMB)

 

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optimisé pour safari, chrome et firefox  |  propulsé par galerie Nadja Vilenne  |  dernière mise à jour  06.02.2016